AFFAIRES PUBLIQUES AU SÉNÉGAL : QUAND LA FAMILLE PRÉSIDENTIELLE PREND LE POUVOIR

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«Je ne mêle jamais ma famille à la gestion du pays. Si mon frère a été amené à être cité dans des affaires de sociétés privées, c’est parce je lui avais justement indiqué très clairement, dès ma prise de fonction, qu’il ne bénéficierait jamais, de ma part, d’un décret de nomination, notamment en raison de l’histoire récente du Sénégal [Wade père et fils] et parce que je ne voulais pas être accusé de népotisme. Je lui avais même conseillé, à l’époque, d’essayer de voir dans le privé», disait le Président Macky Sall, lors d’un entretien en décembre 2016, avec le site de l’Hebdomadaire «Jeune Afrique».

L’ère de la «dynastie» Faye-Sall

Selon L’observateur, en jurant de ne jamais faire intervenir sa famille dans l’appareil d’État, Macky Sall enclenchait l’ère d’une gestion sobre et vertueuse, bréviaire de Benno Bokk Yakaar, la coalition qui l’a porté au pouvoir en 2012. Mais, une année plus tard, coup de théâtre. À la surprise générale, Macky Sall nomme son cadet de huit ans, Aliou Sall, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (Cdc). Une nomination pour le moins étonnante qui fera grincer des dents et couler beaucoup d’encre.

Si pour une frange de l’opposition, il se pose un véritable «problème d’éthique», pour d’autres, cette nomination est une «déclaration de guerre contre les décrets vitaux du Sénégal». Déjà cité dans la presse lors de l’affaire Petro-Tim, Aliou Sall, maire de Guédiawaye depuis 2014, est, pour ses détracteurs, l’homme par qui le scandale arrive pour Macky Sall. N’empêche, ce tollé général ne fera reculer ni le Président, ni son frère qui, mouillé par les dernières révélations fracassantes de l’enquête de la BBC, persiste à s’accrocher à son poste. Pis, comme s’il n’avait pas appris des erreurs de son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade, Macky Sall enfonce le clou et étend les tentacules de la famille au cœur de l’appareil gouvernemental.

La dynastie Faye-Sall voit le jour, avec la nomination du frère de la Première Dame, Marième Faye Sall, Mansour Faye, d’abord au poste de ministre de l’Hydraulique et de l’assainissement, puis de ministre du Développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale, en plus d’être le maire de Saint-Louis. D’autres membres de la fratrie suivront et la «dynastie» renforcée avec la nomination des enfants… de l’homonyme du Président et ancien maire de Fatick, Macky Gassama. Avant eux, d’autres parents du chef de l’État étaient déjà servis, comme Abdoulaye Timbo, oncle de Macky Sall et actuel maire de la ville de Pikine.

Abdoulaye Wade : Au nom du fils !

Dans cette dynamique «clanique», Macky Sall a de qui tenir. Son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade, a ouvert l’ère de la patrimonialisation du pouvoir. Si de Léopold Sédar Senghor à Abdou Diouf, aucun président de la République n’a osé mettre son fils au cœur de l’appareil d’Etat, Me Wade, pape du Sopi, a franchi le Rubicon. Nous sommes en 2002. Alors que son père venait d’accéder à la Magistrature suprême en 2000, signant la première alternance au Sénégal, Karim qui monnayait ses compétences jusque-là, à l’Ubs Warburg, une banque d’affaires, comme arrangeur financier, décide de s’installer au Sénégal pour assister son père.

Il est nommé conseiller personnel du président de la République, chargé de la mise en œuvre des grands projets : Futur Aéroport international Blaise Diagne (Aibd) à Diass, restructuration des Industries chimiques du Sénégal (Ics). Propulsé à la tête de l’Anoci (Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique), il met Dakar en chantier et fait émerger ponts, tunnels, échangeurs et hôtels de luxe. Et son père de Président lui taille alors les habits d’un génial tâcheron : «Je dirai à ta mère que tu as bien travaillé.»

Le «Special one» de fils aura tellement «bien travaillé» (sic) qu’il héritera, en mai 2009, d’un super-ministère dans le gouvernement de Souleymane Ndéné Ndiaye, sixième Premier ministre sous la première alternance : ministère de la Coopération internationale, de l’aménagement du territoire, des transports aériens et des infrastructures. Une belle sucette après sa cuisante défaite lors des élections municipales de 2009. Caricaturé comme l’homme fort du régime, celui qui faisait la pluie et le beau temps au sein du pouvoir, jouit de l’amour aveugle (?) de son papa qui le dépeint comme «le meilleur de ses collaborateurs et celui qui maîtrise mieux que quiconque le domaine de l’argent» dans son entourage.

L’homme parfait pour succéder à son père ? Les plus audacieux avaient dit «Oui». Avant que Me Wade tente d’instaurer une dynastie présidentielle avec son ticket Président-Vice-président, ne recule face à l’opposition farouche de la population. Plus effacée, Sindiely, fille unique de Me Wade et sœur de Karim, goûtera, elle aussi, aux délices du pouvoir comme conseillère en communication et coordinatrice du Festival mondial des arts nègres (Fesman) en 2010. Même les neveux et cousins du Pape du Sopi seront servis.

 

Quid d’Adrien Senghor et Magued Diouf ?

Si Macky Sall a son frère surmédiatisé, Abdoulaye Wade, son fils très controversé, Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf ont eu, eux aussi, Adrien Senghor et Maguette Diouf, respectivement neveu et frère des Présidents Senghor et Diouf. Les deux Présidents du régime socialiste ont cédé à l’appel de la fibre familiale, en impliquant un des leurs dans les affaires publiques. Même si cela fut à un degré moindre et de manière plus discrète. Sous le magistère du premier Président du Sénégal indépendant, Léopold Sédar Senghor, son neveu, Adrien Senghor, s’était vu offrir le portefeuille du ministère du Développement rural, avant d’échouer à celui chargé de l’Équipement.

Magued Diouf, frère du Président Abdou Diouf, a, quant à lui, eu à occuper la fonction de ministre de la Modernisation de l’État et, plus tard, de l’Énergie, des Mines et de l’Industrie. Contrairement au frère de l’actuel président de la République, il adoptait le profil bas, même si son frère était le chef de l’État. Très proche du Parti socialiste, il n’a jamais manifesté un militantisme actif. Par contre, son activisme était plutôt concentré dans le monde sportif, avec son soutien déterminant à l’Asc Ndiambour, le club phare de Louga, sa région d’origine.

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