Aide Covid-19 à la Diaspora: Des Sénégalais de l’extérieur convaincus que l’argent va enrichir les autorités consulaires et Pro-Macky
Dans son discours, à la veille de la fête nationale d’indépendance du Sénégal, le Président Macky Sall annonçait l’allocation de 12, 5 milliards de francs CFA à la Diaspora, des ressources de Force Covid-19. Une somme qui pour le moment, n’est toujours pas arrivée à destination, mais suscite déjà de nombreuses polémiques.
En effet, certains Sénégalais vivant en Italie qui redoutent une mauvaise gestion ou répartition de ce qui semble leur revenir de droit, soupçonnant ainsi une mainmise sur l’argent, décident de renoncer à l’aide et souhaitent que cet argent soit réinvesti dans la santé de leur pays d’origine, le Sénégal. Ou dans la création d’une banque destinée à la Diaspora. Pour d’autres, la priorité est ailleurs. C’est-à-dire le rapatriement de leurs compatriotes décédés du Covid-19.
« Connaissant nos dirigeants Je préfère renoncer à cet argent… »
Il fait partie des Sénégalais de la Diaspora qui redoutent une bonne gestion de cet argent. Ousmane Lô résidant en Italie, précisément dans la région de Lombardie, propose que cette somme soit réinvestie au Sénégal dans la construction d’un hôpital.
« Moi, je renonce aux 12,5 milliards destinés à la Diaspora et certains de mes compatriotes en feront de même. Ce que nous souhaitons est que cet argent soit réinvesti dans notre pays et je suis en train d’en parler avec des compatriotes, qui sont du même avis. Que cet argent serve à construire un hôpital et à bien l’équiper », propose-t-il.
« Cet argent ne fera qu’enrichir d’autres qui étaient déjà pleins aux as »
Estimant que toutes les conditions de transparence ne seront pas réunies dans la distribution, vu les problèmes qu’ils rencontrent dans les consulats, le sieur Lô estime que cet argent une fois arrivé à la Diaspora, va servir à enrichir certains qui le sont déjà. « Je vous dis, si jamais cet argent arrive, nous n’avons vraiment le temps pour nous en occuper. Pour régler des papiers à l’ambassade de Milan, ça nous prend tellement de temps que vraiment, des compatriotes ne vont pas se déplacer pour recevoir leur part de cette aide, qui d’ailleurs sera insignifiante. Cet argent ne fera qu’enrichir d’autres qui étaient plein aux as, connaissant nos dirigeants. Et nous voulons du concret parce qu’on sait qu’on ne verra pas la couleur de cet argent. La construction d’un hôpital, oui, nous sommes d’accord ».
Une idée confortée par un de ses compatriotes sénégalais vivant à Bruxelles. Pour Cheikh Doudou Mbaye, « c’est une initiative noble de renoncer à cet argent. Ici, à Bruxelles, une minorité de Sénégalais sont là, à ne pas vouloir de cet argent…, mais croyez-moi qu’ils renoncent à cet argent, c’est noble, mais cela servira aux politiciens », peste-t-il, avant de souligner le népotisme et le favoritisme qui se cachent au niveau de certaines associations qui travaillent pour le compte du Président Macky Sall. « Il y a trop d’associations à Bruxelles, qui sont au compte du Président Macky Sall. Donc, la bonne approche serait de sensibiliser sur le bien-fondé de renoncer. »
« Chaque Sénégalais de la Diaspora n’aura pas 12 000 FCfa si on distribue cet argent »
Pour Ibrahima Cissé, le président de la Fédération des Sénégalais de Mantova, une province de Lombardie, renoncer à cet argent n’est pas la bonne solution mais plutôt utiliser cette aide à des fins efficientes.
» Nous ne rejetons pas cette idée de distribution des 12,5 milliards destinés à la Diaspora. On ne dira pas qu’on n’a pas besoin de cet argent, mais nous nous entraidons avec nos associations. Egalement, chaque maire de commune verse une somme de 150 à 400 euros aux impactés du Covid-19. Et je vous le dis, si cet argent est distribué, chaque Sénégalais n’aura même pas 12. 000 francs CFA. Et il y a une vie après le corona », renseigne-t-il.
Mais ce qu’il souhaiterait avec les membres de trois fédérations dont il est le président, est que cet argent serve au financement d’une banque destinée à la Diaspora.
« Avec cet argent, nous en profitons pour demander au président de la République, de nous accompagner à créer une banque de la Diaspora. Comme souhaité par les émigrés qui ont une pleine conscience de leurs devoirs vis-à-vis de leur pays. A l’État d’initier et d’encadrer, de manière à permettre aux partenaires-bailleurs, d’augmenter substantiellement leur contribution à l’effort national.
Entité dépolitisée, la banque de la Diaspora devra séduire, soutenir, promouvoir, stimuler et convaincre quant à ses avantages, à savoir
– Orienter les capitaux vers l’investissement et soutenir les projets de retour- Revaloriser l’épargne des émigrés et financer à des taux avantageux- Protéger les émigrés des futures crises et revitaliser leurs terroirs- Investir des secteurs porteurs de croissance et créer des milliers d’emplois- Attirer les capitaux épargnés à l’étranger et augmenter le taux d’épargne national – Constituer un capital privé national et réduire notre dépendance aux capitaux étrangers- Harmoniser les procédures et réguler les transferts d’argent- Sécuriser et accélérer les opérations- Lutter contre le monopole des sociétés de transfert et favoriser la concurrence », tel est leur souhait.
« La priorité est ailleurs…Nous enterrons nos compatriotes avec le cœur meurtri »
A l’instar de ses compatriotes, Mouhamadou Moustapha Diagne, le président de la Coordination des Associations sénégalaises de Brescia qui regroupe 14 associations, s’intéresse non plus à cette aide destinée à la diaspora, dont il n’ont toujours pas d’information sur le mode de partage. « On sait comment nos autorités diplomatiques vont utiliser cet argent pour s’enrichir…, juste pour vous dire que l’argent n’arrivera pas aux ayants- droit », fulmine le sieur Diagne.
Il poursuit: « On n’a même pas encore vu cet argent et ça ne nous intéresse guère. Ce que nous voulons, est que l’Etat du Sénégal soit reconnaissant envers nous et revoir sa décision de ne pas rapatrier le corps de nos compatriotes, c’est ça notre combat de tous les jours. Parce que quand je vois nos autorités s’opposer au rapatriement de nos compatriotes, je dis que c’est un manque de respect notoire envers nous.
Moi, qui suis le président de cette coordination, je me suis bien renseigné sur les risques de contagion. Pour vous dire que la manière dont nos corps sont entretenus médicalement. Notre Etat pouvait tout organiser en collaboration avec la police. Dès l’arrivée à l’aéroport, faire en sorte que la police escorte les corps jusqu’à leur dernière demeure sans qu’il y ait plus de contacts avec le défunt, veiller à ce que personne n’y touche. Nous leur demandons rien, juste une signature… Car nous nous sommes chargés de toutes les démarches. Mais ils ont préféré nous abandonner et nous enterrons nos compatriotes dans la douleur et avec le coeur meurtri », regrette-t-il.
Même son de cloche pour Aliou Bâ de Brescia qui ne fait pas confiance aux autorités diplomatiques sénégalaises. Pour lui, cet argent devrait servir à rapatrier des corps. « En tant qu’ancien président d’une association, on n’a pas attendu les autorités sénégalaises pour venir en aide à plus de deux cents ménages qui sont dans le secteur informel, touchés par cette maladie. Dire que la Diaspora n’a pas besoin de cet argent, c’est de l’égoïsme. Mais on sait qu’on ne verra pas cet argent et après qu’on veuille comptabiliser cet aide dans le compte de la Diaspora, nous disons non à ça », dit-il.