Il est sans doute parmi les personnalités les plus influentes du Sénégal depuis l’indépendance. Iba Der Thiam, fort de ces nombreuses casquettes, a marqué de son empreinte l’évolution du pays tant sur le plan politique, syndical qu’éducatif. Son savoir profond, en sa qualité de Professeur d’histoire, et son parcours en tant qu’ancien ministre de l’Education entre autres, lui ont valu d’être à la direction de l’ambitieux projet de la réécriture de l’Histoire générale du Sénégal. Ce fut son dernier service à la nation d’ailleurs, puisque l’homme va décéder le 31 octobre 2020, quelques mois après la publication du travail en question.
Iba Der Thiam, c’est une vie si remplie qu’il est difficile de la résumer en quelques lignes. Cependant, quelque immense que puisse être sa trajectoire, elle laisse apparaitre un homme sous trois facettes: syndicaliste, homme politique, et acteur de l’éducation. Succinctement, ces trois domaines ont été les champs de prédilection d’un leader syndical, chef de parti politique, et professeur agrégé en Histoire. Sur le plan éducatif, Iba Der Thiam glane d’autres attributs tels que docteur ès lettres de l’Université Paris I (Sorbonne).
Né en 1937 à Kaffrine, Iba Der Thiam a commencé à enseigner à l’Université de Dakar dès 1974 en qualité de maitre de conférence d’histoire. Sa maitrise de sa matière est telle qu’il est mis en évidence et impliqué dans des projets relatifs à son domaine. Pr Iba Der, comme aimaient l’appeler ses étudiants et admirateurs, a ainsi été coopté par l’UNESCO au sein de sa commission scientifique pour la rédaction de l’Histoire générale d’Afrique (projet lancé en 1964 et achevé en 1999). Il occupe le poste de Directeur de l’Ecole normale supérieure du Sénégal (1975-1983) puis Directeur de l’Université des mutants pour le dialogue des cultures de Gorée (1979).
Son passé syndicaliste et son statut de professeur émérite vont le propulser au poste de ministre de l’Education sous le président Abdou Diouf. Après avoir remporté sa première élection présidentielle, le président Diouf promeut ainsi Pr Iba Der Thiam audit département entre 1983 et 1988. A ce niveau de responsabilité, M. Thiam fera montre d’une volonté de transformer le secteur mais l’année blanche de 1988 va demeurer la tâche noire de sa gestion. Il sera d’ailleurs écarté du gouvernement pour cette raison. Technocrate mais presque contraint de faire la politique, Iba Der Thiam a été pourtant à l’origine de l’initiative du GRESEN « Groupe de rencontre pour un Sénégal nouveau », des échanges qu’il animait en personne; il créé aussi un mouvement politique dénommé « Abdoo niou doy » (Abdou nous suffit) en direction des élections de 1988.
Retiré du gouvernement socialiste, Pr Thiam va créer son parti politique qu’il dénomme CDP/Garap Gi et va participer à la présidentielle de 1993. Cependant, il faudra attendre la survenance de l’alternance en 2000 pour le voir gagner en influence au sein de la CAP 21, coalition soutenant le président Wade et dont lui-même est à la tête de la coordination. Il deviendra député et vice-président de l’Assemblée nationale sous le régime libéral.
Après son élection en 2012, le président Sall lui confie la rédaction de l’Histoire générale du Sénégal; Iba Der Thiam et son équipe publient les premiers volumes en 2019, lesquels vont susciter d’énormes controverses venant notamment des familles religieuses et coutumières. Le professeur-syndicaliste-politicien décède le 31 octobre 2020, à l’âge de 83 ans. Pour sanctionner ses bons et loyaux services, et l’immortaliser pour la postérité, le président Sall attribue son nom à l’Université de Thiès.