Liberté 6 : Une affaire de location de véhicule vire au drame
Pour 100 000 Fcfa, une bande de copains se faisant passer pour des concessionnaires de voitures, tendent un piège à un client pour le dépouiller. L’affaire tourne mal et un meurtre s’ensuit. Les accusés Djiby Sao, Babacar Diop et Modou Dieng risquent la prison à vie pour la mort de Ibrahima Kane. Comparaissant devant la Chambre criminelle de Dakar ce mardi 07 juin 2022, pour association de malfaiteurs, vol en réunion commis la nuit avec violence ayant entraîné la mort, ils seront édifiés sur leur sort le 21 juin prochain.
Il s’agit d’un projet de vol qui a mal tourné en entraînant la mort d’une personne suite à une violence et l’usage d’arme. En effet, le 30 décembre 2018, le défunt Ibrahima Kane et ses amis voulaient organiser une fête à l’occasion de la fin d’année à l’image de nombreux jeunes de Dakar. Ainsi, ils ont décidé de louer une voiture à cet effet. C’est ainsi qu’ils ont contacté un de leurs amis, Mamadou Moustapha Ndao, qui les a mis en rapport avec Modou Dieng. Après discussions, ils sont tombés d’accord et ce dernier leur a proposé un véhicule de marque Chevrolet.
Ayant la certitude que les gamins détenaient une certaine somme d’argent, Modou Dieng a ourdi un plan pour mettre la main sur le magot. Mais il fallait y associer d’autres personnes. C’est ainsi qu’il a contacté le nommé Babacar Diop qui accepte d’adhérer à son plan. Ce dernier fera venir un autre individu, en l’occurrence Djiby Sao à qui, il a demandé de se prémunir d’un couteau.
En effet, le mobile était une maudite somme de 100 000 francs que les accusés voulaient se partager pour faire la fête de fin d’année. Le jour de la transaction, les accusés ont tendu un guet-apens à la victime ainsi qu’à ses amis. Djiby Sao s’est rué sur Ibrahima Kane avant de lui enfoncer un couteau au niveau du thorax au moment de la transaction.
Dépeint comme étant le coordonnateur de cette affaire, Babacar Diop mécanicien de son état, revient sur les faits et soutient que Djiby Sao et Modou Dieng se connaissent bien. « Quand Modou Dieng m’a informé que la victime voulait louer un véhicule, je leur ai proposé de se rendre à Liberté 6. Sur le trajet, Modou Dieng a planifié le vol et m’a demandé d’appeler Djiby Sao. Par la suite, j’ai contacté ce dernier et je lui ai dit de se faire passer pour le concessionnaire. Une fois au garage des « clandos » de Liberté 6, nous avons attendu quelques minutes avant que Djiby ne nous retrouve sur les lieux. Comme je lui avais déjà fait une description de la victime, il l’a attaqué avec son couteau. En ce moment, j’étais en train de communiquer au téléphone avec mon patron. Je n’avais pas demandé à Djiby de venir avec un couteau. Je lui avais juste instruit de subtiliser la sacoche », se dédouane-t-il.
À son tour, son co-accusé Modou Dieng, né en 1998 à Ouakam, avance que c’est Mouhamadou Moustapha Ndao qui lui a dit qu’il voulait louer une voiture avec des amis. « Vers 19 heures, Mouhamadou Moustapha Ndao m’a appelé me disant qu’il se trouvait à la station de Khar Yallah. C’est ainsi que je l’ai rejoint. J’ai croisé Babacar Diop par pur hasard sur les lieux et je l’ai interpellé. Nous avons décidé d’aller ensemble à Liberté 6 pour avoir une voiture. Soudain, j’ai vu Djiby avec un couteau à la main. Pris de peur, j’ai pris la fuite », raconte-t-il.
Djiby Sao, alias Djiby Kagna né en 1996 et tapissier de son état, domicilié aux HLM Grand Yoff dira que c’est lui qui a poignardé la victime à la poitrine. « C’est Babacar Diop qui m’a appelé pour me dire que des copains voulaient louer un véhicule. Je lui ai répondu que je ne connais rien dans ce domaine. Là, il m’a révélé que la victime détenait de l’argent et qu’il fallait l’en déposséder. Dans un premier temps, j’ai refusé. Quand il m’a joint pour la troisième fois, j’ai accepté. Il m’a demandé ensuite de venir avec un couteau que j’ai acheté à 200 francs dans une boutique. Babacar a étranglé la victime avec sa sacoche. Je suis intervenu et je l’ai poignardé à l’aveuglette parce que j’étais sous l’emprise de l’alcool « , mentionne-t-il.
Djiby Sao ajoute que Babacar lui avait fait comprendre qu’il avait besoin de l’argent pour célébrer la fin d’année avec sa copine venue de la Casamance. Cette dernière logeait à Niary Tally.
Un des témoins, Mouhamadou Moustapha Ndao né en 1998 laisse entendre qu’il était à Rufisque et c’est après qu’il est parti à Guédiawaye chez sa tante paternelle. « À 17 h, Ibrahima Kane m’a dit qu’il voulait louer une voiture pour les besoins de la fête. Je lui ai proposé de se rendre à Sacré Cœur. Une fois, là-bas, nous n’avons pas trouvé de véhicule. Là, il m’a dit qu’il lui fallait impérativement un véhicule. J’ai appelé mon ami Modou Dieng qui m’a dit qu’il avait une Bmw X5. On est allé à Liberté 6 derrière les immeubles. J’étais avec Bamba, Modou Dieng, Ibrahima Kane et Babacar. J’avais des frissons et j’ai demandé à Ibrahima Kane de me garder ma sacoche, le temps d’aller uriner. Dès que je me suis retourné, Ibrahima a été attaqué. Les choses se sont passées tellement vite que je n’avais rien compris », explique-t-il.
Dans son argumentaire, Mouhamadou Moustapha Ndao précise qu’il avait gardé son iPhone 6, une somme de 7 000 francs et 100 000 francs d’Ibrahima Kane dans la sacoche. Mais il souligne que ce dernier y avait défalqué 5 000 francs pour payer le taximan qui nous a transportés de Hamo 6 à Khar Yalla.
Les avocats de la victime ont qualifié cet acte d’homicide volontaire, communément appelé meurtre. « Vous avez en face de vous des assassins. Le mobile était une maudite somme de 100 000 francs », avance-t-il.
Ainsi, l’avocat dans sa plaidoirie accuse Modou Dieng, Babacar Diop et Djiby Sao coupables d’association de malfaiteurs, assassinat, vol en réunion avec usage d’arme ayant entraîné la mort.
Le parquet précise qu’il y a eu effectivement un guet-apens. En effet, il a fait savoir qu’il y a eu un vol exécuté avec violence et qu’il y a eu une entente. Le parquet retient l’association de malfaiteurs et de vol aggravé en réunion commis la nuit. Il plaide une peine de réclusion criminelle.
Les avocats de Babacar Diop savent que les accusés risquent la perpétuité, mais ils ont essayé de tirer d’affaire leur client. « Babacar Diop était sur la scène de théâtre du vol qui est l’association de malfaiteurs. Cette association n’était pas dans le but de commettre un meurtre », précisent-ils. Ils avancent ainsi une application des articles de 433 avec une peine de deux ans.
Quant à l’avocat de Modou Dieng, il mentionne qu’aucune infraction n’est caractérisée contre son client. Il laisse entendre que la seule chose qui rattache son client à cette affaire demeure les déclarations faites par Babacar Diop et qu’il n’y a aucun élément qui lie Modou Dieng à ce crime. Il plaide pour l’acquittement au bénéfice du doute.
Le jugement sera rendu le 21 juin prochain…
Dakaractu