HALTE AUX DÉRIVES !
Le spectacle de ces centaines d’enseignants regroupés au terminus de Liberté V depuis le Mardi 26 mai 2020 en attente d’un convoyage à leurs lieux de service au mépris de toute mesure de distanciation sociale interpelle toute la nation et questionne le rapport que nos
gouvernants ont à l’Ecole et à la profession enseignante. Cette situation révoltante est symptomatique d’une grande légèreté et d’un manque de tact à l’endroit de la communauté éducative, mais aussi d’une grande difficulté à planifier et rationaliser nos procédures et dispositifs opérationnels. D’un autre côté, il a été éloquemment démontré pour ceux qui en doutaient encore de l’engagement du personnel enseignant à accompagner la volonté politique de reprise des
enseignements prouvant ainsi son sens républicain, son esprit de sacrifice et sa détermination à faire de notre Ecole un moteur de développement.
Le SIENS prend le gouvernement pour responsable des dérives relevées et de toutes les conséquences désastreuses générées en termes de perception de la fonction enseignante, mais aussi et surtout des répliques possibles et non souhaitables du point de vue de la
propagation de la pandémie compte tenu du rôle pivot que joue l’Ecole.
De même, la tutelle est mise devant ses responsabilités et interpellée sur la nécessité d’un recentrage du point de vue de sa posture de « chef de famille » qui aurait pu légitimer une communication sincère sur les dysfonctionnements constatés et s’excuser franchement des
errements incompréhensibles et en déphasage avec le consensus construit avec les partenaires sociaux.
Cette situation qui s’inscrit dans une perspective de quasi « relâchement général » du point de vue des mesures de prévention et de riposte aux antipodes de la nécessaire vigilance
prônée par le bon sens et l’avis motivé des experts, est on ne peut plus surprenante. Pourtant, depuis le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire et la mesure de suspension des enseignements apprentissages, l’option a été largement partagée au niveau sectoriel de privilégier la concertation et une démarche inclusive et itérative afin d’accroître les chances de
succès des différentes réponses produites dans le cadre de la gestion du risque.
Cette posture motive les positions prises par notre organisation dans le cadre du comité de veille mis en place au sein du ministère de l’éducation nationale. Elle explique aussi, les différentes contributions faites sous forme d’analyses situationnelles et prospectives, de
propositions de schémas de mitigation, ainsi que l’espoir placé dans le dispositif de reprise consensuelle intégrant l’essentiel des propositions faites par les partenaires sociaux et tournant
autour de considérations spécifiques appelant au refus du mimétisme, à la systématisation du principe de précaution, mais aussi et surtout à l’impératif catégorique de privilégier l’option de
« sauver des vies sur celle de sauver une année scolaire ».
Nous avons ainsi eu l’opportunité de tester la capacité d’anticipation et d’organisation du gouvernement qui, pour cette étape tout au moins, a montré des limites objectives qui interpellent tous les acteurs sur :
la nécessité d’accroître le niveau de vigilance citoyenne notamment pour une
nécessaire évaluation à mi-parcours ;
une réorganisation du plan de transport pouvant s’appuyer sur des points de départs conformes à la dispersion spatiale du personnel ; une prise en charge adéquate des cas spécifiques d’agents (voyageant avec leur famille, en provenance des régions autres que Dakar, se déplaçant avec leur propre
moyen de transport,…), d’élèves en dehors de leur région de scolarité, la nécessité de
revoir le dispositif de délivrance de laissez-passer ou autorisations spéciales qui, pour le cas des enseignants pourraient valablement être remplacés par le bulletin de solde, un ordre de service ou tout autre document probant…
la situation des élèves, enseignants et parents d’élèves du privé qui pourraient être confrontés à des difficultés prévisibles pour la reprise ;
la mise en place des conditions barrières pour une sécurisation des différents acteurs impliqués dans la reprise et la gestion du système ;
La nécessité d’assouplir les conditions de déplacements intra régionaux et
intercommunaux pour assurer la mobilité des enseignants et élèves vers leurs lieux de service ou d’étude une fois arrivés dans les capitales régionales ou départementales ;
la mise en place d’un dispositif d’évaluation de la fiabilité et de la viabilité des dispositifs mis en place par chaque IEF, IA, écoles, établissements et collectivité territoriales ;
la nécessité de tester la réactivité de chaque entité impliquée dans le processus à l’aune du protocole sanitaire ;
l’aménagement de conditions efficaces de prise en charge des élèves des classes
intermédiaires ;
l’anticipation du schéma organisationnel pour les évaluations certificatives en
conformité avec les exigences de prévention de la Covid-19.
Au regard de toutes ces considérations, Le SIENS pose qu’il est impératif pour le
gouvernement :
de rehausser le niveau de crédibilité des actions entreprises dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 ;
d’inverser la dynamique des signaux contradictoires renvoyés et sapant
dangereusement la lisibilité et la cohérence de la riposte.
« Plus que quiconque, l’enseignant reste l’ultime rempart !».
Le Secrétaire général national
Al Cantara SARR