« A la lecture minutieuse de ces éléments de réponse du pédiatre, en relation avec les déclarations des nourrices, il y a lieu d’observer que les conditions techniques dans lesquelles l’enfant a été alimenté restes suspectes et que les premiers secours n’étaient pas qualifiés pour poser, dans l’urgence, les actes requis. Sur l’existence administrative, l’Agence nationale de la petite enfance et de la case des tout-petits a indiqué que toute personne qui désire ouvrir une crèche privée doit rédiger une lettre d’intention en trois exemplaires adressés au Procureur de la République de la circonscription de ressort et au maire de la commune.
Les récépissés de dépôt du document auprès de ces autorités devront obligatoirement accompagner le dossier de demande d’autorisation. Elle a ensuite fait savoir que la crèche dénommée « Cigogne Bleue » ne figure pas sur la base de données de I’Anpectp et par conséquent ne détient aucune autorisation délivrée par son service lors de son ouverture en 2017. En d’autres termes, la « Cigogne Bleue » a violé les dispositions réglementaires qui régissent l’ouverture d’un établissement préscolaire et s’est de ce fait exposée aux sanctions prévues par la loi ».
C’est ainsi que la Sûreté urbaine (Su) de Dakar a conclu son rapport de synthèse obtenu par Libération online, avant de mettre à la disposition du juge du 6ème cabinet Ndèye Yacine Sène, directrice générale de «la Cigogne bleue », Aminata Badiane, cuisinière à la «Cigogne bleue », et Mama Ndiaye Cissé, nourrice de S. B. Dia.
En effet, par délégation judiciaire, suite à l’information ouverte dans son cabinet, le magistrat avait demandé aux policiers de bien vouloir continuer l’enquête aux fins d’élucider les circonstances du décès, à la crèche « La Cigogne bleue », de S.B.Dia (10 mois), notamment en identifiant et en auditionnant toutes les personnes présentes le jour des faits à la crèche et en faisant un transport sur les lieux pour une reconstitution des faits.
Lors de son interrogatoire, Ndèye Yacine Sène a soutenu que la crèche est immatriculée au niveau du RCCM le 19/07/2017, et est assurée à la compagnie d’assurance Amsa pour la couverture des enfants. Cependant, elle a renseigné que lors de son implantation, il y’avait un vide juridique en ce qui concerne la législation sur la création de ces établissements pour la prise en charge scolaire de la petite enfance. C’est à la suite du drame que les services du ministère de la Petite Enfance et de la mairie qui étaient venus pour s’enquérir de la situation l’ont invité à se reprocher des services compétents.
Ainsi, elle a déclaré avoir adressé une demande au gouverneur, au préfet et à l’Agence nationale de la petite enfance et de la case des tout-petits. A cet effet, à la date du 09 février 2021, elle a informé avoir reçu de l’Agence un récépissé de dépôt qui lui donne selon elle « le droit d’exercer en attendant l’autorisation définitive ». Mais, ceci est absolument faux, selon l’enquête, car en exploitant le récépissé de dépôt de l’Agence il n’a été relevé « nulle part un droit d’exercer en attendant une autorisation définitive ». Le récépissé de dépôt ne tient pas lieu d’autorisation. En tout état de cause, elle n’en disposait pas lors de l’ouverture de l’établissement, d’après les enquêteurs.
Revenant sur le décès de l’enfant S. B. Dia, elle a relaté que sa mère s’est présentée à la « Cigogne Bleue » le lundi 20 novembre 2020 avec lui pour s’acquitter des formalités d’inscription. Dans ce même registre, elle a admis que la maman lui avait remis une feuille sur laquelle, elle avait signalé que son fils était allergique aux protéines de lait de vache ainsi que tout ce qui touche au lait de fromage, céréales contenant du lait.
Le lundi 30 novembre 2020 l’enfant a été admis à 09 heures et a pris son repas à 12 heures. A 13 heures, la directrice a renseigné qu’elle a été informée par la responsable de la crèche par téléphone que l’enfant a des problèmes de respiration et qu’il avait été évacué au Samu. De son domicile, elle a rallié l’hôpital avant d’être informée en cours de route par téléphone du décès de l’enfant.
Abordant la question alimentaire, elle a soutenu que la nourriture servie par la dame Mama Cissé était composée de niébé, carotte, tomate fraiche et viande hachée mixée sous forme de purée. Dans cette dynamique, elle a expliqué que selon la cuisinière, S. B. a vomi après son repas. Après l’avoir nettoyé, il s’est endormi sur son épaule. Toutefois, c’est au moment de lui donner du lait qu’elle a constaté que le corps de l’enfant était inerte. Ainsi, elle a déclaré que l’enfant a été évacué à l’Hôpital et son décès constaté par le médecin sans être en mesure de renseigner s’il est décédé à la crèche, en cours de route ou à l’hôpital.
Les policiers sont formels : la mort de l’enfant est due à une prise en charge tardive. Selon eux, si l’intervention avait été faite par des professionnels dès les premiers vomissements, l’enfant aurait pu être sauvé. Mais, écrivent-ils dans leur rapport de synthèse, « non seulement il y a eu retard dans la prise en charge par des mains inexpertes, mais elles (ndlr, les mises en cause) ont retenu l’enfant entre leurs mains jusqu’à son décès pour tenter ensuite de simuler une évacuation à l’hôpital. Par conséquent et de mauvaise foi, elles ont transporté un corps sans vie à l’hôpital et non un malade ».