Seule femme déléguée de quartier dans la ville sainte, Sokhna Aïda Sy est l’unique épouse de Serigne Mbaye Sy Mansour, fils unique de Serigne Mansour Sy «Balkhawmi».
C’est une vue de loin. Mais l’image est marquante. Elle a une finesse qui captive et une élégance accrocheuse. Assise sur une des chaises de la cuisine des appartements privés de Serigne Mbaye Sy Mansour, khalife général des Tidianes, Sokhna Aida Sy, simple dans ses habits blancs, montre toute sa grâce. Sourire étincelant aux éclats d’étoiles, elle dévoile une belle rangée de dents blanches, identiques à celles que l’on voit dans les publicités de dentifrice. Quant à ses grands yeux, en forme d’amande, elle les oriente vers la cuisson qu’elle surveille comme du lait sur le feu. C’est le déjeuner de son époux.
Femme conservatrice, elle prépare elle-même les repas du khalife général des Tidianes. Retrouvée chez elle, à l’étage, dans la matinée du mercredi 14 novembre 2018, elle est à fond dans ses activités. Entourée de femmes qui épluchent oignons, pommes de terre et autres légumes, la fille de Sokhna Fatou Bâ et de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh supervise, soigneusement, leur travail. Malgré son manque de temps, la bonne dame a accepté de dévoiler une petite facette d’elle. Mais la native de St-Louis fait preuve de réserve. Elle refuse de donner sa date de naissance.
De sa vie à St-Louis, elle ne se souvient de rien. «J’ai vécu dans cette ville quand j’étais petite. Je n’ai pas de grands souvenirs de cette époque car j’étais trop jeune », confie-t-elle. Après dix(10) ans passés dans la belle ville de St-Louis, sa vie prend un autre tournant suite au rappel à Dieu de son grand-père, Serigne Babacar Sy. C’était en 1957. En compagnie de sa mère, elle débarque à Tivaoune.
Exégète, formée par l’illustre Mame Abdou
Si les enfants de Mame Abdou ont fait les bancs, tel n’est pas le cas de Sokhna Aïda Sy. L’école française, elle n’y a pas fait une seconde. Elle a été formée et encadrée par son propre père. Toutefois, son grand-père, Abdoulaye Bâ, avait voulu l’inscrire à l’école française. «Quand mon père a été informé, il m’a fait venir à Tivaouane. Je devais avoir 10 ans. C’est ainsi que ce projet de m’inscrire à l’école coranique a échoué», dit-elle. Un choix de son père qui ne lui déplait guère car elle a été solidement abreuvée au modèle du Prophète (Psl) et à ses enseignements. Avec ses jeunes frères, Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh lui apprend le Coran. Il était, dit-elle, exigeant avec ses enfants.
Racontant l’éducation inculquée par son père, elle confie combien ce dernier tenait à ce ses enfants maîtrisent le livre Saint. Et : «Quand il voyageait à l’intérieur du pays, dans ses lieux de retraites spirituelles, il ne manquait jamais de les amener avec lui. C’est ainsi que Sokhna Aïda Sy, toute jeune, découvre Ngabou Thilé, Walo, Diacksao etc… Mame Abdou m’amenait partout avec lui. C’est seulement quand il se rendait à Dakar qu’il me laissait au daara où je poursuivais mon encadrement». Oui, Sokhna Aïda est le symbole de la spiritualité incarnée. Chaste et pure, la belle dame au teint à la noirceur d’ébène, n’a pas connu une enfance trouble. Sa vie se résumait à la maison et au daara de son père. A peine sortie de l’enfance, elle sera donnée en mariage à son cousin Serigne Mbaye Sy Mansour. Elle ne se souvient même pas de l’année où elle a épousé le khalife général des Tidianes. Par contre, elle sait qu’elle avait, juste, 14 ans. Age de l’adolescence…
Une épouse, dévouée au khalife
Sokhna Aïda Sy voue un respect et un attachement absolu à son époux. Modelée aux valeurs de l’Islam, elle veut incarner le modèle de la femme adossée aux enseignements du Coran. C’est une femme soumise. Quand elle parle de son époux, ses yeux étincellent de bonheur. Elle le peint comme un homme simple, affable et d’une grande générosité. «Il fait beaucoup d’œuvre de charité. C’est un guide religieux qui se soucie beaucoup de l’éducation de ses enfants» dit-elle. Son mari, dit-elle, la soutient dans toutes ses entreprises sociales et économiques. «A chaque fois qu’il me rend un service, il me dit que c’est l’Adiya de ton grand-père El Hadji Malick Sy. Il adule Seydi El hadji Malick Sy qui est notre trait d’union. Nous avons le même grand-père. Le khalife est un homme effacé », confie-t-elle.
Elle note que du vivant de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, son époux a toujours voulu rester dans l’ombre voulant vivre dans l’anonymat. Mame Abdou était obligé de le forcer à le représenter dans certaines cérémonies. Une grande complicité la liant à son mari, elle décrit le khalife comme «un homme simple et courtois sans trop de problèmes. Selon elle : «Il mange tout ce qu’on lui sert. Quand on lui présente un plat avec trop de sel ou de piment, il n’en fait jamais la remarque. Il mange tranquillement comme si de rien n’était. Il n’aime pas faire des observations sur les repas qu’on lui présente. Sachant combien c’est difficile de supporter la chaleur de la cuisine, il se ne veux pas vexer.» Et d’ajouter, la voix pliene d’affection : «Quand je lui demande ce que tu veux manger, il me répond qu’il n’a pas de préférence ni de choix », renseigne-t-elle.
Femme généreuse et sociale
Les qualités qu’elle trouve à son mari, Sokhna Aïda Sy semble les avoir. C’est, apprend-on, une femme généreuse. Astou Mbacké, fille de feu Serigne Mourtada Mbacké témoigne : «Sokhna Astou est une femme sociale. C’est pourquoi, je ne manque jamais de venir à Tivaouane pour assister au Takusanu Seydina Mouhamed (Psl) qu’elle organise avant la célébration de la nuit de la naissance du Prophète (Psl) ». Sokhna Aïda Sy est aussi la bienfaitrice des malades de l’hôpital départemental Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh. Tous les jours, elle prépare des repas qu’il y envoie pour nourrir les malades et leurs accompagnants qui viennent souvent des villages environnants.
Elle a commencé ses œuvres de charité en 1998, un après le rappel à Dieu de son père Mame Abdou. Son époux l’accompagne dans la prise en charge alimentaire des malades.» Sokhna Aida de dire : «Je n’ai jamais demandé de soutien pour cette action. Dieu seul m’assiste dans cette tâche. Je travaille pour gagner ma vie. Je ne croise pas les doigts en attendant qu’on me donne des adiyas. Je dépense mes économies pour nourrir les nécessiteux», confie-t-elle. Malgré son statut d’épouse du khalife général des Tidianes, elle ne croise pas les doigts pour attendre les étrennes des disciples Tidianes. Couturière, elle fait aussi de la teinture. Elle achète des bœufs qu’elle engraisse pour les revendre sur le marché avec des bénéfices raisonnables. Elle s’active aussi dans l’aviculture. Elle fait un peu de tout pour avoir des sources de revenus conséquents. Pour elle : «Quand on a un souffle de vie, il faut toujours se battre.
Les coffres de Dieu sont inépuisables. Dieu ne descendra pas sur terre pour nous offrir les bienfaits de ce monde sur un plateau d’argent. L’intelligence est la chose la mieux partagée au monde. Il faut l’utiliser pour trouver des ressources afin de vivre. Aide-toi, le ciel t’aidera. L’homme doit travailler pour vivre à la sueur de son front ».
Le khalife l’encourage même à avoir une activité génératrice de source de revenus. Et quand elle reste un moment sans rien faire parce qu’il lui arrive de prendre des congés, il lui demande toujours pourquoi elle a cessé ses activités. Si elle lui dit que son stock de marchandises est épuisé, il n’hésite pas à la dépanner. C’est elle qui le dit. Avec l’avènement de son époux à la tête du khalifat, elle n’a rien changé de son mode de vie. Rien d’anormal vu que auparavant, elle a vécu dans l’univers du khalifat pendant les 40 ans de règne de son père.
Une épouse complice du khalife
Sokhna Astou et Serigne Mbaye Sy Mansour constituent les deux lames d’une paire de ciseaux. Ils sont d’une complicité débordante. Son époux plein d’humour aime à dire : «Si je faisais de la politique, je militerais dans ce parti qui a comme slogan Allahou wakhidoune». Une manière pour lui de dire qu’il a une seule épouse. Elle dit que son époux est à la fois son grand-frère, son oncle, son ami et son confident. Il lui donne les meilleurs conseils et les meilleures orientations. Elle regrette le manque de retenue de certaines femmes qui ne s’inspirent pas des modèles que l’Islam leur offre.
Elle conseille aux jeunes filles d’être pudiques et à se couvrir le corps. Elle trouve que les tenues vestimentaires extravagantes sont d’une autre culture. «Le corps de la femme est un trésor. Elle doit s’habiller de manière décente. Elle doit donner du respect aux personnes plus âgées », note-t-elle. Elle leur conseille de s’adonner à la prière qui nous renvoie à l’existence d’un Dieu Omniprésent. Quand la femme ne maîtrise pas le Coran, elle lui suggère de faire l’effort d’apprendre un verset pour pouvoir s’acquitter de ses obligations. «Je les exhorte à la discipline et à la retenue. A celles qui sont mariées, je leur conseille de se suffire des sources de revenus de leurs époux aussi insignifiants soient-ils.
C’est Dieu qui rétribue les bonnes actions. Une femme ne doit rien vouloir que le bonheur de son époux. Quand il vous donne 2000F CFA, il ne faut pas cracher dessus. Si vous avez votre 1000F CFA, ajoutez-le à la dépense. C’est Dieu qui vous récompensera plus tard », argue-t-elle. A toutes ses activités s’ajoutent celle de déléguée de quartier. Unique femme à ce poste dans la commune de Tivaouane, elle administre le nouveau quartier Keur Cheikh Ahmed Tidiane Chérif depuis plus d’une dizaine d’années.