Audit du fichier électoral : Ce que recommande la mission pour un fichier fiable et consensuel (Rapport 2021).

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La mission d’audit du fichier électoral a fini de remettre officiellement son rapport final dans lequel elle revient sur les mécanismes d’élections au Sénégal, notamment au cours de la dernière présidentielle de 2019. Les auditeurs en ont profité pour donner quelques recommandations suivant un ordre de priorité dans lequel le Sénégal doit se conformer pour prétendre avoir un fichier fiable.

« Un cadre juridique réglementaire approprié… »

Les instruments internationaux ont été analysés et ont été jugés conformes au cadre juridique interne, en faisant ressortir des recommandations sur certaines dispositions. L’universalité du suffrage est respectée et aussi la notion de suffrage égal, qui indique que chaque citoyen possède une voix et qu’aucune voix n’est supérieure à une autre : un électeur, une voix.

Le Code électoral reconnaît le droit de vote à chaque citoyen ayant la capacité électorale qui est fixée à dix-huit (18) ans, et cela sous réserve des cas d’incapacité prévus par la législation en vigueur. C’est un droit constitutionnel accordé à chaque citoyen. Le processus électoral est assez participatif et les partis politiques, aux termes des articles L.39, L.313 et R.29, ont le droit de participer aux travaux des commissions administratives instituées au niveau de l’autorité administrative ou de la représentation diplomatique. Il en est de même pour la distribution des cartes d’électeur, leur implication est stipulée au niveau des articles L.54, L.65, L.326 et R.48 du code électoral.
De la permanence de l’exclusion sur les listes électorales pour des délits et crimes commis (article L.31 du code électoral) qui viole l’esprit de l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : ‘’Tout citoyen a le droit et la possibilité́, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables: a) De prendre part à̀ la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis; b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal, et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté́ des électeurs; c) D’accéder, dans des conditions générales d’égalité́, aux fonctions publiques de son pays’’.

De la non possibilité pour les prisonniers de s’inscrire sur les listes électorales, car les conditions ne sont pas prévues par les textes. Cela, est le fait de la non observation des principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus (annexe à la Résolution A/RES/45/11 de l’Assemblée Générale de 1990 : ‘’Sauf pour ce qui est des limitations qui sont évidemment rendues nécessaires par leur incarcération, tous les détenus doivent continuer à jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et, lorsque l’État concerné y est partie, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole facultatif qui l’accompagne, ainsi que de tous les autres droits énoncés dans d’autres pactes des Nations Unies.’’

La mission a analysé la conformité des opérations de révision des listes électorales avec les prescrits internationaux. Elle a revu les dispositions des textes nationaux dans leur conformité, complétude ou de violation d’une norme inférieure à sa norme supérieure.

La mission constate également que l’article 34 du Code pénal a des limites au regard des articles L.28 et L.29 du code électoral. L’article L.28, en plus d’être une redondance de l’article L.27 du Code électoral, détermine un cas particulier et en contradiction avec l’esprit de l’article L.27 du code électoral et l’article 34 du Code pénal (Loi n° 77 -33 du 22 février 1977), en ce qui concerne les étrangers naturalisés, qui aux termes de la Loi sont sénégalais.

Également, l’article L.30 précise ce postulat que la citoyenneté acquise par naturalisation (article 7 du code la nationalité). Le droit de vote accordé aux sénégalais établis à l’extérieur est régi par l’article L.306 1 du code électoral, en ce qui concerne leur participation aux élections présidentielle et législatives.

La mission s’est intéressée également, dans le cadre juridique à certaines dispositions légales et règlementaires, en faisant ressortir des constats, analyses et recommandations. La mission note que le cadre juridique est complet et que les dispositions réglementaires complètent et précisent le code électoral. Concernant les attributions de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA), la mission constate que cette institution ne dispose pas de moyens de faire appliquer les dispositions de l’article L.13 du code électoral. Elle suggère de l’améliorer ou de préciser les conditions de sa mise en œuvre. La mission a noté aussi que certains textes d’application ne sont pas pris, notamment celui relatif à l’organisation et au fonctionnement du fichier électoral. L’absence de communication entre les services du ministère de la justice et ceux du ministère de l’intérieur entrave fortement l’application de l’article 730 du Code de procédure pénale.

L’institution d’un mécanisme adéquat pourrait permettre aux commissions administratives de disposer d’informations relatives sur les casiers judiciaires des citoyens.
La mission a noté une méfiance des acteurs sur les organes de gestion des élections, et cela à cause de leur lien hiérarchique avec le ministère de l’intérieur.

La mission recommande d’ériger la Direction Générale aux Elections en une Délégation Générale. Ce statut lui permettra d’avoir une autonomie, un champ d’action beaucoup plus libre et large, et gagner la confiance des acteurs au processus électoral dans son ensemble. Une des faiblesses du cadre légal est aussi l’inexistence de dispositions sur le financement public des partis politiques. La mission d’audit a aussi évalué le parrainage citoyen à l’occasion de l’élection présidentielle de 2019. Elle note que cette disposition divise la classe politique, et son opérationnalisation au vu des articles L.57 et L.116 pose de réels problèmes. Par conséquent, la mission a proposé d’améliorer cette disposition à travers une recommandation ayant plusieurs variantes de choix de parrainage.

Le fichier électoral…

L’audit du fichier électoral a été réalisé sur la base de la refonte partielle du fichier électoral 2016 /2017 et de la révision exceptionnelle de 2018. Sur un effectif total de 6 683 198 électeurs valides (national et étranger), 6 318 367 sont des électeurs inscrits lors de la refonte partielle et 364 831 inscrits lors de la révision exceptionnelle. Le fichier électoral est un fichier biométrique avec capture des empreintes des 10 doigts et de la photo de l’électeur. L’examen de l’exhaustivité des informations relatives aux électeurs inscrits a établi le rattachement systématique de chaque électeur à un bureau de vote. La mission d’audit a constaté que dans l’immense majorité des champs des données sollicitées sont bien renseignés, dans le fichier électoral, et rattachée à chaque électeur. Tous les champs requis par la loi présentent une complétude totale.

L’examen de la qualité des données relatives aux données des électeurs inscrits à établi que les champs alphanumériques ne contiennent pas de caractères spéciaux à l’exception de 540 cas qui contiennent des caractères numériques. Le champ date de naissance ne contient aucun mineur. Le champ du numéro d’identification national (NIN) présente une complétude de 100%. Ce numéro est l’identifiant unique de l’électeur et il est composé de 13 ou 14 chiffres. La majorité des anomalies identifiées dans les différents champs du fichier électoral, est due à des erreurs de saisie qui se sont accumulées au cours des différentes opérations d’enrôlement. Leur proportion n’affecte en rien la qualité de l’électeur.

Parmi les pièces présentées à l’appui de l’enrôlement, la CNI numérisée a été la pièce la plus utilisée avec 86,4 % des électeurs inscrits suivi de loin par l’extrait de naissance avec 10,9 % d’électeurs inscrits. L’examen des types de demande montre que 57,8% des électeurs qui ont demandé leur reconduction sur les listes électorales sont des électeurs stables et 33,7% qui ont demandé une inscription pour la première fois sont de nouveaux entrants dans le fichier électoral. Ces deux types de demande représentent 91,5 % des inscriptions.

Cependant, les changements de lieu de vote représentent uniquement 8,5% des demandes d’enrôlement. Un effectif de 214 199 électeurs, soit 3,2%, du fichier total des électeurs subsiste sans empreintes digitales ou avec des empreintes non exploitables. En plus du test sur les empreintes par le système AFIS, la DAF a procédé à un contrôle sur les Numéros d’Identification National (NIN) pour s’assurer de l’unicité de l’électeur. La mission d’audit a tout de même procédé à l’analyse, dans le fichier électoral, des cas où les électeurs ont les mêmes informations démographiques, en procédant à une requête alphanumérique sur 8 critères (nom, prénoms, sexe date et lieu de naissance et filiation) sur les données du fichier des électeurs valides. Aucun électeur avec des informations démographiques identiques ne subsiste dans le fichier électoral.

Les inscriptions sur les listes électorales…

La mission d’audit a constaté qu’au niveau des commissions administratives, la vérification de la complétude, de la conformité et de l’authenticité d’un extrait de naissance, document de base pour l’identification du demandeur, repose sur les membres de la commission administrative (président, suppléant, représentant de la CEDA, etc.).

Le transfert de compétences pour l’instruction d’une demande de CNI biométrique CEDEAO par un personnel peu expérimenté, et non assermenté fragilise la procédure d’établissement d’une carte d’identité. La procédure d’enregistrement sur les listes électorales avec un récépissé de demande d’une CNI biométrique délivré par un centre d’instruction des CNI a été admise au niveau des commissions administratives. Cet état de fait a obligé la DAF à improviser une procédure pour traiter les cas d’inscription avec un récépissé notamment quand la demande initiale a été rejetée ou a été validée et la carte produite mais pas encore distribuée.

La mission d’audit a constaté également, un autre transfert de compétences à la commission administrative pour délivrer des déclarations de perte (décret 2018-476 du 20/02/2018 art.4) qui est, normalement, du ressort des commissariats ou des brigades de gendarmerie. L’opération de numérisation des documents présentés à l’appui de l’enrôlement a été interrompue quelques jours après le début des inscriptions. Cette décision a été prise pour réduire le temps d’enrôlement et permettre l’inscription d’un plus grand nombre d’électeurs. Les documents numérisés font partie des données numériques du demandeur et ils pourraient faciliter toute vérification ultérieure, si besoin, sans avoir recours aux archives papiers.

Suite aux difficultés des liaisons télécom entre les CA et le site central, la DAF a opté pour un acheminement des machines par route. Cette option expose la DAF à d’éventuels risques de perte, de vol ou d’endommagement des machines et, par conséquent, la perte des données des électeurs. Aucune procédure de backup sur un support amovible n’a été prévue pour pallier à une perte de données des électeurs. Par ailleurs, les données stockées dans les machines ne sont pas cryptées ce qui faciliterait l’accès aux données dans un éventuel cas de perte ou de vol d’une machine.

La mission d’audit a constaté que le transfert de compétences aux commissions administratives de certaines tâches a fragilisé le processus d’établissement des CNI notamment pour la phase de contrôle des pièces utilisées à l’appui de l’enrôlement et la phase de distribution des cartes. Le processus d’établissement d’une CNI CEDEAO à partir d’une demande au niveau d’un centre d’instruction des CNI jusqu’au retrait de la carte au niveau du même centre, suit des procédures rigoureuses de contrôle et de validation. Du moment que les données électorales sont rattachées au fichier des cartes d’identité et que tout changement des données électorales est actualisé dans ce dernier, la mission d’audit estime que la dématérialisation de la partie électorale de la carte pourrait être envisagée. Ce qui revient à ne pas imprimer sur la carte d’identité des informations électorales qui peuvent changer lors des révisions.

L’innovation avec les cartes biométriques…

Les gabarits générés à partir des images des empreintes sont propres à chaque système AFIS. Il n’y a pas d’interopérabilité entre les algorithmes AFIS. Pour cela, il est recommandé de conserver l’image originale de l’empreinte capturée à l’enrôlement pour avoir la possibilité de changer, dans le futur, de système AFIS, si nécessaire, sans avoir à refaire l’opération de capture des empreintes. Les images originales des empreintes digitales représentent un capital précieux qu’il est nécessaire de rappeler l’intérêt de les sauvegardées et de les sécurisées pour garantir l’indépendance de la DAF vis à vis des vendeurs de solutions AFIS.

La licence, en cours à la DAF, de l’algorithme AFIS peut traiter jusqu’à 10 millions d’enregistrements de cartes d’identité. Actuellement, il y a environ 8,5 millions d’enregistrements dans la base de données. La DAF devrait penser à acquérir une nouvelle licence pour faire face à la demande croissante des demandes de cartes d’identité biométriques.

Le passage au palier suivant (20 millions d’enregistrement), nécessite l’acquisition d’une nouvelle licence et, également, l’acquisition de nouveaux serveurs avec plus de mémoire RAM et des processeurs plus rapides. La mission d’audit a établi dans son analyse technique du fichier électoral qu’un effectif de 214 199 électeurs, soit 3,2%, du fichier total des électeurs subsiste sans empreintes digitales ou avec des empreintes non exploitables. Par ailleurs, il a été établi que tous les électeurs disposent d’une autre donnée biométrique ; la photo. Cette dernière répond au standard de la normes ICAO 2 La mission d’audit recommande de rajouter un module de reconnaissance faciale pour pouvoir associer la reconnaissance faciale à l’identification des empreintes digitales

Conception des listes électorales…

Au vu de l’opérationnalisation des solutions biométriques électorales déployées au Sénégal, la mission a noté que le fichier examiné garantit l’unicité de l’électeur. Cependant, le problème récurrent auquel les organes de gestion des élections (OGE) sont souvent confrontés dans la gestion des listes électorales réside dans la mise en œuvre de de leurs révisions. L’absence d’état civil ne facilite pas la mise à jour des listes électorales à cause du non tenu des registres de décès.

Aussi, les périodes de révision et de publication des listes provisoires (à afficher dans les commissions administratives) doivent également être soutenues par une campagne de communication à l’endroit des citoyens en âge de voter. Ainsi, la mise en place des listes électorales intégrant les photos en plus des informations d’états civils des électeurs sur les listes d’émargements facilitera leur identification le jour du vote. Enfin, la mission à noter que toutes les opérations de révision, de traitement et production des listes électorales se font sous le contrôle de la commission électorale nationale autonome (CENA).

Analyse des populations électorales…

Le fichier électoral est représentatif de la population sénégalaise dans sa répartition géographique. Le poids démographique des différentes entités territoriales et la composition femmes/hommes y sont respectés. En revanche, il en est moins de l’inclusivité des différentes catégories d’âges. Le fichier est également représentatif au niveau des communes, à l’exception de quelques-unes dans lesquelles, il y eu de suspicion sur la délivrance de certificat de résidence.

Cependant, les commissions administratives n’ont pas la capacité de vérifier les pièces qui leur sont soumises. Ces dites pièces, notamment les certificats de résidence sont délivrés par les autorités municipales, qui aux termes de la loi, leur confère cette attribution. En conséquence, ces pièces sont supposées être authentiques pour la commission administrative. Aussi l’ampleur du phénomène n’a pu être déterminée. Au-delà de l’analyse des données du fichier, la mission s’est intéressée à la sociologie électorale de chaque commune. Cela a permis de comprendre que la pratique consistant à vouloir voter dans son milieu d’origine n’est aucunement un fait nouveau.

Les déplacements constatés s’expliquent par un attachement à leur commune d’origine lors des grands évènements tels que la Tabaski, élection, etc. Les proportions de natifs inscrits par commune attestent de cet attachement et l’élection étant considérée comme un grand évènement de la vie sociale et politique.Les nouveaux majeurs n’ont pas saisi l’occasion qui leur est offerte lors de la révision exceptionnelle de 2018 de s’inscrire sur les listes électorales. Moins d’un nouveau majeur sur dix (9,3%) de18-20 ans disposerait d’une carte d’électeur. En général, le taux d’inscription des jeunes est faible. Seule la moitié (53,8%) des jeunes âgés de 18-25 peuvent exercer leur droit de vote.

Adéquation technologique…

Dans le cadre de l’adéquation technologique, une analyse des infrastructures informatiques et des télécommunications a montré des pistes d’améliorations très significatives. Le Sénégal, premier pays en Afrique de l’ouest à introduire la carte d’identité biométrique de la CEDEAO en la couplant avec une carte d’électeur pour faciliter l’identification des électeurs par l’introduction des données électorales.

Aussi, la mission à noter que le couplage des cartes d’identité biométrique et cartes d’électeur pose un problème d’éditions répétitives à chaque changement d’adresse électorale ou de statut d’un électeur.Cela s’explique par une production de 579 706 cartes d’identité sans données électorales, et 400 548 cartes avec données électorales sur la période du 25 février 2019 au 25 février 2021, ces cartes peuvent encore être réimprimer lors des révisions ordinaire et/ou exceptionnelles.

Une évaluation des besoins actuels en infrastructures et réseau et télécommunications prendra en compte le redimensionnement de la solution en vue de s’adapter à l’évolution des technologies actuelles. Elle intégrera entre autres, les questions de licences d’AFIS, d’harmonisation des bases de données SN-ID et Électeur et de formation du personnel pour un transfert de compétence réussi…

Infosrewmi avec Dakaractu

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