ANNULATION DU DÉCRET DE RÉVOCATION DU MAIRE DE DAKAR : LA PLAIDOIRIE DES AVOCATS DE KHALIFA SALL

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Le 31 août 2018, le président de la République, après la confirmation de la condamnation à 5 ans de prison ferme de Khalifa Sall par la Cour d’appel de Dakar, avait pris un décret révoquant ce dernier de ses fonctions de maire de la ville de Dakar. Un acte jugé illégal par les avocats de Khalifa Sall. Lesquels ont introduit auprès de la chambre administrative de la Cour suprême un recours en annulation dudit décret.

Pour asseoir leur requête, ils ont évoqué quatre moyens. Le décret, selon les avocats de la défense, viole les dispositions de l’article 135 de la loi portant Code général des collectivités territoriales. Ils estiment en outre que ledit décret pris par le président de la République n’est pas motivé. Ce qui, à leurs yeux, est une violation flagrante de la loi et, par conséquent, est d’une nullité absolue.

Khalifa Sall ne se bat plus pour un poste

A l’ouverture de l’audience, les avocats de l’ancien maire de Dakar ont été les premiers à prendre la parole pour faire leurs observations. D’emblée, Me François Sarr a précisé que Khalifa Sall ne se bat plus pour une position ou un poste. A l’en croire, ce sont des choses qu’il a définitivement laissé derrière lui. Pour l’avocat, il s’agit d’un combat de principe et les moyens avec lesquels la Cour suprême est saisie sont de pur droit. « Nous sommes au cœur de problèmes qui sont sérieux. Il s’agit de rapports entre élus en l’occurrence entre le président de la République, Macky Sall et le maire de Dakar, Khalifa Sall. Le législateur a été prudent en encadrant le décret de révocation. Puisqu’il sait que derrière une décision, il peut y avoir des intentions inavouées. Donc, dans cette affaire, il faut s’élever au-delà des personnes. Il faut uniquement regarder les principes qui sont éternels », a expliqué Me Sarr. Qui admet que le président de la République a certes les pouvoirs de révoquer un maire, mais le législateur, sachant que c’est un pouvoir qui peut être exercée de façon abusive, a encadré cela. Pour Me François Sarr, ce sont les principes d’encadrement qui ont été violés dans le cas d’espèce.

Etayant ses propos, la robe noire explique que le décret de révocation n’a pas été révoqué comme le stipule l’article 134 alinéa 4 du Code des collectivités territoriales. En sus, Me François Sarr rappelle que le code des collectivités locales fixe les cas dans lesquels le président de la République peut exercer ce pouvoir de révocation. Ce sont, énumère-t-il, en cas de condamnation du maire pour un crime ou en cas de commissions de faits tels que détournements de deniers publics, utilisation des deniers publics à des fins personnelles, faux et usage de faux en écriture publique. « Khalifa Sall est certes poursuivi pour certains de ces faits mais la question reste en discussions du fait du caractère suspensif du pourvoi en cassation. La condamnation n’était pas définitive donc, il était encore investi de la présomption d’innocence », a plaidé Me François Sarr, sollicitant l’annulation dudit décret.


Une décision qui ne repose sur aucune équité

Abondant dans le même sens, Me Ousseynou Fall qualifie le décret de révocation de « décision arbitraire ». Selon lui, cette décision ne repose sur aucune équité dans la mesure où tous les droits de Khalifa Sall ont été violés dans cette procédure. « Ses droits ont été piétinés par l’exécutif et aussi par les différentes instances judiciaires du pays », dénonce Me Fall. Très en verve, il indique que Khalifa Sall a commis un seul crime : c’est le fait d’avoir dit non à une offre politique du président de la République. « S’il avait dit oui à cette offre, il ne serait pas là », a martelé l’avocat de la défense, réitérant que dans ce dossier, la défense a toujours vécu l’arbitraire.

Toutefois, Me Ousseynou Fall ne perd pas espoir de voir son client rétablir dans ses droits par la Cour suprême. Il pense que devant cette juridiction, l’arbitraire va cesser. S’adressant au président de la Cour suprême, il lui dit : « Des magistrats tels que Kéba Mbaye, El Hadji Diouf, entre autres, ont gravé en lettres d’or leurs noms dans les annales de la justice sénégalaise. Nous leur devons respect et considération. Prenez l’exemple de vos illustres prédécesseurs qui vous ont jalonné la voie et ne laissez pas passer l’arbitraire. Nous vous demandons de faire cesser cet arbitraire en annulant ce décret inique qui ne repose sur aucun motif et vous ferez justice ».

Me Ousseynou Fall n’a pas ménagé le président de la République dans sa plaidoirie. Pour lui, le peuple sénégalais n’a pas besoin d’un président de la République comme Macky Sall qui, soutient-il : « foule aux pieds les droits fondamentaux des individus et brade à tout va les ressources naturelles du pays. Il a fait emprisonner Khalifa Sall et pour l’affaire Pétro-Tim dans laquelle son frère Aliou Sall est impliqué, il est en train de distraire les Sénégalais ».

 

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