Les auditions des prévenus arrêtés dans le cadre des tueries du samedi 6 janvier 2018, dans la forêt de Bayotte-Est, et causé la mort de 14 individus, se poursuivent à la Cour d’appel de Ziguinchor. Ce mercredi 30 mars 2022, c’est René Capain Bassène qui était devant la barre.
Ce journaliste d’investigation, titulaire d’un master en journalisme et par ailleurs conseiller spécial des affaires politiques de l’Agence Nationale pour la Relance des Activités économiques et sociales en Casamance (ANRAC), est supposé être le cerveau qui a planifié le drame du 6 janvier dans la forêt des Bayottes.
Interrogé sur les conditions de son arrestation l’homme présenté par les gendarmes enquêteurs comme le cerveau de ces tueries a révélé que “c’est à 3h 45mn qu’(il aurait) entendu des gens frapper violement à sa porte alors qu’il dormait avec (sa) femme. Voulant se lever pour aller ouvrir la porte, (sa) femme l’aurait empêché de le faire ; en lui disant qu’il n’était pas prudent d’ouvrir la porte à un inconnu.” Mais, quand le bruit a persisté, il s’est levé pour s’habiller dans les toilettes. Et c’est à partir de la fenêtre des toilettes qu’il aurait aperçu des gens escalader le mur de sa maison. Poursuivant sa déposition, René Capain Bassène a laissé entendre que c’est à partir de là qu’il est parti ouvrir la porte. Ceci étant fait, René Bassène a affirmé que les gendarmes l’auraient arrêté violement, menotté et plaqué au sol. Ensuite, ils se sont mis à fouiller son armoire en ôtant tout ce qu’il y avait comme bagages. Et, en tirant les enfants du lit “pour, soit disant, chercher des armes” qu’il aurait cachées dans sa maison.
Mieux, René a déclaré qu’après l’avoir arrêté et lui avoir demandé, à trois reprises, s’il était bel et bien René -puisque les gendarmes s’attendaient à faire face à un costaud va-t’en guerre-, les gendarmes l’ont conduit dehors où il aurait vu plus de 60 agents armés et 6 véhicules. “C’est là-bas qu’on m’a présenté à Maurice Badji qui était chargé m’identifier.” A déclaré René Capain Bassène à la barre. Maurice Badji, le chef de village de Bourofaye Diola -qui est à la base de la fameuse liste de dénonciation dont se sont servis les gendarmes pour procéder à des arrestations- aurait formellement identifié René Bassène qui n’est autre que son neveu. Après cela, ils lui ont bandé les yeux et l’ont mis dans un véhicule en direction de la brigade de gendarmerie.
Arrivé à la brigade de gendarmerie, René Capain Bassène révèle que les gendarmes l’auraient toujours gardé menotté et les yeux bandés sans manger ni boire ; l’auraient déshabillé et l’auraient mis dans une toilette sombre où se dégageait une odeur nauséabonde, à la merci des moustiques du dimanche nuit au lendemain lundi à 15h, heure à laquelle sa femme était venue le voir et à qui il aurait demandé de prendre soin de ses enfants et de son père.
A la question posée par le président de la cour de savoir s’il avait participé aux réunions respectivement tenues le 22 décembre 2017 et le 03 janvier 2018 tenue à Bourofaye Diola, lesquelles rencontres Maurice Badji l’accuse d’avoir assisté, le mis en cause a répondu qu’il n’y était pas. Mieux, René a affirmé ne connaitre personne à Toubacouta ; sinon que ceux qui prétendent le connaitre l’auraient connu en prison ou à travers la radio et qu’il n’était pas au courant de l’arrestation des jeunes de ladite localité.
Quant à la tuerie, l’employé de l’ANRAC affirme l’avoir appris à la radio vers 16h alors qu’il était dans un terrain de football pour suivre un match organisé par les jeunes de son quartier qui auraient même sollicité son aide pour préparer un repas. Il poursuit que ce jour il n’était pas au travail, qu’il devait aller déposer sa femme à son école de formation mais qu’avant de partir la sœur de celle-ci l’aurait appelé pour la dire que le cours n’aurait pas lieu. Ainsi, il avait décidé de sortir avec son petit garçon saluer les habitants immédiats.
Interrogé aussi sur ces relations avec Ousmane Tamba, le supposé cerveau du drame déclare que Ousmane, Nkrumah Sané, Jean-Marie Biagui… sont des sources qu’il consulte souvent dans le cadre de son métier de journaliste d’investigation pour s’informer et qu’ils communiquent par mail avec Ousmane Tamba. Mieux encore, il a ajouté qu’à l’annonce de la nouvelle il serait entré en contact avec Ernest et Xavier Diatta qui ont des relations avec le premier ministre à qui il avait demandé d’informer du danger en préparation dans la brousse. Mais avant, René affirme, avoir informé Jean-Marie Biagui qu’une attaque imminente se préparait dans la forêt des Bayottes et qu’il aurait appris cette rumeur au cours de ses investigations.
Quant à César Atoute Badiate, Capain Bassène a affirmé qu’il l’a connu grâce à sa mission de facilitateur des relations entre l’ANRAC et le MFDC. Pour éviter ce drame, il l’aurait appelé le premier le 6 janvier 2018 matin pour lui demander des nouvelles des lettres de correspondance qu’il devait lui envoyer. A son tour, René Capain Bassène a fait savoir à la cour qu’il aurait appelé César Atoute Badiate le soir des faits pour lui demander si sa bande était l’auteur de la tuerie. Et le chef rebelle du font sud a catégoriquement nié les faits.
Cependant, après avoir nié avoir parlé à Ousmane Tamba sur un quelconque fait concernant la tuerie, le président du tribunal a projeté un mail comportant un échange entre Ousmane et René. Dans cette correspondance, René Capain informait Ousmane Tamba d’une injustice qui serait en train de se produire en Casamance et qu’il fallait corriger avec zéro tolérance. Revenant sur les conditions de son audition à la gendarmerie, René Capain a révélé qu’un colonel répondant au nom d’Issa Ndiaye l’aurait trouvé dans les lieux lui demandant de bien vouloir collaborer avec la justice, en acceptant tout ce dont on l’accuserait à la barre. En retour, le gouvernement le ferait transférer à Dakar où l’Etat le ferait sortir de prison pour lui présenter à des autorités susceptibles de l’aider. Car, disait le fameux colonel, si Macky Sall réussissait 1% des négociations pour le processus de paix, que lui, Issa, aurait perdu. L’audience a était suspendu jusqu’à demain à 9 h.
Senego