Le réalisateur sénégalais, Moe Sow, retrace le parcours de l’écrivain et homme d’Etat Cheikh Hamidou Kane, 92 ans, à travers un film documentaire consacré aux convictions de l’auteur de « L’Aventure ambiguë », son regard sur le monde actuel et sur le devenir du Sénégal et de l’Afrique.
D’une durée de 52 minutes, ce film intitulé « Kaaw Cheikh’’ (oncle Cheikh) a été projeté à Dakar, à l’Institut supérieur des arts et de la culture (ISAC).
Il propose des va-et-vient sur la vie de ce descendant de Alpha Ciré Kane de Matam, « un homme qui a marqué son temps et la vie sociale, politique et économique de son pays, le Sénégal, et de son continent, l’Afrique », dit de lui le journaliste Mamadou Ibra Kane, un des producteurs exécutifs du film.
Le cinéaste s’attarde, dès l’entame du film, sur une époque matérialisée par un vieux poste radio et une télévision d’époque diffusant tour à tour un entretien accordé par l’écrivain au journaliste, dans lequel le premier revient sur la genèse et le contenu de ses deux livres ayant marqué son parcours littéraire à savoir « L’Aventure ambiguë », un classique publié en 1961 et traduit en plusieurs langues, et « Les gardiens du temple » (1995).
Le documentaire « Kaaw Cheikh » est un film biographique qui incite, dans le même temps, à la découverte du terroir de Cheikh Hamidou Kane, la région de Matam et la zone du fleuve Sénégal, symbole de l’enracinement de tous les « Foutankés ».
Cette incursion dans cet univers culturel déterminé justifie le rappel constant de la filiation de Cheikh Hamidou Kane par son griot de naissance, le musicien et chanteur Samba Ciré Guissé, dont le récit est ponctué de la voix permanente du chanteur pulaar Baaba Maal, un choix qui contribue à faire de la musique un personnage central dans le film.
Le film se veut aussi une fenêtre sur des évènements marquants de la vie politique du Sénégal postindépendance, notamment la crise de 1962 dont Cheikh Hamidou Kane fut un témoin important.
Il donne sa version des faits sur cette crise politique, comme l’ont fait d’autres avant lui, dans par exemple « Président Dia » (2012) du réalisateur Ousmane William Mbaye, un document historique qui a contribué à une meilleure compréhension des enjeux de l’époque et même d’aujourd’hui, à travers la confrontation entre le premier président du Sénégal indépendant, Léopold Sédar Senghor, et le président du Conseil Mamadou Dia.
Ce dernier, accusé d’avoir voulu perpétré un coup d’Etat, fut arrêté, jugé et mis en prison avant d’être élargi quelques années plus tard.
Cheikh Hamidou Kane ayant pris parti pour ce dernier, démissionne de la Fonction publique depuis Monrovia où il était affecté à l’ambassade du Sénégal au Libéria.
Le film est aussi agrémenté de témoignages recueillis lors de la célébration des 90 ans de l’auteur et du colloque organisé en son honneur en 2018 sur le thème « Cheikh Hamidou Kane. Questions d’avenir ».
L’intérêt du film tient aussi au fait que des personnalités de renom y sont revenues sur leurs liens avec l’écrivain, comme l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane, compagnon de longue date de Cheikh Hamidou Kane.
Il compte aussi sur la valeur des témoignages de proches de l’écrivain – le ministre Abdoulaye Elimane Kane, philosophe et écrivain lui aussi, ses enfants -, et surtout de ses lecteurs situés dans des pays d’outre-Atlantique et qui s’identifient à Samba Diallo, personnage principal de son célèbre roman ’’L’Aventure ambigüe’’.
Le documentaire « Kaaw Cheikh », qui s’appuie sur une démarche pédagogique, tente de lever un coin du voile sur les convictions politiques de Cheikh Hamidou Kane, qui a toujours cherché à savoir « comment lier le bois au bois ? ». Il essaie également de traduire son regard sur le monde d’aujourd’hui et le devenir du Sénégal et de l’Afrique.
Moe Sow a déjà produit un film sur le mythique groupe de musique sénégalais « Xalam » et compte sortir un autre sur le batteur Doudou Ndiaye Coumba Rose, autant de projets comptant pour son entreprise d’archivage de la mémoire culturelle du Sénégal.
« Je favorise en tant que cinéaste d’archiver notre histoire. Les autres viennent nous les prendre, nous sommes assis dessus et restons là à faire des séries et autres. Il faut que l’on documente notre propre histoire, il faut que les jeunes puissent voir ces histoires, puisqu’ils ne lisent pas beaucoup », indique le cinéaste.
Infos Rewmi avec Seneweb