Article LO.185 Code électoral : Me SEYE confond la déclaration complémentaire avec le retrait et la substitution de candidats
L’avocat Maître Ousmane SEYE a informé l’opinion publique que le mandataire de la coalition Benno Bok Yakaar a introduit trois (3) requêtes auprès du Conseil Constitutionnel, dont une concernant l’irrecevabilité de la liste de Yewwi Askan WI dans le département de Dakar.
Il est pour le moins curieux qu’un Avocat de la trempe d’Ousmane SEYE ne sache pas lire les dispositions de l’article LO.185 du code électoral qui sont pourtant d’une clarté biblique.
Article LO.185 de la Loi n°2021‐35 du 23 juillet 2021, portant code électoral
« Entre la date de signature de l’arrêté du Ministre chargé des élections publiant les déclarations reçues et la veille du scrutin à zéro heure, en cas de décès ou d’inéligibilité de candidats, le mandataire de la liste fait, sans délai, déclaration complémentaire de candidature au Ministre chargé des élections qui la reçoit, s’il y a lieu, la diffuse par voie radiophonique et en assure la publication par affichage dans tous les bureaux de vote concernés.
Cette déclaration complémentaire ne peut concerner qu’un candidat du même sexe et doit être accompagnée des pièces prévues à l’article L.174 ».
Primo, l’article LO.185 du code électoral fixe une temporalité précise et concerne exclusivement les déclarations complémentaires intervenues entre la publication de l’arrête du ministre et la veille du scrutin à zéro heure.
Yewwi n’est pas concerné par l’article LO.185, car son mandataire a procédé en amont (avant la publication de l’arrêté ministériel du 30 mai 2022) au retrait et à la substitution de candidats.
– Secundo, cette disposition (article LO.185) qui impose une déclaration complémentaire, avec un candidat du même sexe ne porte que sur les cas de décès ou d’inéligibilité.
– Tierto, l’article LO.185 ne vise nullement les retraits de candidature ou la substitution autorisés par le code électoral de 2021, après l’abrogation de l’article 173 dudit code.
Il convient de ne pas confondre les dispositions relatives aux déclarations complémentaires liées aux décès et aux inéligibilités, de celles relatives aux retraits et substitutions. Il n’existe aucune disposition du code électoral qui précise que s’agissant d’un retrait, la substitution doit se faire par un candidat du même sexe.
Au demeurant, l’article 173 du code électoral qui interdisait les retraits de candidature et les substitutions a été abrogé, dans la version 2021 du code électoral, comme précisé par le Conseil Constitutionnel dans le Considérant n°7 de sa décision n°8/E/2022 du 21 mai 2022).
Dans sa décision n°8/E/2022 en date du 21 mai 2022, le Conseil Constitutionnel, par une démonstration juridique imparable a réuni 3 jurisprudences, dans une seule et même décision.
Jurisprudence n°1 : les règles qui établissent des limitations à la candidature doivent toujours faire l’objet d’une interprétation restrictive
Dans le Considérant n°8 de sa décision n°8/E/2022 du 21 mai 2022, le Conseil Constitutionnel consacre définitivement le principe fondamental de la liberté de candidature, réaffirmant avec force, les dispositions constitutionnelles de l’article 4 de la Charte suprême, aux termes desquels « Les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage…. …..».
Le Conseil Constitutionnel conclut de manière remarquable (cf Considérant n°9), en précisant qu’il lui appartient « d’user de son pouvoir d’interprétation pour assurer la mise en œuvre de ce droit fondamental, sans empêcher l’administration d’exercer ses prérogatives légales ».
Ce faisant, le Conseil Constitutionnel conforte sa jurisprudence issue de ses décisions n°1/E/98 et 2/E/98, relative à la recevabilité des candidatures à l’Assemblée nationale de 7 députés de la liste de « l’Union pour le renouveau démocratique » et de 3 candidats du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno Jubel ; une jurisprudence constante selon laquelle, les « règles qui établissent des limitations à la candidature doivent toujours faire l’objet d’une interprétation restrictive, et ne doivent nullement être étendues à des cas, non expressément prévues » – cf Considérant n°7 – décisions CC n°1/E/98 et 2/E/98.
Jurisprudence n°2 : Le Conseil Constitutionnel sanctionne systématiquement la défaillance de l’administration pour entrave, soit au dépôt, soit à un retrait, ou une déclaration complémentaire,
Dans le Considérant n°10 de la décision n°8/E/2022, le Conseil Constitutionnel a souligné que lorsque le mandataire de la coalition Yewwi Askan WI s’est présenté dans les locaux de la DGE (Direction Générale des Elections), devant la commission de réception des candidatures, le 11 mai 2022, pour procéder au retrait et au remplacement de deux membres démissionnaires de la coalition, comme la loi électorale de 2021 l’y autorise, l’administration n’a pas su démontrer qu’une telle opération constituait un obstacle à l’accomplissement de ses prérogatives.
En refusant au mandataire de Yewwi Askan WI de procéder au remplacement de 2 membres de sa coalition, la DGE a commis un acte illégal, outrepassé ses prérogatives, et entravé de manière délibérée une déclaration complémentaire faisant suite à 2 retraits.
Les termes du Considérant n°10 sont pertinents tant en ce qu’ils sanctionnent les faits d’entrave au remplacement de 2 candidats démissionnaires, précisant en outre qu’aucune disposition légale ou règlementaire ne l’interdit ; qu’en ce qu’ils viennent rappeler une jurisprudence bien établie.
En effet, dans sa décision n°3-E-1998, dite jurisprudence « INSA SANKHARE », le Conseil Constitutionnel a déclaré recevable la liste du Rassemblement pour le Progrès, la Justice et le socialisme, au motif que le dépôt du cautionnement lui a été refusé alors même qu’il a fait preuve de diligence en se présentant avant l’heure limite pour donner le montant du cautionnement qui est de 3 millions de francs CFA. De fait, le Conseil Constitutionnel sanctionne la défaillance de l’administration lorsqu’elle résulte d’une manœuvre tendant à entraver une liste de candidature.
Jurisprudence n°3 : La jurisprudence ALE LO de 2001 est confirmée (Décision du CC n°1/E/ 2001)
Dans sa décision n°8/E/2022 du 21 mai 2021, le Conseil Constitutionnel, reprend, de manière identique, les termes de la jurisprudence ALE LO de 2001.
Décision du Conseil Constitutionnel n°1/E/2001, du 23 mars 2001
Article 1 : La décision n°000265 du 20 mars 2001 du ministre de l’Intérieur est mal fondée.
Décision du Conseil Constitutionnel n°8/E/2022, du 21 mai 2022
Article 1 : La décision n° 006062 du 17 mai 2022, du ministre chargé des élections est mal fondée.
On observera d’ailleurs que dans sa décision n°8/E/2022 en date du 21 mai 2022, le Conseil Constitutionnel va beaucoup plus loin que la jurisprudence ALE LO de 2001, pour permettre au mandataire de régulariser sa liste. Dans le cas d’espèce, pour Yewwi, le Conseil Constitutionnel pose le principe d’une double autorisation :
– D’une part, l’autorisation est donnée au mandataire de YEWWI de retirer des candidats,
– D’autre part, le mandataire de YEWWI est autorisé à substituer d’autres candidats, aux démissionnaires (sans autre forme de précision).
En précisant que l’article 173 de la loi n°2017-12 du 18 janvier 2017 qui prévoyait de retirer des candidatures et d’effectuer des substitutions de candidature a été abrogé par la loi n°2021-35 en date du 23 juillet 2021 portant code électoral, le Conseil Constitutionnel a remis l’administration (la commission de réception) à sa place. Ceux qui, à l’instar de l’avocat Maître Ousmane SEYE, soutiennent que le mandataire de YEWWI doit obligatoirement substituer aux démissionnaires, des candidats du même sexe n’ont certainement pas lu l’article LO.185 du code électoral, auquel ils font référence.
La requête loufoque du mandataire de BENNO est vouée à l’échec. Car, on voit mal après sa décision n°8/E/2022 du 21 mai 2022, comment le Conseil Constitutionnel par un revirement spectaculaire (WAKH WAKHEET) pourrait se dédire et y donner suite.
La paresse intellectuelle est souvent mauvaise conseillère : Maitre SEYE l’aura appris à ses dépens.
*Seybani SOUGOU