L’APR JOUE SES «PRIMAIRES»

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Positionnement pour les locales de 2019, via la campagne du parrainage

Le lancement de la campagne du parrainage pour la présidentielle de février prochain a fait ressurgir les démons de la division au niveau local au sein de l’Apr, la formation politique du président de la République. Alors que le président Macky Sall avait préconisé l’unité, lors du lancement de la campagne de parrainage, les responsables de l’Apr ont fini de transformer cette campagne de collecte en véritable bataille de positionnement au niveau de la plupart des localités. Comme s’ils étaient en pleins « primaires » pour les Locales de 2019.

Le parti du président de la République, l’Alliance pour la République (Apr), récidive. Après les divisions constatées, lors des investitures pour les élections locales de juin 2014, la formation politique fait face encore aujourd’hui à une vague de dissidences de ses responsables dans le cadre de la campagne de collecte des signatures pour le parrainage des candidats à l’élection présidentielle du 24 février prochain. Au niveau de la plupart des localités du pays, on voit des responsables de l’Apr mener cette campagne de collecte des signatures pour le parrainage de la candidature de Macky Sall, en quête d’un second mandat présidentiel à la tête du Sénégal, sur fond de rivalités ouvertes. Ce, nonobstant l’appel à l’unité de tous les responsables de la mouvance présidentielle, lancé par le chef de l’Etat, Macky Sall, par ailleurs chef de l’Apr et de la coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby).

Aujourd’hui, aucune localité n’est épargnée par cette bataille de positionnement entre responsables de l’Apr. A Dakar, un des grands enjeux de la prochaine élection, on note dans plusieurs communes la guerre du nombre de signatures collectées par des responsables apéristes, notamment les partisans du ministre des Finances, Amadou Ba, et ceux de son collègue en charge de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr. A Louga, ce sont quatre responsables locaux de l’Alliance pour la République qui sont les plus en vue dans cette rivalité sur le terrain de la collecte des signatures pour le parrainage de la candidature de leur mentor. Il s’agit notamment du ministre-maire de Louga, Moustapha Diop et son camarade Mamour Diallo, Directeur des Domaines et président du Mouvement «Doly Macky». Les deux autres frères ennemis du parti au pouvoir à Louga sont Khalifa Dia (Maire de Guéoul) et Ousmane Cissé (Dg des mines), respectivement coordonnateurs départemental et communal de l’Alliance Pour la République (Apr) de Kébémer. Ce sont ces quatre responsables de l’Apr qui alimentent aujourd’hui la rivalité dans le camp du pouvoir au niveau de cette région. A Saint-Louis, le constat est le même. Le choix porté par le chef de l’Etat sur certains responsables pour être coordonnateur de Bennoo Bokk Yaakaar au niveau local a provoqué des dissensions au sein de sa propre formation, notamment à Podor.

La nomination du ministre Abdoulaye Daouda Diallo comme coordonnateur départemental de Podor n’a pas été au goût du président de l’Alternative Générationnelle Jotna, par ailleurs Directeur Général de Dakar Dem Dikk, Me Moussa Diop, et du directeur général du Coud et maire de Dioum, Dr Cheikh Oumar Anne. Aujourd’hui pour marquer leur terrain, les deux responsables politiques mènent de façon parallèle leur propre campagne de collecte des signatures au niveau local pour le parrainage de la candidature de Macky Sall. Au-delà de ces localités citées, cette bataille de signatures pour le parrainage de la candidature de Macky Sall opposant les responsables de l’Apr touche également Ziguinchor, Sédhiou, Kaolack, Fatick… Dans la capitale du Sud, la nomination de Benoit Sambou, président du Haut conseil du dialogue des territoires, comme coordonnateur au niveau départemental a fait ressurgir les démons de la division au niveau local, au sein de cette formation politique du président de la République. En ligne de mire de ce positionnement tous azimuts, on retrouve sans aucun doute les Locales de 2019 dont les primaires semblent se jouer au sein de l’Apr, avec la campagne de collecte des signatures de parrains.

ECLAIRAGE D’UN ENSEIGNANT CHERCHEUR EN SCIENCE POLITIQUE A L’UCAD : Abdourahmane Thiam décortique les mobiles apéristes

Interpellé sur les motivations expliquant cette rivalité que se livrent les responsables du parti au pouvoir dans la collecte des signatures pour le parrainage de Macky Sall, Abdourahmane Thiam, enseignant chercheur en Science politique à l’Ucad lie cette situation à plusieurs facteurs dont l’absence de structuration du parti mais aussi le positionnement en perspective des Locales de 2019.

« D’abord, il faut qu’on s’accorde sur le fait que l’Apr n’est pas un parti qui est organisé et structuré dans la mesure ou cela s’apparente un peu à une auberge espagnole ou il y a tous les sons de clochete. On ne peut pas aller dans une localité et dire que c’est telle personne qui est le responsable de la circonscription, soit du département ou de la région comme cela c’est fait dans certains partis organisés comme le Ps, le Pds, Rewmi etc. C’est le premier élément explicatif de cette confusion et le président de l’Apr n’a pas su régler cette question. Ensuite, il y a un problème de légitimité qui se pose parce que le nombre de parrains obtenus est un facteur de légitimation ou non de tel ou tel responsable dans sa localité. Donc, c’est ca qui fait que les responsables de l’Apr, au lieu de s’inscrire dans une logique de rassemblement ou d’unité, préfèrent plutôt faire cavalier seul pour montrer le fruit de leur travail sur le terrain. Nous avons des exemples en observant ce qui se fait depuis quelques temps, notamment à Diofyor.

Dans cette commune par exemple, vous avez une responsable de l’Apr qui est d’ailleurs la première adjointe au maire, qui s’est dissociée du groupe Bennoo Bokk Yaakaar pour faire cavalière seule. On peut dénombrer les exemples qui se multiplient. De même dans la région de Fatick où on voit un responsable comme le maire de  la commune, Mr Matar Ba, actuel ministre des Sports aller à la collecte des parrains avec son équipe de même que le Dr Cheikh Kanté.  Tout cela laisse à penser que c’est une sorte de primaire entre responsables par ce que du moment que le parti n’est pas bien structuré, naturellement, il y aura toujours des guerres de positionnement, lors  des prochaines échéances locales. Et, c’est maintenant le moment d’anticiper pour montrer sa représentativité dans sa localité à travers le parrainage. Mais, je tiens à souligner que cela peut être un leurre parce que parrainer un candidat ne veut pas dire que vous allez voter pour lui. Au Sénégal, si vous analysez le comportement électoral, vous constaterez qu’il y a une certaine volatilité de l’électorat. Donc, il faudra faire très attention et ne pas être trop affirmatif dans certaines allégations.

Dire que tel responsable a mobilisé tant de parrains et qu’il est le plus représentatif, ce n’est pas sûr parce qu’au Sénégal, il y a le phénomène du clientélisme politique qui fait que la mobilisation de l’argent dans cette lutte de positionnement a un impact mais c’est du point de vue sociologique. On ne peut pas dire que c’est le candidat qu’on pense être en tête de ces collectes qui est le plus aimé dans sa localité. Donc, il y a ce paramètre qu’il faut essayer d’intégrer dans l’analyse de ces situations. L’autre facteur c’est également une logique de positionnement dans la redistribution des rôles ou postes au cas où il y aurait une réélection du président Macky Sall. Car, ceux qui seraient en tête dans la collecte de parrains pensent qu’ils pourraient être récompensés politiquement ou bien en cas de défaite, toujours en terme d’hypothèse, pourraient se positionner dans le champ politique après une éventuelle alternance. Il y a tous ces facteurs combinés qui nous aident à mieux comprendre cette guéguerre entre responsables au sein de l’Apr ».

 

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