Groupe consultatif : Le Gouvernement du Sénégal est à Paris. Est encore dans la capitale française… Par Mame Birame Wathie
Maintenant que les hoquets et les sanglots retentissent moins, que le sol s’est suffisamment imbibé de larmes, que la danse des vautours s’écarte de plus en plus du rythme endiablé, il est temps de pincer le grand dormeur et de l’appeler à la réalité. Dans ce contexte marqué par des dissensions politiques saillantes, exacerbées par des injustices flagrantes, le chef de l’Etat mobilise la République pour une énième escapade parisienne, officiellement intitulée « réunion du groupe consultatif de Paris ». A moins de trois mois de la Présidentielle, quelle garantie Macky SALL peut-il donner aux investisseurs, s’ils ne sont pas des vendeurs d’armes et autres équipements anti-manifestation ?
Le Gouvernement du Sénégal est à Paris. Est encore dans la capitale française, devrions nous dire. Un peu plus de quatre ans après la première réunion dite du « groupe consultatif de Paris », tenue en février 2014, Macky SALL, Boun DIONNE, leurs ministres et directeurs sont de nouveau en France, pour disent-ils, rencontrer des investisseurs ces 17 et 18 décembre. Une migration de presque tout l’Exécutif qui n’avait pas sa raison d’être si la communication du régime de Macky SALL n’était pas faite de propagande et de saupoudrage.
Que n’avait-on pas dit au sortir de la réunion « groupe consultatif de Paris » de 2014 ? Bien aidés par une grande partie de la presse, les tenants du pouvoir avaient chanté et dansé, indiquant avoir largement dépassé leurs atteintes en termes de financements et d’investissements. Les milliards qu’attendait le Sénégal pour décoller économiquement étaient enfin réunis, clamait-on. « Parti avec un objectif de mobiliser 1.853 milliards de F CFA pour le financement de projets de développement contenus dans le Programme Sénégal Emergent (PSE) à l’horizon 2035, le Sénégal a obtenu 3729 milliards de F CFA de la part des Partenaires techniques et financiers ». Cette phrase, dont-on peut subodorer qu’elle a été rédigée dans les arcanes du palais de la République, a été retrouvée dans 9 quotidiens au lendemain de ladite réunion parisienne. Macky SALL dont on cherche encore la Vision s’était gargarisé d’acquis ayant condensé suffisamment de nuages pour faire pleuvoir des milliards sur tout le Sénégal. La suite est connue. De tous les secteurs, les complaintes et les cris de détresse ont fini par noyer les murmures. Enseignants du supérieur comme du moyen-secondaire, travailleurs de la Santé, travailleurs des collectivités locales, étudiants, tout le monde cherche à se faire payer par un Etat incapable d’entretenir un appareil de radiothérapie.
Maintenant que les Sénégalais se rendent compte que les milliards dont il était question sont fictifs, le régime s’en est allé chercher une autre dose de sédatif. Inutile de revenir sur les énormes ressources englouties par ces réunions qui mobilisent un trop-plein de membres de délégation dont la prise en charge en terre parisienne est plus qu’onéreuse. Point besoin de souligner que, jusqu’avant 2012, ce sont les Premiers ministres qui conduisaient les délégations d’experts qui menaient les négociations lors des réunions du « groupe consultatif de Paris ». Arrêtons-nous juste à chercher les investisseurs désorientés au point de mettre leur argent dans un pays africain à moins de trois mois d’une élection présidentielle. S’ils ne sont pas des vendeurs d’armes et autres équipements anti-manifestation, quelle garantie Macky SALL peut-il leur donner quant à la sécurisation de leurs investissements ?
Macky SALL est à enlever de la liste des présidents qui réussissent à faire signer des investisseurs ou des partenaires à quelques mois de la fin de leur mandat. Si les accords, qu’il a signés avec Nicolas Sarkozy auprès de qui il a couru tout juste après son élection, ont été respectés par François Hollande, c’est que le premier ne s’est acharné sur celui qui l’a remplacé quand il était encore au pouvoir. Dans ce contexte politique dominé par la méfiance et la défiance qui ont pris leur source des tribunaux et maisons d’arrêt, Macky SALL ne peut rien signer qui ne sera revu s’il est battu en 2019. En outre, l’investissement ayant pour premier partenaire la stabilité, rien n’indique que, même s’il est réélu, sa victoire ne serait nullement suivie de contestation et de manifestation. D’autant que les partisans de Karim WADE comme ceux de Khalifa SALL jurent que la présidentielle ne se déroulera pas sans la participation de leur mentor.
Sur combien d’accords le leader de l’APR, qui trouve que le développement du Sénégal passe irrémédiablement par l’aide et l’investissement extérieurs, est, lui-même revenu à sa prise de fonction ? L’exemple le plus patent est sans doute la résiliation du contrat concédant une quatrième licence de téléphonie à la Société MTL Infrastructures et Services S.A. Me Abdoulaye WADE l’avait cédée en catimini, à trois jours de la présidentielle contre beaucoup d’argent qu’il utilisa par la suite dans sa campagne. Aussitôt arrivé au pouvoir, Macky SALL abroge le décret n° 2012-301 du 23 février 2012 portant approbation de la Convention de concession passée entre l’Etat du Sénégal et la Société MTL Infrastructures et Services S.A. pour l’établissement et l’exploitation d’infrastructures de Télécommunications.
En vérité, ce qui intéresse Macky SALL, c’est de trouver le moyen d’acheter une nouvelle illusion qui, assaisonnée à un énorme battage médiatique, pourrait faire miroiter aux Sénégalais des lendemains meilleurs afin de passer entre les mailles du filet au soir du 24 février 2019. Seulement, ceux-ci sont déjà avertis qu’il ne compte les leur offrir qu’avec des milliards fictifs.
Mame Birame WATHIE