L’Eglise de France reconnaît sa « responsabilité institutionnelle » dans les affaires de pédocriminalité impliquant des prêtres ainsi que la « dimension systémique de ces violences » que « des fonctionnements, des mentalités et des pratiques au sein de l’Eglise » ont rendu possible. Ce qui entraine un « devoir de justice et de réparation ». Cette annonce publique a été solennellement prononcée à Lourdes, vendredi, par Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des Evêques, réunie jusqu’à lundi prochain en assemblée plénière d’automne.
« Nous avons vérifié que nous étions bien tous d’accord », a ajouté ce prélat, avant de reconnaître cette responsabilité globale. Ce qui signifie que la centaine d’évêques présents ont voté « de façon massive », assure un participant. Contrairement à d’autres conférences épiscopales dans le monde, les évêques français ne publient jamais le résultat précis de leurs votes en assemblée.
Quelle responsabilité?
Jusque-là, tous les évêques de France n’étaient pas au diapason sur le périmètre de cette responsabilité. Etait-elle limitée au prêtre agresseur ? A l’évêque du diocèse ? A l’Eglise en tant qu’institution ? Qui en portait le poids juridique, civil et pénal ? Il y avait des divergences sur cette analyse non seulement entre évêques mais aussi avec la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF) autre instance de l’Eglise qui regroupe les ordres religieux. Pour eux cette responsabilité « institutionnelle » ne souffrait aucune discussion.
Lors des deux assemblées précédentes, au printemps 2021 et à l’automne 2022, les évêques avaient donc déjà longuement débattu de la portée morale et juridique de cette « responsabilité » des agressions sexuelles. Responsabilité qu’ils avaient alors reconnue sur le plan moral mais pas aussi formellement. D’où cette précision apportée par Mgr Eric de Moulins-Beaufort : « Nous avons vérifié notre accord, nous les évêques de France pour redire ce que nous avions dits mais de manière plus forte, plus nette, plus catégorique ».
Ce qui explique cette première conséquence opératoire, explicitée à Lourdes par le Père Hugues de Woillemont, secrétaire général de la Conférence des évêques : « l’Eglise, comme institution, reconnaît sa responsabilité dans ses dimensions juridiques précises. Celles-ci restent à définir avec des juristes, des magistrats, des avocats. Ce travail reste à faire ».
Mesures financières
La seconde conséquence concerne les mesures financières pour les victimes, et réglementaires pour le fonctionnement de l’Eglise, qui devraient être annoncées en conclusion de l’assemblée le 8 novembre à Lourdes. « L’Eglise s’est engagée aujourd’hui à réparer et à contribuer financièrement à toutes les demandes. Il n’y en a pas une qui ne sera pas honorée », a aussi garanti le Père Hugues de Woillemont.
Le président des évêques a aussi reconnu que le déclencheur de cette décision avait été « l’ampleur » des abus et de leur « contexte » ecclésial « dévoilés » par la commission Sauvé. Son rapport, publié le 5 octobre, demandait effectivement cette « reconnaissance de responsabilité ». Un participant aux discussions épiscopales lourdaises explique : « face à la révélation d’une telle souffrance des victimes nous avons compris que ce n’était plus le moment de tergiverser sur des mots et qu’il fallait assumer pleinement notre responsabilité. C’est un pas est décisif pour la suite ».
François Devaux, co-fondateur de l’association « La Parole Libérée » regroupant des victimes du Père Preynat à Lyon, sans qui le rapport Sauvé et ses conséquences n’aurait jamais été commandé par l’épiscopat, note : « Ce n’est pas mal mais il en aura fallu pour arriver à cette première étape essentielle de la reconnaissance de la responsabilité de l’Eglise ! Mais, de toute sa responsabilité – il faut y veiller – car les abus sexuels de clercs ne concernent pas seulement les mineurs mais aussi des victimes majeures ou vulnérables. »
Ce samedi matin, les évêques vont une nouvelle fois collectivement demander pardon aux victimes et prier pour elles lors d’une cérémonie pénitentielle publique, en plein air, dans le grand sanctuaire de Lourdes.