Afrique : L’économie française continue de reculer

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Mais il y a un facteur irrationnel qui continue à présenter la France, l’ancienne puissance coloniale, comme « pillant” les richesses du continent. Et qui pourrait en faire le reproche à ceux qui brandissent cet argument ?

A l’occasion du sommet africain du 18 mai à Paris, la DW fait le point sur la présence de la France et des autres pays sur le continent.

Le président Emmanuel Macron n’a pas hésité à parler d’un « New Deal” du financement des économies africaines pour aider les pays à surmonter le ralentissement de leurs économies lié à la pandémie de Covid-19.

Au-delà de la référence, souvent utilisée, au plan de relance mis au point par le président américain Franklin Roosevelt pour sortir son pays de la grande dépression des années 1930, ce sommet du 18 mai, auquel vont participer une dizaine de chefs d’Etat africains, sera d’abord chargé d’aborder la question de la dette du continent.

Celle-ci a quasiment triplé entre 2006 et 2019, selon une étude conduite par le Trésor français qui rappelle que le Fonds monétaire international estime à 290 milliards de dollars les besoins de financement externe africain pour 2020-2023.

Mais ce sommet est aussi l’occasion de critiquer, avec passion parfois, la présence de la France qui, soixante ans après les indépendances, continuerait d’exploiter les richesses du continent.

Une bonne raison donc pour faire le point sur certaines idées reçues.

La France talonnée par l’Allemagne

Commençons par les exportations. En vingt ans, la France a perdu près de la moitié de ses parts de marché en Afrique par rapport à la concurrence, passant de 12% à 7%. « Les exportations françaises ont doublé sur un marché qui a quadruplé, d’où une division par deux de nos parts de marché”, affirme l’ancien ministre Hervé Gaymard dans un rapport rendu en 2019.

Entre 2000 et 2017, les exportations françaises vers le continent africain auraient ainsi doublé de 13 à 28 milliards de dollars mais « sur un marché dont la taille a quadruplé d’environ 100 à 400 milliards de dollars d’exportations”, poursuit le rapport.

En clair : le gâteau aurait quadruplé de volume mais les Français auraient progressé moins vite que la concurrence.

Il est difficile de vérifier si cette vision d’un marché allant plus vite que les capacités françaises est juste mais une chose est sûre : les chiffres sont confirmés par l’Observatoire de la complexité économique qui compile les données du commerce international.

Ainsi, avec un volume de 29,4 milliards de dollars de marchandises exportées sur le continent africain en 2019, la France est désormais talonnée par les Etats-Unis, l’Allemagne et même l’Afrique du Sud.

On est donc loin de l’image du domaine réservé, le recul Français étant même plus prononcé en Afrique francophone. Ceci explique peut-être pourquoi le président Emmanuel Macron cherche des alternatives en orientant sa stratégie vers les pays anglophones.

Par ailleurs, les exportations françaises sur le continent africain sont faibles en rapport de la totalité. Elles ne représentent que 5% de l’ensemble des biens et services exportés par la France chaque année.

Les Pays-Bas investissent plus que la France

Le chiffre des exportations est aussi à mettre en parallèle avec un autre : toujours en 2019, l’Afrique n’accueillait que 4% des investissements français (les IDE, investissement directs étrangers).

Selon l’Agence Ecofin, les intérêts économiques français sont logiquement d’abord dirigés vers les pays européens (67%), l’Amérique du Nord (17%), l’Asie (8%) et, détail inattendu, même l’Amérique latine, avec 5% des IDE français, devance l’Afrique, ce qui relativise l’image d’un pays tirant une grande partie de sa richesse de ce continent.

Si on considère cette fois les stocks de ces investissements (leur cumul), la France est une nouvelle fois distancée par la Chine et un autre acteur auquel on pense moins souvent : les Pays-Bas.

Pourquoi ce petit pays investit-il autant en Afrique ? La présence sur le sol néerlandais de nombreuses holdings et sièges de groupes internationaux, attirés par une fiscalité avantageuse, explique ce paradoxe.

Ces données sont à retrouver dans le World investment report 2020, établi par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).

Malgré tout, si la France est « bousculée” en Afrique, si elle ne cesse de perdre des parts de marché depuis le début du XXIe siècle, il faut tout de même constater que ce pays, même devancé, se classe toujours dans le trio de tête en matière d’exportations et d’investissements sur le continent.

Mauvaise image de la France

Mais il y a un facteur irrationnel dans ce dossier qui continue à présenter la France, l’ancienne puissance coloniale, comme « pillant” les richesses du continent. Et qui pourrait en faire le reproche à ceux qui brandissent cet argument ?

Les faits économiques démentent en partie, comme nous venons de le voir, cette réalité. Mais la mauvaise image de la France est avant tout entretenue par la présence de ses militaires dans le Sahel, une politique difficile à défendre auprès des populations qui se demandent pourquoi il y a encore des « bottes françaises” sur le sol africain.

La deuxième édition d’Africaleads, le « baromètre des leaders d’opinion en Afrique », réalisé par l’institut IMMAR auprès de responsables politiques, religieux, de représentants de la société civile mais aussi d’artistes et d’influenceurs, montre qu’au-delà de la réalité économique, c’est avant tout l’image de la France qui a été endommagée sur le continent.

Alors que parallèlement, celle de l’Allemagne se maintient au plus haut, seulement devancée par les Etats-Unis.

Interrogés sur les trois pays non-africains dont ils ont la meilleure image, le public ciblé par cette enquête donne des réponses qui illustrent un sérieux décrochage de la France vis-à-vis de l’ensemble des autres puissances.

L’Allemagne inflige à la France un écart de 19 points et le Royaume-Uni, lui aussi une ancienne puissance coloniale, devance désormais la France dans l’esprit des Africains interrogés. Ce qui n’était pas le cas lors du précédent sondage.

Ceci s’explique sans doute par le fait que l’échantillon de 2.400 personnes interrogées, qui ne couvrait que huit pays francophones lors de la précédente édition, s’est élargi cette fois au Nigeria, à l’Egypte, à l’Ethiopie et au Kenya.

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