PEUR PANIQUE

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Avertissement. La Chine titube, plie mais ne rompt pas. Elle combat un mal qui la ronge : le coronavirus. Terrible épidémie propagée par un virus qui mute aussi vite qu’il se transmet. Séisme, tremblement de terre, éruption volcanique, beaucoup de métaphores ont été empruntées à la géologie pour décrire le chaos provoqué par ce mystérieux virus qui sévit dans l’Empire du Milieu. A coup sûr, il laissera des cicatrices durables après de grosses et béantes plaies.

Désemparés, les Chinois n’en perdent pas la tête pour autant. Non plus ils ne sont en colère comme auraient pu l’être les Sénégalais (frondeurs), les Français (râleurs) ou les Américains (boudeurs). Des chocs asymétriques ne sont pas à exclure puisque 17 000 cas de coronavirus sont recensés dans le monde. Pour beaucoup, ce mouvement est ascendant.

Entendons-nous bien : à ce stade, il s’agit d’une épidémie et non d’une pandémie. Si une nuance traverse les deux concepts, en revanche entre eux, la différence est d’ordre géographique. La pandémie s’apprécie à une échelle mondiale quand l’épidémie affecte une région donnée. Le coronavirus a frappé la Chine et, à l’intérieur de ce gigantesque pays, l’épicentre reste circonscrit à la région de Wuhan dans la partie orientale.

Il est vrai que la Chine a une force d’attraction qui démultiplie le nombre d’arrivées sur son sol avec une superficie de 9,5 millions de kilomètres carrés. Dès l’apparition de l’épidémie des moyens colossaux furent dégagés pour stopper sa progression. Le pays tout entier se mobilise. Le pilotage stratégique revient au pouvoir central qui impulse des dynamiques dont le schéma fonctionnel parvient en urgence à tous les relais locaux du pouvoir.

Admirable par sa cohésion, la riposte chinoise s’organise avec une claire perception du danger qui guette. Top priorité : juguler le fléau puis l’endiguer dans un bel élan qui concilie spontanéité, rapidité, intelligence collective et discipline dans le but évident de susciter l’adhésion de la population. Pékin a débloqué 146 milliards d’euros pour soutenir les petites entreprises, les premières victimes collatérales de cette soudaine crise non encore maîtrisée. Les secteurs exposés sont nombreux. Alors que le travail crée la richesse. Pékin demeure convaincu que si l’épidémie n’est point maîtrisée, il existe des risques d’un passage à un niveau pandémique. Les craintes engendrent la psychose. Celle-ci développe des peurs qui se mondialisent avec les maladies émergentes en hausse dans plusieurs pays.

Les autorités chinoises ont le sens de l’étape et des priorités qui affluent. Elles ne négligent pas non plus le coup porté à l’image du pays. Ce souci préoccupe moins cependant car des adversaires voire des concurrents de la Chine peuvent saisir cette opportunité pour porter le coup fatal à l’économie la plus puissante du monde après celle de Etats-Unis. Pas un moment les populations n’ont paniqué. Ce fait mérite d’être relevé. Simplement parce qu’elles sont informées en temps réel. Plus de 200 décès, quelque 10 000 personnes infectées et une ville coupée du monde avec ses 9 millions d’habitants invités au confinement. Parce que le salut est à ce prix.

L’OMS, l’organisation mondiale de la santé, tente de dissiper la peur qui gagne le monde entier. Elle récuse le principe de mise en quarantaine de la Chine avec des arguments pertinents. Nous sommes encore loin d’une maladie pandémique, a-t-elle tenu à préciser. Les Etats-Unis passent outre. Washington, sur fond de rivalités commerciales avec Pékin, dépêche de gros porteurs pour rapatrier les Américains séjournant en Chine. L’Amérique, qui écarte à cette fin toute équivoque, ne se limite pas au retour organisé de ses ressortissants. Elle coupe tout lien avec les passagers en provenance de l’Empire du Milieu. Pékin n’apprécie guère cette mesure qui, en arrière-plan cache la poursuite de la guerre commerciale par des moyens non conventionnels.

Quelque vingt-trois pays se barricadent, de peur d’’accueillir des malades porteurs du virus à l’origine inconnue. Le mal persiste et s’amplifie. Des centaines d’aéroports, à travers le monde, sonnent l’alerte et procèdent à l’installation de capteurs de température. La France, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Australie emboitent le pas.

Tous les continents, à l’exception de l’Afrique, mutualisent leurs moyens en vue d’assurer la desserte aérienne de leurs compatriotes bloqués en Chine. Pourtant cette même Afrique revendique un ou deux sièges au Conseil de sécurité où se prennent les grandes décisions d’un monde agité et tourmenté. La Chine, membre de la gouvernance mondiale au sein de ce même Conseil de sécurité soutien l’initiative africaine.

Très sensible à cette prétention, Pékin a travaillé au corps les chancelleries africaines qui voient dans la conquête des deux sièges le moyen de donner plus de prépondérance à la voix à l’Afrique sur la scène internationale. En tout état de cause, les dirigeants du continent manifestent leur lassitude et veulent une affirmation plus prononcée de la présence de l’Afrique. L’ère des intermédiaires s’épuise, disent-ils en chœur.

Sur la menace du coronavirus, les pays africains semblent démunis. Ils ne peuvent organiser le retour des Africains coincés dans l’est de la Chine. A cet égard, le Président Macky Sall exprime sans nuance la faiblesse logistique des pays pour ramener les expatriés qui demeurent toujours cloitrés dans cette zone infestée. Que fait l’Union Africaine ? Rien dans l’absolu. L’organisation panafricaine s’emmure dans un épais silence qui en dit long sur son incompétence à peser sur le cours des évènements tragiques dont la Chine est le théâtre.

A rappeler que Pékin a financé et équipé le siège de l’UA à Addis-Abeba à hauteur de 350 millions de dollars sans un sous vaillant d’aucun pays africain. L’Union africaine se projette dans l’avenir en privilégiant des approches concertées dans le cadre de l’agenda 2063 qui postule à cette date une intégration aboutie et réussie du continent doté d’infrastructures de pointe assurant les jonctions opérantes d’une région à une autre de ce vaste continent qui aiguise des appétits et nourrit des fantasmes. Moins de bons sentiments, davantage d’actes, la Chine nous livre, à nous Africains, des leçons d’une stupéfiante simplicité. Seul antidote : éviter toute lutte en vase clos.

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