Désencombrement Dakar: l’opération « zéro déchet » déjà dans la poubelle

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Le chef de l’Etat en avait fait son propre combat, et son gouvernement s’était approprié le projet pour faire de Dakar une ville avec 0 déchet. Après les actions énergiques du ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, Abdou Karim Fofana, qui s’était même retroussé les manches pour mener le combat contre les ordures, c’est presque le retour à la case départ avec une capitale plus sale qu’avant. En tout cas, huit mois après la déclaration guerrière du chef de l’Etat lors de son message à la veille de la fête de notre indépendance, rien n’a changé. Ce, malgré le discours du ministre devant les parlementaires. Après un bon début avec le nettoyage de certains lieux stratégiques, la ville renoue avec l’occupation anarchique de ses espaces publics.

Au niveau du rond-point Liberté 6, on se croirait dans un capharnaüm. Les marchands ont pris tous les espaces disponibles, obligeant les piétons à se disputer l’asphalte avec les automobilistes. Dans le sens Liberté 6 – Cité des Eaux, un embouteillage monstre se créée. Les véhicules particuliers et autres cars rapides venant de Castors et qui veulent accéder à Liberté 6 prennent des raccourcis qui viennent ajouter au désordre. « Tous ces marchands qui sont installés tout le long de cet axe sont à l’origine de ce bouchon » , se plaint une dame se trouvant dans la ligne 20. Il a fallu une vingtaine de minutes au bus de la société Dakar Dem Dik pour sortir de Castors et gagner le rond – point Liberté 6 soit quelques centaines de mètres. Là aussi, il faudra patienter avant de contourner le rond-point pour le terminus de Dieuppeul. « C’est toujours ainsi », se plaint une autre dame.

L’occupation anarchique de ce secteur par les commerçants ne participe pas à la bonne circulation des voitures et piétons. Ajoutez à ce décor, le garage des clandos. Ce qui fait dire à un jeune homme qu’il faudra attendre dix ans pour faire de Dakar une ville propre comme la capitale du Rwanda. Les piétons s’indignent de devoir marcher sur la route à cause de l’occupation anarchique des trottoirs. Le carrefour ressemble de plus en plus à un marché. C’est plutôt de- venu un lieu de commerces en tous genres à l’image des boutiques et magasins qui y sont presque bricolés pour ne pas dire scotchés. L’occupation anarchique des trottoirs par les marchands ambulants est plus que choquante. L’on a du mal à distinguer les routes à cause de ce vaste monde qui y est installé.

La population ne cesse d’exprimer son désarroi face à cette situation et, surtout, face à léthargie du maire qui semble beaucoup plus se préoccuper des taxes collectées qu’à l’environnement de sa cité. « Nous n’avons plus d’espace pour nous. Ils viennent exposer leurs produits jusqu’aux devantures de nos portes. Ce qui constitue un danger permanent pour nos enfants. Nous ne savons plus quoi faire vrai- ment » s’indigne une riveraine qui se désole de voir les routes transformées illégalement en marché sans aucune réaction des autorités. Ce phénomène de l’occupation anarchique est devenu récurrent à travers presque tous les quartiers de la capitale. Il en est ainsi des deux voies de Mermoz-Sacré cœur où règne le même désordre. En effet, si ce n’est pas les marchands ambulants qui prennent possession des emprises, ce sont des parkings ou des ateliers mécaniques qui occupent anarchiquement les trottoirs avec la complicité des maires.

Les autorités qui avaient donné un coup de balai dans ce secteur, ont dû constater impuissantes le retour des déguerpis comme en témoigne ce jeune étudiant et habitant du quartier. « Cela devient lassant de devoir se bousculer sur les trottoirs afin d’éviter les voitures. Et c’est inexplicable que des gens exposent leurs produits sur ces espaces qui sont réservés aux passants. Je me demande si les autorités sont réellement déterminées à changer cette situation », s’interroge Assane Fall. Et pourtant le ministre de l’Urbanisme avait assuré que des dispositions seraient prises pour ‘’libérer’’ la ville. « Mon ambition est d’instaurer de nouvelles habitudes et d’imprimer un nouveau mode de gestion de nos déchets et de l’espace public », avait indiqué Abdou Karim Fofana, qui entendait matérialiser l’opération « zéro déchet » sous l’impulsion du président de la République. Une opération qui n’a pas connu de suivi après les déclarations de bonnes intentions et un démarrage sur les chapeaux de roues.

Au niveau du Carrefour de Castors, dans le sens Dieuppeul-Hlm, le décor est surréaliste. L’on se surprend à se demander comment les autorités peuvent voir tous les jours un tel décor digne d’une cour des miracles sans aucune réaction. En effet dans les deux sens de l’avenue Cheikh Ahmadou Bamba, des mécaniciens ont gaillarde- ment fait des trottoirs leurs garages. L’espace est repoussant. Le sol est noir de l’huile des voitures. Au niveau des magasins, on expose les marchandises jusque sur le trottoir. Le piéton est ainsi obligé de disputer le goudron avec les automobilistes d’où de fréquents accidents souvent mortels. « Les maires des Hlm et Biscuiterie ne semblent avoir comme préoccupations que les taxes. Lors de l’inauguration de la mosquée Massalikul Djinane, à l’occasion de l’arrivée du Khalife général des Mourides, nous avions initié des opérations de dés- encombrement qui n’ont servi à rien. On a été freiné par l’occupation anarchique dans cette zone par les mécaniciens », déplore un jeune riverain.

Ce qui fait dire à beaucoup que ce projet de désencombrement des espaces est aujourd’hui plombé. « Le désencombrement de la ville de Dakar est dans les archives du gouvernement alors que le dossier n’a toujours pas été bouclé. C’est à ce demander si ce n’est pas une règle de conduite de l’Etat « entreprendre sans jamais réussir » ou « finir sans terminer », ironise un jeune homme qui doute de la réussite de l’ambition de l’Etat de faire de la capitale une ville avec 0 déchet. Et pourtant, la population espérait que les actions de dés- encombrement allaient se poursuivre après un départ en fanfare sur l’avenue Blaise Diagne et les alentours du stade Léo- pold Sédar Senghor. Mais depuis lors, plus rien. La ville devient de plus en plus encombrée et anarchique comme si les Dakarois étaient rétifs à l’ordre et à la propreté !

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