Alassane Ouattara : « Le PDCI d’aujourd’hui n’est pas le PDCI d’hier »

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Exclusif: le président ivoirien Alassane Ouattara, présent au 32e sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie, est l’invité Afrique de RFI. Pour la première fois, il revient sur la démission de Guillaume Soro à la présidence de l’Assemblée nationale ivoirienne, sur l’acquittement de Laurent Gbagbo par la CPI, ainsi que sur l’élection controversée de Félix Tshisekedi en RDC.

La démission de Guillaume Soro de la présidence de l’Assemblée nationale, est-ce la fin d’une longue amitié entre lui et vous ?

Alassane Ouattara : Ah non, pas du tout. Guillaume Soro estimait qu’il était plus d’une idéologie politique qui n’était pas celle du RHDP [Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix], puisque le RHDP, les Houphouëtistes, nous sommes un parti libéral ; libéral social, lui se considère marxiste. Donc, je comprends que de ce fait ce ne soit pas compatible avec ses convictions.

Vous êtes des compagnons de longue date, depuis les années 2000, depuis notamment la crise postélectorale de 2010-2011. Guillaume Soro a été votre premier Premier ministre après votre arrivée au pouvoir. Ce n’est quand même pas rien cette brouille aujourd’hui.

Tout à fait. J’ai beaucoup d’estime pour Guillaume Soro. C’est un jeune homme que je considère comme un de mes fils. Vous savez, j’en ai beaucoup. Au niveau de mon parti, il a été courageux. Il a fait un travail important. Et il était engagé contre l’ivoirité, c’était la chose, je pense, qui l’a amenée vers moi comme beaucoup de jeunes qui considéraient que cette politique d’ivoirité dans les années 1990 allait totalement détruite la Côte d’Ivoire. Et je pense d’ailleurs que cela a été le cas. Tous les maux de la Côte d’Ivoire peuvent être rattachés à cette politique d’ivoirité. Maintenant que ces problèmes sont derrière nous, évidemment s’il veut mener une carrière politique conformément à ses convictions politiques, nous ne sommes pas de convictions libérales sociales. Mais écoutez, il est libre de le faire.

En fait, c’est cela : vous avez souhaité qu’il entre dans le nouveau parti unifié RHDP. Il n’y est pas entré. Vous en avez tiré les conséquences ?

Non. Il est entré à la formation du parti. Mais un peu plus tard, après réflexion, il a estimé que peut-être sa place n’était pas au RHDP et qu’il préférait engager une nouvelle aventure. Il l’a dit lui-même. Donc je n’ai pas besoin de répéter ce qu’il a dit.

Et pour vous, il y a une certaine logique à ce que le président de l’Assemblée nationale soit membre du RHDP, c’est cela ?

Mais, est-ce que le président de l’Assemblée nationale française est du Parti socialiste ?

Donc, il y a une logique parlementaire ?

Mais évidemment. C’est la majorité présidentielle qui désigne son président qui doit être de la majorité. Le RHDP est largement majoritaire, pratiquement les deux tiers du Parlement. Il faut bien que le président du Parlement soit issu du RHDP.

 

Est-ce que de facto, depuis sa démission que l’on dit un petit forcée par vous-même…

Non, non. Je ne suis pas homme à forcer qui que ce soit. Nous avons eu de bons entretiens. Il m’a confirmé tout cela. Il m’a dit qu’il voulait prendre un peu de temps. Il envisage d’aller faire des études de MBA à Harvard. Et puis après, on verra, je n’exclus pas qu’il revienne à la maison d’ailleurs.

 

Est-ce que de facto Guillaume Soro, qui est un jeune homme politique, c’est un quadragénaire, il ne va pas être tenté de se présenter à la présidentielle de 2020 ?

Mais, je considère que c’est son choix, c’est sa liberté. J’ai dit que tout le monde peut être candidat. Par conséquent, la Constitution l’autorise à le faire et il n’est pas question pour moi d’empêcher la candidature de qui que ce soit, comme certains ont tenté de le faire par le passé.

 

Est-ce que de facto, il n’est pas devenu désormais pour vous un adversaire politique ?

Ah, non. Je le considère comme un jeune qui s’était attaché à ma personne, à mon combat, à mes idées, qui m’a dit qu’il est impressionné par la manière dont nous avons géré ce pays, les transformations qui sont visibles. Et par conséquent, non, c’est un jeune homme avec qui je maintiendrai les rapports que j’ai toujours eus. Je pense qu’au niveau de la presse, vous exagérez un peu. Il n’y a pas de problème relationnel. Guillaume, je suis tout de même à un niveau où on ne peut pas considérer que Guillaume puisse avoir un problème avec moi. C’est un jeune homme qui se dit très attaché à ma personne.

Un autre allié politique est parti. C’était au mois d’août 2018. Ce n’est pas n’importe qui. C’est l’ancien président Henri Konan Bédié.

Il est parti où ?

Il est parti apparemment dans l’opposition ?

J’entends parler d’une plateforme stratégique, mais on verra. Mais je ne sais pas qui est dans cette plateforme.

Il appelle justement Guillaume Soro à entrer dans cette plateforme ?

Je pense que ce n’est pas dans l’intérêt de Guillaume Soro de le faire. Et je lui ai dit.

Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

Non, pas plus. Il sait ce que j’en pense et il pense la même chose que moi.

Vous pensez que la proposition d’Henri Konan Bédié n’est pas pertinente, c’est cela ?

En tout cas elle n’est pas cohérente. Un Houphouétiste est quelqu’un qui est pour le dialogue, qui est pour la tolérance, qui fait de la politique économique libérale, sociale. Et là, une plateforme avec des partis de gauche et des partis marxistes, je ne sais pas à quoi cela correspond.

Est-ce que Henri Konan Bédié n’est pas en train d’essayer de fédérer tous les gens qui ne sont pas satisfaits de votre politique ?

Je pense que vous devriez poser cette question à monsieur Henri Konan Bédié. Moi, j’ai été élu en 2015 à 83% dans des élections transparentes et démocratiques. Donc il reste très peu de gens qui ne soient pas satisfaits de ma politique.

Henri Konan Bédié, c’est tout de même un ancien président. C’est tout de même le patron d’un parti puissant, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).

Ah bon ? (rires)

Vous ne pensez pas que les troupes soient nombreuses derrière Henri Konan Bédié ?

Le PDCI d’aujourd’hui n’est pas le PDCI d’hier.

Pensez-vous que les gens du PDCI, qui ont rejoint le RHDP, peuvent affaiblir le PDCI Bédié, c’est cela ?

Ce n’est pas mon intention, mais je constate qu’ils sont les plus nombreux : présidents de région, députés, maires, conseillers municipaux, conseillers régionaux, cadres, et j’en passe.

Donc votre pari, c’est cela. C’est que le RHDP unifié, qui a été créé il y a quelques jours, fin janvier, c’est qu’il garde l’esprit de l’alliance Ouattara-Bédié de 2005 ?

 

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