«JE NE ME SENS PAS BIEN DANS LE MONDE DES RAPPEURS SENEGALAIS»

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Côté pile, il fait partie des stars montantes du rap au Sénégal. Dip Doundou Guiss, de son vrai nom Dominique Preira, jouit d’une grande admiration auprès des jeunes et exerce forte influence sur eux. Ses tubes récoltent des millions de vues sur internet. Mais côté face, Dip Doundou Guiss est un artiste très controversé et critiqué sur certaines de ses pratiques. A cœur ouvert, l’enfant de Grand-yoff et auteur du tube «Me N you» se livre dans «l’AS».

Dip Doundou Guiss, parlez-nous un peu de vous, de votre enfance, votre cursus scolaire, bref de votre parcours

Mon nom est Dominique Preira. Je suis né à Grand-Yoff où j’ai grandi aux côtés de ma famille. J’ai fait mes études au Collège Notre Dame du Liban. J’ai décroché mon baccalauréat aux Cours Secondaires des Parcelles Assainies (CSPA). A la suite de cela, je suis allé à l’université à la Faculté de Droit. Mais après deux ans de doute, je me suis lancé dans la musique.

Si c’était à refaire, auriez-vous arrêté vos études?

Je ne dirai pas que j’ai arrêté mes études. Mais pour le moment, je ne suis pas un étudiant, je suis artiste. J’étudie autre chose que le droit. On a l’habitude de dire que la vie est une école. C’est pourquoi, je ne me considère pas comme une personne qui a définitivement abandonné les études, d’autant plus que j’apprends beaucoup de choses de la musique et tout ce qui tourne autour. On peut citer la communication, le marketing, le digital etc…

Qu’est-ce qui vous avez poussé à faire du rap ?

Ce qui m’a réellement poussé à faire du rap, c’est le feeling. Comme tout jeune, j’avais une envie de m’exprimer et beaucoup de choses à dire aussi. Avant tout, j’étais fan de rap depuis tout petit. Au fur et à mesure que j’écoutais cette musique, je me suis dit que je pouvais l’exercer. C’est ainsi que je me suis lancé dans le rap avec l’intime conviction que je pouvais imposer ma marque.

On dit souvent que le rap est un milieu de recyclage de jeunes en désespoir. Est-ce votre cas ?

(Rires). Même dans les grandes villes, il y a des gens qui vivent dans des situations difficiles. Même au Palais Présidentiel, des gens vivent des situations difficiles. Cependant, je ne dirai pas que j’ai vécu des situations difficiles qui m’ont fait verser dans le rap. J’avais ce besoin d’aller plus loin. Et j’étais un peu pressé aussi de réaliser des choses et d’aider ma famille. C’était un rêve et un défi pour moi. Je ne fais partie de ces gens qui pensent qu’il faut avoir un certain âge pour prétendre à la réussite dans la vie. Le rap n’est pas un milieu de recyclage, c’est une musique noble et un choix de vie. Il faut que les gens sachent cela.

Vous êtes très influent auprès de la jeunesse. Comment comptez-vous servir la communauté à travers votre statut ?

Certes, il y a, parmi les jeunes, certains qui sont un peu perdus, mais la grande majorité d’eux est très réfléchie et responsable. C’est à travers ma musique, mes paroles et mes textes que je peux faire quelque chose pour les jeunes. Nous sommes toujours en phase de projection vers le futur. On a beaucoup de projets et on essaiera toujours d’être utile à notre pays et à sa jeunesse.

Quels rapports entretenez-vous avec les hommes politiques ?

Je n’ai pas de rapport très particulier avec un quelconque politicien. Il y a des politiciens que j’ai connus, mais nos relations n’étaient pas trop rapprochées. Je préfère taire leurs noms, parce que j’évite l’interprétation que certains en feront. Actuellement, je suis loin de tout ce qui est politique.

En cette période post-électorale, beaucoup d’entre eux aimeraient vous avoir à leurs côtés. Comment comptez vous faire face à cette pression?

Pour le moment, je ne suis même pas dans ça. Je parle souvent avec des gens qui s’y connaissent en politique. Mais actuellement, j’observe ce qui se passe dans le paysage politique

Mais vous comptez accomplir votre devoir de citoyen en 2019 en votant?

Je n’ai jamais voté de ma vie et je l’assume. Je n’ai pas encore vu le politicien ou la personne qui pourrait m’encourager à aller voter

Artistiquement, Dip est de plus en plus mélodique dans ses sons. Pourquoi ce choix. Est-ce parce que le rap hardcore ne fait plus recette au Sénégal ?

Beaucoup de gens se trompent sur les types de rap qui existent. Dans le rap, il y a le hip-hop. Tout ce que je fais ne sort pas du hip-hop. Peut être que j’utilise parfois d’autres styles avec le rap. Je n’ai jamais fait un son sur lequel on ne peut pas rapper. Je fais toujours des sons classiques, c’est-à-dire des sons qui ne sont pas commerciaux. Mais si j’ai envie d’essayer d’autres styles qui me plaisent, je le fais. Je suis les tendances, tout ce qui se passe dans le milieu et j’apporte ma touche personnelle. Cependant, il ne s’agit pas d’un besoin de sortir du rap. Je suis rappeur et je resterai rappeur.

D’où vient votre inspiration ?

Elle me vient de tout et plus particulièrement de mon environnement. Un artiste est toujours influencé, d’abord par son environnement, et ensuite par l’extérieur.

La nouvelle génération est de moins en moins engagée dans la dénonciation des dérives de nos dirigeants politiques. Est-ce un désengagement politique au profit du rap business ?

C’est un problème générationnel. Les vécus diffèrent aussi. Ce qui existait dans le pays et la situation qui prévaut actuellement sont très différents. Donc, beaucoup de facteurs peuvent expliquer cela. Mais qu’est-ce que cette dénonciation et cet engagement ont réellement changé. Je pense qu’on doit s’engager pour le peuple. On ne doit pas s’engager contre un régime ou contre quelqu’un. On doit s’engager pour assurer la pérennisation des vertus, encourager les jeunes à étudier, à être beaucoup plus entreprenants, éduquer les gens à croire en eux-mêmes, à ne rien attendre de l’État. C’est cela l’engagement le plus important. Cet engagement politique n’a pas permis au rap de se développer. Comment peut-on aider sa communauté ou sa famille, alors qu’on ne peut pas subvenir à ses besoins. Si le président de la République et son Gouvernement n’ont rien sur le plan politique, le rappeur doit pouvoir dire ce qu’il a fait artistiquement. Il y a un énorme travail à faire. Il est important d’équilibrer les choses.

Dip, c’est aussi les clashs de ses collègues rappeurs, les accusations de franc-maçonnerie. Comment gérer vous tout cela ?

(Rires) Je pense que ces attaques ne sont plus d’actualité. Cela date de longtemps. Et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Actuellement, je n’y pense même plus. Je suis plus concentré sur ma musique et mon business.

Est-ce qu’une tournée internationale est dans vos plans?

Bien sûr. C’est en préparation. On souhaite faire une tournée en Europe au Canada, aux Etats Unis. Ce sera pour 2019, si tout se passe bien

Quels sont vos rapports aujourd’hui avec Omzo dollar, Canabasse et Ngaaka Blin D ?

Artistiquement, on n’a aucun problème. Prenons le cas de Ngaaka Blin- D, je ne peux pas parler de mes relations avec lui, parce que la situation qu’il vit est beaucoup plus importante que nos rapports. Je lui souhaite de recouvrer très rapidement la liberté. Je pense qu’il sera bientôt libre. Je suis un artiste qui ne fréquente trop les autres. C’est comme cela depuis mes débuts. Je suis toujours chez moi, je travaille, je m’inspire, je réfléchis sur les projets avec l’aide de mon staff. Je n’ai pas le temps de fréquenter beaucoup les autres artistes. Ce n’est pas un problème d’ego ou de personnalité. C’est juste que ma méthode de travail ne me permet pas d’avoir beaucoup de fréquentations. Je ne me sens pas bien dans le monde des rappeurs sénégalais.

On peut dire que Dip est devenu riche. Combien pesez vous financièrement ?

Franchement, je ne peux pas répondre à cette question. L’argent est trop sensible sous nos cieux. Si vous me payez, je vous réponds.

Dip est un chef d’entreprise aujourd’hui

Oui, bien sûr. Je travaille avec beaucoup de personnes

Est-ce que vous investissez dans d’autres domaines que la musique ?

J’y pense et j’y travaille aussi. Mais je m’investis beaucoup plus pour les causes sociales. Et de temps en temps, l’association «No Stress Land» nous associe à certaines de leurs activités sociales. Il y a d’autres associations auxquelles je suis associé aussi pour des œuvres de bienfaisances. Je réponds favorablement à toutes les sollicitations. Et s’il faut même prêter notre image, on le fait.

Vous avez dédié une chanson à Youssou Ndour. Quels rapports entretenez-vous avec ce dernier?

On s’est vu une ou deux fois, je pense. Mais, on a de bons rapports. Il me conseille beaucoup. Ses conseils sont vraiment bénéfiques pour moi. Je l’estime beaucoup et j’aimerai bien faire un duo avec lui un jour.

Quels sont vos projets à court terme?

Je suis toujours sur un projet, mais je ne peux pas en dire davantage. Je garde le suspense comme d’habitude. Mais le 30 décembre prochain, on organisera un show au CICES. C’est le prochain grand évènement de Dip Doundou Guiss.

Votre dernier mot Dip ?

Je recommande au peuple de bien surveiller les politiciens et de les avoir à l’œil. Ils n’ont qu’à bien suivre les débats et analyser les différents programmes que les futurs candidats à la prochaine présidentielle leur présenteront. J’invite la jeunesse à croire en elle-même, à travailler, à être ambitieuse. Elle doit aussi se fixer des objectifs clairs et se donner les moyens de les réaliser.

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