Nous sommes au quartier « Arafat de Keur Massar ». Le soleil, déjà pointé au zénith, darde ses rayons. A cette heure de la journée dominicale, le quartier est quasi désert. La plupart des maisons sont inachevées ou abandonnées à cause des inondations. Des flaques d’eaux usées visibles dans le quartier témoignent de l’absence de système de canalisation. Elles dégagent une odeur pestilentielle. Des enfants, âgés entre 8 et 10 ans, jouent au football sans se soucier de la forte canicule encore moins des dangers des usées eaux. Devant une mosquée en construction, deux hommes devisent. L’un d’eux nous montre la maison du défunt Abou Ndiaye. Il a été immolé par son grand frère, Dame Ndiaye.
De l’extérieur, rien ne renseigne qu’un tel drame s’est produit dans cette maison. Mais, l’ambiance est toute autre à l’intérieur. Des nattes sont installées dans la cour de la maisonnée. Elles sont occupées par la mère du défunt et ses quelques amies, venues partager avec elle la douleur. Visiblement meurtrie dans sa chair, la dame égrène son chapelet et reçoit les condoléances. Sa maison est devenue tristement célèbre à cause de son fils Dame Ndiaye, qui a commis l’irréparable. « La famille est sous le choc. Elle ne désire pas parler à la presse présentement puisque l’affaire est entre les mains de la justice », nous renseigne un homme qui sortait de la maison mortuaire. Il était venu présenter ses condoléances. Tout de même, il nous demande de nous rapprocher de Bira, le petit frère du défunt.
Nous l’avons trouvé chez la gargotière du coin en train de boire du café. La fatigue se lit sur son visage. Ses yeux rouges et gonflés sont le résultat de plusieurs nuits blanches. Après les salamalecs d’usage, nous lui expliquons les raisons de notre visite sur les lieux. Réticent au début, il a finalement accepté de se confier à nous. « Je ne saurais vous dire ce qui a été à l’origine de leur dispute pour ce cas-ci. Mais, ils étaient, tout le temps, en désaccord. A chaque altercation, Dame Ndiaye menaçait de le tuer. Mais, nous n’avions jamais pensé qu’il mettrait à exécution ses menaces. De toute façon, il proférait les mêmes menaces à l’encontre de toute personne avec qui il avait des démêlés », nous confie Bira, la voix étreinte de tristesse.
« Quand on m’a montré le corps, je me suis évanoui »
Il revient sur le drame. « Il l’a aspergé d’essence avant de le brûler vif. Il n’y avait personne pour le sauver. Il a couru et s’est jeté dans les flaques d’eau pour se sauver. Hélas ! Ceux qui ont été à son chevet en premier racontent qu’il disait » Si je meurs, c’est Dame qui m’a tué ». Il a, selon eux, répété cette phrase trois fois avant de succomber à ses blessures. Quand on m’a montré le corps à l’hôpital, je me suis évanoui. Je n’avais jamais vu une personne dans un état pareil. Tout son corps était brûlé. Abou ne méritait pas ce sort. Il était quelqu’un de bien. Nous avions encore besoin de lui », sanglote le jeune frère du défunt.
Le présumé meurtrier a été refoulé d’Italie
A quelques encablures de la maison mortuaire, nous rencontrons un autre homme qui se présente comme un ami du présumé meurtrier. « Dame Ndiaye est un ami. Nous avons grandi ensemble, à Guédiawaye, d’abord, puis à Keur Massar. Il doit avoir 47 ans. Il a émigré très jeune en Italie. Il devait avoir entre 16 et 17 ans. Mais, il a été refoulé en 2007. Il est revenu au Sénégal les poches vides et avait un comportement bizarre. Il travaille comme manœuvre dans les chantiers. Parfois, c’est son défunt frère qui l’employait. Il prend de l’alcool et a, souvent, un comportement bizarre. Il est belliqueux et a la menace facile. Il s’est marié récemment et le couple attend son premier enfant. Sa femme se trouve présentement à Kaolack », a-t-il expliqué avant de qualifier l’acte d’ignoble et injustifié. Dame Ndiaye s’est livré à la gendarmerie après avoir commis son acte. En garde à vue à la gendarmerie de Keur Massar, il pourrait être déféré devant le parquet, ce lundi.