Moussa Diaw (Politologue) : « Pourquoi l’État ne va pas reprendre le procès de Karim »

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Malgré l’injonction du Comité des droits de l’homme de l’Onu, le Sénégal ne va pas réexaminer le procès Karim Wade. Du moins pas avant la prochaine présidentielle. C’est la conviction de Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Ufr des sciences juridiques et politiques de l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis.

Le Comité des droits de l’homme demande au Sénégal de réexaminer le procès de Karim Wade. L’État va-t-il s’exécuter ?
Jene crois pas que l’État du Sénégal va reprendre le procès. Une juridiction nationale a décidé. Les experts des droits de l’homme ont donné leur avis sur le déroulement du procès, sur les procédures, en considérant qu’il y avait des dysfonctionnements et qu’il fallait reprendre cela, mais,  à mon  avis, on ne peut pas donner des injonctions à l’État qui est membre de l’Onu, qui appartient donc à cette communauté. D’autant puisque ce dossier est éminemment politique et qu’on est à quelques mois d’élections présidentielles, cela suscite des débats et des polémiques.

Sur cette question-là, il y a des enjeux, des non-dits, énormément de  choses qui ne sont pas du tout clarifiées. Sans même parler de procès, la  manière dont  la personne (Karim Wade, Ndlr) concernée  a pu sortir du pays, dans des conditions rocambolesques, cela pose problème. C’est un dossier qui relève peut-être même du « secret d’État ». Donc, on ne peut pas le traiter de cette façon-là, en prenant juste une partie et laisser l’ensemble du dossier.

Certains experts affirment que le Sénégal gagnerait à respecter l’injonction de l’Onu. Ont-ils raison ?
Dans le contexte où nous sommes, le Sénégal ne peut pas faire marche arrière. Parce que c’est  se discréditer. Et la défense a saisi l’occasion pour protester, revendiquer une certaine victoire au niveau international. C’est cela le débat. Mais, personnellement, pour la dimension politique, je ne crois pas  que le Sénégal puisse faire  marche arrière par rapport à ce dossier. Compte tenu des logiques judiciaires et politiques qui sont emmêlées. Surtout qu’on est dans un contexte de campagne préélectorale. Et la polémique va enfler autour de cette question. D’autant plus qu’il est considéré comme potentiel candidat, potentiel adversaire du Président Macky Sall. Par conséquent, il y a toutes ces logiques qui interviennent.

Macky Sall a laissé entendre qu’il y avait une possibilité d’amnistier Karim Wade, avec Khalifa Sall. Cette option pourrait-elle constituer une issue ?
Quand on lit entre les lignes le président de la République, dans son intervention sur France 24, il laisse entendre qu’il y a des possibilités, après les élections, de tourner la page. Cela veut dire qu’il y a des enjeux politiques qui sont là, que ce sont des adversaires que l’on craint et que, pour lui, il n’est pas question de lâcher du lest, compte tenu de l’imminence des élections et des enjeux pour sa reconduction. Ce qui ne lui permet pas de revenir sur ce dossier-là. Et il dit qu’après les élections on verra comment tourner cette page et se tourner vers l’avenir. Donc, il y a des questions politiques qui sont derrière tout cela, mêlées aux affaires judiciaires. Je pense que c’est un dossier très  sensible et le Sénégal ne va pas revenir dessus.

 

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