Aucun pays africain n’est prêt à gagner le mondial, selon une étude de Havard

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En mars 2021, Patrice Motsepe, le président de la Confédération africaine de football avait insisté sur le fait qu’une équipe africaine devait gagner la Coupe du monde dans un futur proche. Cette sortie intervient 51 ans après une déclaration similaire du roi Pelé, légende de ce sport, et 7 ans après celle de l’ancienne star de l’équipe nigériane Jay Jay Okocha. Pour lui, une victoire africaine en Coupe du monde était imminente.

Ce 06 février, l’Afrique et les fans de football du monde entier avaient les yeux rivés sur la finale de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Point d’orgue d’une compétition ayant déchaîné les passions, le match opposant le Sénégal et l’Egypte s’est achevé sur une victoire des Lions de la Teranga. L’équipe sénégalaise, qui jouait sa 4e finale, a remporté le trophée pour la première fois, face à l’Egypte, nation la plus titrée de la compétition avec 7 CAN remportées. Ce match de cadors de la scène africaine, plus qu’une simple finale, servait également de jauge pour les observateurs du football, voulant évaluer le niveau des meilleures équipes du continent à l’approche de la Coupe du monde 2022.

En effet, comme souvent, l’Afrique espère de bonnes prestations de ses représentants. Pourtant, lors de la précédente édition de la compétition, survenue en 2018, les parcours africains étaient loin d’être les meilleurs de l’histoire du continent. Toutes les équipes du continent ont été éliminées dès la phase de poules, y compris l’Egypte et le Sénégal, protagonistes de la finale de ce 06 février. En 2010, après la qualification du Ghana pour les quarts de finale, faisant du pays le 3e représentant africain à se hisser à ce niveau, après le Cameroun en 1990 et le Sénégal en 2002, de nombreux experts prédisaient de belles performances pour le football africain au niveau mondial dans les années qui suivraient.

Ce sentiment était renforcé par le fait que le Ghana avait été Champion du monde des moins de 20 ans en 2009. L’édition suivante, en 2014, aucune équipe ne dépasse les huitièmes de finale. La situation a attiré l’attention de chercheurs de l’université américaine d’Harvard qui ont décidé de réaliser une étude sur la possibilité des nations africaines de remporter une Coupe du monde. Au final, une nation africaine est-elle proche de remporter le trophée le plus convoité de ce sport ?

Le niveau de compétitivité a augmenté mais est encore loin de celui des meilleures nations

Le premier constat apporté par l’étude est que malgré une augmentation du niveau de compétitivité des nations africaines, elles sont encore loin du niveau des nations ayant déjà remporté la Coupe du monde. Pour parvenir à ce constat, les chercheurs d’Harvard ont analysé les performances des meilleures équipes africaines entre 1970 et 1979, avant de les comparer aux performances affichées entre 2010 et 2019. Les meilleures nations africaines de football ont été identifiées sur la base des classements moyens de la FIFA au cours des 5 dernières années, et des pays ayant participé à la Coupe du monde dans les années 2010.

Cette méthode permet de classer l’Algérie, le Cameroun, l’Égypte, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Maroc, le Nigeria, le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tunisie comme les meilleures nations africaines de football, sur la base de leurs performances. En observant les deux figures, on se rend compte que l’indice de compétitivité des nations africaines a comblé une partie de son retard sur les meilleures nations du monde.

Mais, malgré ce progrès, les performances des nations africaines les placent encore dans la moyenne au plan mondial en termes d’indices de performances. En tant que participants à la Coupe du monde, les pays africains passent d’indices variant entre 25 et 45, entre 1970 et 1979, à des indices allant entre 43 et 57, entre 2010 et 2019. En tant que concurrentes pour le trophée, les indices de performances des pays africains étaient entre 23 et 56 de 1970 à 1979. Ils passent entre 39 et 62 pour la période 2010-2019. La compétitivité africaine au niveau mondial du football a donc augmenté.

Mais les meilleures nations du monde, ayant déjà remporté le trophée ou susceptibles de le gagner, ont fait davantage de progrès. L’indice de concurrence des meilleures nations de la Coupe du monde se situait entre 57 et 79 sur la période 1970, 1979. Sur la période 2010-2019, il est entre 67 et 90. Pour faire simple, en termes de concurrence pour remporter la Coupe du monde, les équipes africaines ont progressé, mais les meilleures nations du monde encore plus.

Entre 1970 et 1979, l’écart entre le plus haut niveau de compétitivité africain et le plus haut niveau mondial était de 23 unités de performance (plus haut niveau mondial 79, plus haut niveau africain 56). Entre 2010 et 2019, malgré les progrès africains, l’écart a augmenté et est désormais de 28 unités de performances (plus haut niveau mondial 90, plus haut niveau africain 62). Autrement dit, l’Afrique fait mieux que la période 1970-1979, mais a encore moins de chances de ravir le trophée aux meilleures nations du monde qu’à cette époque.

Les raisons de l’écart entre les performances africaines et celles des meilleures nations

Selon l’étude, la principale raison pour laquelle la compétitivité des équipes africaines augmente n’a rien à avoir avec le talent. Pour le prouver, les chercheurs comparent les résultats de la Tunisie et de la France. « Les observateurs de la Tunisie attribuent les performances des années 70 à une génération dorée, notamment Mokhtar Dhouib, Néjib Ghommidh, Raouf Ben Aziza et Tarak Dhiab. Ils ont fait de la Tunisie un potentiel vainqueur de la Coupe du monde. L’ascension de la France au début et au milieu des années 1980 a également été attribuée à une génération dorée comprenant des joueurs comme Tigana, Platini, Giresse et Genghini qui formaient ce que certains appelaient le carré magique », peut-on lire dans l’étude.

Pourtant, la France a remporté deux coupes du monde et la Tunisie aucune. Pour les chercheurs d’Harvard, la différence entre les deux équipes s’est faite au niveau des adversaires qu’ils ont affronté depuis leurs débuts sur la scène internationale. « L’expérience de la France, qui est sortie de la période décevante du début de l’ère industrielle, est révélatrice d’une telle stratégie. L’équipe nationale a disputé quarante matchs contre les 10 meilleures nations du monde au cours des six années qui ont suivi la création de l’équipe nationale. Elle a participé à 34 autres rencontres de ce type entre 1984 et 1989.

Cet accent mis sur la qualité de la compétition a permis à la France de faire passer son score de 43 à 73 en une décennie », explique l’étude. « Contrairement à la France, la Tunisie n’a disputé que 13 matches contre des pays de haut niveau dans les années 1970 et 1980 et n’a pas augmenté son exposition à ce type d’opposition au cours des décennies suivantes. Le taux de victoire de la Tunisie contre l’élite du football est passé de 25 % pendant la période de la génération dorée à 18 % au cours des dernières décennies, bien en deçà du taux français de 67 % ».

Pour les chercheurs de l’étude, le niveau de l’adversité rencontré par les pays africains est la principale raison de leurs échecs en Coupe du monde. « L’Égypte a participé à dix des treize dernières phases finales de la CAN en remportant 4 trophées et en terminant 2e deux fois. Pourtant, le pays a perdu les trois matchs qu’elle a disputés lors de la phase finale de la Coupe du monde au cours des 30 dernières années », peut-on lire dans l’étude.

L’espoir est permis

Selon les conclusions de l’étude, il faut que les meilleures nations africaines de football améliorent la qualité de leurs adversaires pour développer les capacités nécessaires à une victoire en Coupe du monde. En effet, pour remporter la Coupe du monde, il faut être capable de battre les meilleures sélections nationales de la planète. Les affronter plus régulièrement habituerait les équipes africaines de football à ce niveau d’adversité.

A ce propos, de meilleurs adversaires seront un peu plus accessible pour les nations africaines en 2026. La FIFA a confirmé que l’édition de la Coupe du monde qui se tient cette année-là verra pour la première fois la participation de 9 pays africains. Un plus grand nombre de places dans le tournoi augmentera légèrement la qualité de la concurrence affrontée par les pays africains participants, étant donné que seuls les trois matchs de poules sont garantis.

Les exemples de la Belgique et de la France qui sont aujourd’hui de grandes nations de football grâce au niveau de l’adversité affrontée, fondent cependant l’espoir pour les pays africains. Une nation africaine remportera le mondial, mais le moment n’est pas encore venu. « Certains observateurs pourraient interpréter les améliorations enregistrées au cours des dernières décennies pour déclarer que des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria sont sur la voie pour remporter le trophée entre 2030 et 2040.

Cependant, cet argument est peu plausible quand on observe les limites de la stratégie implicite sur laquelle les pays africains semblent s’appuyer pour améliorer leur situation : la domination des adversaires intracontinentaux et la victoire dans les tournois régionaux. Cette stratégie ne suffira pas si ces pays veulent se hisser au sommet de la hiérarchie », précise l’étude.

Plus qu’une affaire d’adversité…

Cette étude d’Harvard soulève un problème réel car le niveau d’adversité est certainement une donnée importante dans la compétitivité des équipes africaines en Coupe du monde. Toutefois, ce rapport élude plusieurs autres facteurs importants qui plombent le niveau des sélections nationales du continent. Pour commencer, les infrastructures et les formations requises pour former des footballeurs professionnels font souvent défaut. En dehors de quelques exceptions la formation d’internationaux africains passe par l’Europe et parfois les joueurs formés à l’extérieur ne reviennent pas jouer pour leurs nations d’origine.

Par ailleurs, très peu de championnats africains se tiennent régulièrement et cette situation impacte fortement la qualité des équipes nationales qui doivent par ailleurs réclamer, non sans mal, que les clubs étrangers libèrent leurs internationaux pour les compétitions. Par exemple, le Nigeria, pourtant considéré comme une des meilleures nations du continent, a du mal à organiser correctement son championnat local. Pourtant, ce championnat est essentiel pour assurer la progression des joueurs de l’équipe nationale n’évoluant pas dans des clubs étrangers.

L’argent, également nerf du football

Il ne faut pas non plus oublier les questions liées à la redistribution des droits TV des compétitions africaines, déterminante pour donner aux fédérations les moyens d’offrir aux joueurs les meilleures conditions de formation ou même d’exercice de leur activité.

Selon le cabinet Deloitte, lors de la saison 2016-2017, les ligues européennes de football ont généré 14,7 milliards d’euros. C’est 9% de plus que la saison précédente, générés essentiellement, comme ces 10 dernières années, grâce aux droits TV. Dans le même temps, en Afrique les médias et les diffuseurs ne se sont intéressés qu’aux ligues locales à partir de 2016. Ainsi, les fédérations européennes ont eu accès depuis plusieurs années à une manne financière que le continent africain découvre à peine, créant, au-delà de l’écart sur le plan sportif, un gap sur les moyens financiers disponibles pour améliorer les conditions de pratique du football et la formation.

Etonnamment, c’est un problème bien connu d’Harvard qui avait rédigé une étude sur le sujet en 2017 : « Des pays comme l’Afrique du Sud, l’Algérie et l’Égypte possèdent les plus grands clubs du continent, mais ceux-ci ont moins de pouvoirs financiers que ceux de la MLS, le championnat des États-Unis. Les autres ligues et clubs ne sont pas financièrement importants même dans des pays comme le Ghana et le Nigeria. Nous estimons que l’ensemble des clubs du continent africain génère moins de 400 millions $ de revenus, moins que les revenus de n’importe lequel des cinq premiers clubs européens », avaient déclaré les chercheurs de l’université.

L’écart financier entre les fédérations africaines et les fédérations européennes ne s’arrête pas aux compétitions de clubs. Les états financiers audités de la CAF pour l’exercice clos le 30 juin 2017 révèlent un revenu disponible de 24,2 millions $. Après déduction des dépenses et des frais financiers, le revenu global total n’est que de 892 000 USD. En revanche, la Fédération anglaise de football a réalisé un chiffre d’affaires de 376 millions de livres sterling (490 millions de dollars US) au cours de l’exercice clos le 31 juillet 2018, souligne ACCA.

Par ailleurs, l’équipe gagnante de la 31e Coupe d’Afrique des Nations 2017 au Gabon a reçu 4 millions de dollars, contre 1,5 million pour la Côte d’Ivoire, championne en 2015. Le vainqueur de la CAN qui vient de s’achever au Cameroun est censé recevoir 4,5 millions de dollars. Le vainqueur de l’Euro de football gagne environ 11,4 millions de dollars. Ces écarts ont un réel impact sur la performance des équipes. En dehors des primes versées aux joueurs, elles déterminent les budgets alloués aux fédérations pour le déplacement et le quotidien des joueurs lors des déplacements internationaux.

On ne peut négliger l’impact des moyens financiers dans l’état actuel du football africain. Parfois, les problèmes d’argent prennent le dessus sur les compétences sur le terrain. En 2019, par exemple, le Malawi a abandonné les qualifications à la CAN par manque de moyens financiers. « Après avoir considéré toutes les options […] nous avons décidé de nous retirer des qualifications pour la CAN à cause d’un manque de financements. Le triste état dans lequel se trouve l’équipe, aussi bien au niveau de ses finances que du soutien dont elle bénéficie, ont rendu cette décision inévitable », avait déclaré Alfred Gunda, le patron de la fédération malawite de football dans un communiqué. Cette réalité, bien connue en Afrique, semble avoir échappé aux chercheurs de Harvard.

Agence Ecofin

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