La décision rendue par la Cour de justice de la Cedeao, ce 4 mars dans l’affaire Karim Wade, est une pilule difficile à avaler pour Me Ciré Clédor Ly. Membre du pool des avocats du fils de Me Abdoulaye Wade, il s’est littéralement défoulé sur les juristes africains. D’emblée, il a fait savoir que « ce dossier a été vidé en dehors de l’intérêt du client, dès lors que sa procédure, engagée depuis novembre 2018, était d’obtenir qu’on lui reconnaisse le droit d’avoir une carte d’électeur, en tant que Sénégalais, pour participer à l’élection du 24 février 2019 ». Car, « une décision, même favorable, n’aurait été que symbolique mais privée de tout objet, dès lors que l’urgence reconnue et admise par la Cour de justice de la Cedeao a été vidée de sa quintessence avec un jugement rendu alors que les lampions étaient désormais éteints et que les élections se conjuguaient au passé ».
« Priver un citoyen de son droit électoral, c’est… »
Ainsi, la robe noire a insisté sur leur volonté de saisir le Comité des droits de l’homme des Nations Unies sur la violation par l’État du Sénégal des dispositions du Pacte international sur les droits civils et politiques et le non-respect de la très récente décision du Comité enjoignant l’État du Sénégal de faire réexaminer, dans un délai de 6 mois, la décision de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) sur la condamnation et la peine prononcée à l’encontre de Karim Wade. « Priver un citoyen de son droit électoral, c’est ajouter une sanction, donc une peine non prononcée par un juge. Or, plaide-t-il, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a demandé le réaménagement de la peine par une juridiction supérieure.
« Notre décision de poursuivre la bataille juridique n’est pas, en elle-même, une attaque à l’endroit de la prestigieuse Cour de justice de la Cedeao, mais elle permettra à l’organe chargé par les Nations Unies de veiller, de surveiller et de contrôler l’application du Pacte, de clarifier et de dire, s’il est équitable et juste, de priver une personne d’un droit et d’un devoir aussi sacré que le droit de choisir celui qui doit présider aux destinées d’une nation, et celui de solliciter la confiance d’un peuple pour le diriger, en se fondant sur une décision judiciaire qui avait refusé cette sanction qui faisait partie des demandes de l’État du Sénégal », a souligné Me Ciré Clédor Ly.
« La lutte de Karim Wade a une portée africaine »
La robe noire d’affirmer que « si les manœuvres politico-judiciaires observées passent, toutes les dictatures africaines iront à l’école sénégalaise, pour faire condamner les opposants politiques et les radier des listes électorales ou refuser leurs inscriptions ». Pour Me Ly, « le tour de passe-passe sera simplement de recopier et de coller les mêmes dispositions du code électoral sénégalais dans leur corpus législatif ». Il indique, à ce propos, que « la dimension de cette lutte de Karim Wade a une portée africaine et est pour l’instauration de l’État de droit et des valeurs démocratiques en Afrique ».
L’avocat de signaler que le devoir des juristes africains est « d’utiliser leurs savoirs et leurs expériences au service du mieux-être et du bien-être de leurs peuples déjà exténués par plus d’un siècle de domination, d’exploitation et de brimades ». Mais, dit-il, « pas la concussion l’opportunisme, le carriérisme et le désir effréné et sans fin de richesses colossales personnelles, au détriment de leurs concitoyens ». Car, fait noter Me Ly, « privés de leurs droits naturels de s’alimenter convenablement, les juristes africains n’ont pas le droit de laisser priver leurs peuples de leurs droits humains et de leurs aspirations démocratiques ».
« Les juristes se frottent sans cesse avec l’injustice »
Toutes choses qui font, a laissé entendre Me Ciré Clédor Ly, que « les juristes flirtent quotidiennement avec la justice et se frottent sans cesse avec ou sans complaisance avec l’injustice, car leur vrai et seul devoir dans cette vie éphémère est d’utiliser le savoir et l’intelligence pour les générations futures, afin que ces dernières puisse s’épanouir, et de mettre le savoir et l’intelligence aux services des convoitises circonstancielles, individuelles et improprement égoïstes au détriment de la collectivité présente et futur ».
Le membre du Collectif des avocats de Wade-fils de conclure sa plaidoirie : « Les juristes peuvent être facteurs d’instabilité ou vecteurs de stabilité d’une nation, contribuer à l’éclosion et au parachèvement de l’État de droit ainsi qu’à la construction et la consolidation de la démocratie ou porter la responsabilité, devant Dieu et devant les hommes, des intrigues et machinations qui feront effondrer toutes les conquêtes positives des générations, passées et présentes, qui avaient sacrifié de leur vie ou de leurs libertés ».