La tardive révélation du FMI sur la dette engage sa responsabilité (Cellule Economie, la République des Valeurs)

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Le FMI vient finalement d’admettre que la dette du Sénégal est dans une trajectoire insoutenable, après avoir longtemps décerné des quitus au gouvernement.
Dans un document publié en janvier 2020 et révélé par la presse, le FMI baisse radicalement sa notation de la qualité de la dette du Sénégal.  A la page 16 dudit document, le FMI explique que « la nouvelle analyse de soutenabilité de la dette du Sénégal préparée par le FMI et la Banque mondiale montre que le niveau d’insoutenabilité de la dette est passé de faible à modéré. Le Sénégal a triplé sa dette depuis 2008 »
Ce diagnostic critique appelle, selon le FMI, des mesures d’austérité budgétaire (hélas trop familières aux goorgorlous) de la part du Président Macky Sall : « La forte augmentation de la dette publique ces dernières années exige une stratégie de stabilisation du ratio de la dette sur le PIB et de surveiller rigoureusement les risques (de surendettement) » (page 17 du document FMI). Nous amenons ci-dessous des révélations supplémentaires sur le contenu de ce document et présentons une analyse des enjeux de cette nouvelle position du FMI vis-à-vis du régime de Macky Sall.
Pourquoi ce changement soudain, radical et tardif du FMI qui est censé scruter à la loupe la situation macroéconomique du Sénégal ? Le Conseil d’Administration du FMI a clairement indiqué dans un communiqué de presse que le cadre de partenariat avec notre pays «ne permettra pas (au Sénégal) d’accéder aux ressources (financières) du FMI » (page 1 du document FMI) dans les trois prochaines années. Il s’agit là d’un aveu cinglant des piètres performances enregistrées par l’économie sous la direction de Macky Sall et du cycle économique difficile qui s’ouvre.
Pourquoi le FMI n’a-t-il pas alerté sur la dette plus tôt ? Outre sa représentation permanente dans notre pays, le FMI y dépêche moult missions pour des revues régulières et la surveillance macroéconomique. Paradoxalement, les experts du FMI écrivaient, à quelques mois de l’élection présidentielle de 2019 : « le Sénégal présente un risque faible d’insoutenabilitéde la dette » (page 12 de la septième revue du précédent programme FMI) mais d’enchainer pour couvrir leurs arrières : « bien que le risque d’insoutenabilité de la dette est faible, le Sénégal est aux limites » (page idem). Rappelons que, sur la base de cette évaluation du FMI et à quelques semaines de l’élection présidentielle de 2019, le gouvernement du Sénégal annonçait avoir reçu plus de 8000 milliards de F CFA de promesses de prêt. Tout d’abord il est inadmissible qu’un tel évènement, une ingérence totale dans les affaires intérieures du Sénégal, soit organisé à quelques semaines de la présidentielle. Il y a peu de pays indépendants et souverains où des institutions et pays étrangers peuvent se permettre de prendre de telles libertés. En outre, la baisse de la notation du FMI risque d’affecter la confiance de beaucoup de ces prêteurs au régime de Macky Sall et d’augmenter le coût de la dette pour le Sénégal.
Le risque d’une dette hors de contrôle était inscrit dans la boulimie excessive pour l’emprunt de Macky Sall et, surtout, l’usage contreproductif des ressources mobilisées. L’addiction aux éléphants blancs qui ne génèrent ni emplois ni recettes nouvelles a été maintes fois décriée par des Sénégalais. Cela n’a pas empêché les experts du FMI, dont la compétence ne saurait être mise en doute, d’avoir une fascination hypnotique pour les taux de croissance affichés par le gouvernement. Aujourd’hui, le FMI semble sortir de son hypnose. On pouvait attendre mieux de cette auguste Institution ; comme qui dirait « too little, too late !».
La République des Valeurs avait pourtant alerté à plusieurs reprises sur la trajectoire insoutenable de la dette et sur l’ajustement budgétaire : Ces alertes ont pris diverses formes, articles de presse, sorties médiatiques etc.
·        Le 14 novembre 2018, notre cellule économie publiait une analyse sur cinq pages qui détaillait les défaillances sur l’investissement public et la dette intitule « Le premier mandat de Macky Sall a mis l’économie sénégalaise à genoux, un second l’achèverait »
·        Le 2 juin 2019, invité de l’émission « Objection » de Sud Fm, Thierno Alassane Sall exposait ses inquiétudes sur l’augmentation et le niveau alarmant de la dette publique et concluait sur la forte probabilité d’un ajustement structurel. Le Ministère des Finances avait cru devoir démentir les chiffres révélés par le Président de la RV. Comme d’habitude, le Ministre s’était abrité derrière les satisfécits des institutions internationales telles que le FMI et la Banque mondiale.
·        Le 4 juin 2019, notre cellule économie publiait un article « Quand le Ministre des Finances dément son ministère et ses engagements auprès du FMI » qui fustigeait le manque de transparence sur le niveau de la dette et le double discours du Ministre des Finances, et alertait sur les débuts de l’ajustement budgétaire.
·        Le 5 février 2020, notre cellule des cadres publiait un article qui présentait la hausse de l’électricité comme une étape dans l’ajustement budgétaire et révélait qu’elle a été imposée par la Banque mondiale : « Quand le Ñoo Lank des citoyens se heurte à la perte de souveraineté du Sénégal sous Macky Sall »
Mme Kristalina Georgieva (la nouvelle Directrice Générale du FMI) siffle la fin de la recréation ? Le changement de cap du FMI vis-à-vis du régime de Macky Sall semble avoir débuté de manière visible le 2 décembre lors d’une conférence : « Le Développement Durable et Dette Soutenable : Trouver le Juste Equilibre » dans les enceintes du centre de conférences Abdou Diouf. Mme Kristalina Georgieva, fraichement nommée, était restée cordiale lors de l’évènement public, mais en privé, le ton a dû être moins diplomatique car elle avait débarqué à Dakar porteuse d’un message de fermeté. Il était temps pour la crédibilité et la réputation du FMI. D’ailleurs Macky Sall avait appelé à la rescousse ses confrères Alassane Ouattara (Cote d’Ivoire), Mahamadou Issoufou (Niger) pour l’aider à expliquer au FMI qu’il fallait, selon leurs propres mots, « rompre les chaines de l’endettement », alors que Macky Sall loue les vertus « des desserts de l’armée française aux tirailleurs sénégalais ». Le même jour notre Cellule Economie publiait un article qui démontrait que le centre Abdou Diouf qui abritait cette conférence était l’exemple probant d’un investissement non productif, non rentable, ficelé sans transparence (au gré-a-gré) et construit avec de la dette ; article intitulé : « Développement Durable et Dette Soutenable : Le Sénégal de Macky Sall en Déséquilibre ».
Désormais, le FMI a abandonné le langage diplomatique. Le spectre des temps de cures drastiques pointe sur le Sénégal. Face à cette dette insoutenable dont la cause profonde consiste en des investissements non prioritaires et non productifs, le FMI exige au Président Macky Sall une marche forcée vers l’ajustement budgétaire. Le FMI indique que le cadre macroéconomique sera cohérent si le Sénégal ne dépasse pas une dette publique de 9338 milliards de F CFA (tableau 1 page 26 du document FMI) mais laisse quand même une marge de manœuvre à Macky Sall en introduisant comme condition qui sera vérifiée lors des missions de surveillance et d’évaluation une dette maximale de 9563 milliards de F CFA (tableau 1a page 60 du document FMI). Pourquoi cette incohérence ? Par contre le FMI est plus ferme sur l’augmentation de la pression fiscale, elle exige que le gouvernement de Macky Sall collecte 396 milliards de FCFA de plus de taxe sur les biens de consommation entre 2019 et 2020 (soit une hausse de 39%), et d’augmenter les droits de douane de 147 milliards de F CFAdurant la même période (soit une hausse de 50%). Cette approche est injuste. Elle ignore le fond du problème qui est la gouvernance sombre et inefficace du régime de Macky Sall. Elle contribuera à étouffer les entreprises et les ménages sénégalais et à enfoncer notre pays dans la pauvreté et la dépendance. Nous y reviendrons avec des analyses détaillées des conditions posées par le FMI et acceptées par le Président Macky Sall et son gouvernement et les impacts négatifs qu’elles auront sur les couches les plus pauvres et les plus vulnérables de notre société.
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