Avion « espion » à Ziguinchor : Ce que révèle le rapport d’enquête

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La montagne a accouché d’une souris. Les accusations de survol sans autorisation de l’espace aérien sénégalais portées contre l’aéronef de la société marocaine de topographie, Etafat, se sont écroulées comme un château de cartes. Les enquêtes judiciaires et techniques ont tout balayé d’un revers de main.

Pompeusement exhibée comme un trophée de guerre, la bulle médiatique autour du fameux ‘’avion espion’’ marocain s’est vite dégonflée comme un ballon de baudruche. Alerté par l’Anacim qui avait déjà dépêché deux enquêteurs sur place, le ministère du Tourisme et des transports aériens est allé trop vite en besogne. Pensant tenir l’affaire du siècle, Alioune Sarr et ses équipes se sont fourvoyés dans une communication calamiteuse sur les réseaux sociaux alors que l’enquête qui venait à peine d’être entamée n’avait même pas livré de secrets.

« SURVOL ILLÉGAL D’UN AÉRONEF : LE MTTA IMMOBILISE L’AVION ET OUVRE UNE ENQUÊTE. Le Ministère du tourisme et des transports aériens a constaté le survol de l’espace aérien national, avec prise de vue dans la région de Ziguinchor et notamment dans les zones de sécurité. Ledit aéronef ne disposait d’aucune autorisation comme il sied en la circonstance, pour opérer des survols de sites et d’installation dans des conditions définies par nos lois et règlements.

M. Alioune Sarr, Ministre du Tourisme et des Transports Aériens a, par conséquent, pris les mesures conservatoires en immobilisant l’avion incriminé et a ouvert une enquête pour déterminer les responsabilités liées à cet événement très grave dans un pays souverain », écrit, dans une précipitation, le ministère sur Facebook, le 1er avril 2021.

L’avion détenait toutes les autorisations nécessaires

Résultats ! Les rapports d’enquête, que Seneweb a parcourus, balaient d’un revers de main la thèse de l’espionnage. Mieux, ils prouvent que contrairement à ce qui a été avancé, l’aéronef de type CESSNA-T3 immatriculé CN-FLY opéré par l’entreprise marocaine ETAFAT spécialisé dans le domaine de la Data Géo Spatial et la topographie, était bel et bien en règle car détenant toutes les autorisations requises.

En effet, l’appareil était loin d’être un ovni. Les enquêteurs de l’Anacim, Mouhamed Mansour Sy (Inspecteur principal OPS) et Abibou Mbaye (inspecteur Titulaire ANS) ainsi que ceux de la Brigade de Recherche de la gendarmerie de Ziguinchor, ont établi dans leurs différents rapports que l’aéronef concerné effectuait des travaux de prises de vues aériennes pour le compte de l’Etat Bissau Guinéen dans le cadre d’un projet hydraulique entre le barrage de Salthino et le long de la rivière Rio-Curubal dans la région de Batafa.

Et, avant même de quitter la ville de Dahla au Maroc le 27 mars dernier pour rallier Dakar avant d’installer leur base à Ziguinchor (pour le ravitaillement en carburant et repos de l’équipage), le commandant Driss El Yazami et les membres de son équipage (Zakaria Ben Addou Idrissi et Tariq Aoussar) avaient déjà reçu l’autorisation de l’aviation civile Bissau Guinéenne sous le numéro SA011 /AACGB/DTA/DRCEO/2021 et celle de l’Anacim sous le numéro 751/2021/ANACIM/DG/DTA/KB en date du 26 mars 2021.

A signaler que, conformément aux lois en vigueur, pour les autorisations qui concernent des travaux aériens, l’Anacim n’a pas besoin de l’avis préalable du ministère du Tourisme et des transports aériens encore moins celui du ministère des Forces armées. En plus, pour assurer l’avitaillement en carburant, indique le rapport de l’Anacim, l’équipage avait fait parvenir à partir de l’aéroport de Diass un véhicule contenant 7 fûts de 200 litres l’unité acquis au niveau de Total AIBD et la facture a été jointe au rapport.

D’ailleurs, indique le même rapport, « c’est le commandant de l’aéroport de Ziguinchor qui a pris toutes les dispositions pour le stockage du carburant » et les opérations d’avitaillement ont été supervisées par un représentant de la société d’assistance, SHS. Preuve que tout s’est passé en totale transparence.

La supposée zone militaire ‘’survolée’’ n’a jamais été déclarée comme zone à statut particulier

Durant les heures d’enquêtes, plus les inspecteurs creusent plus les accusations s’écroulent une par une. Comme celle relative à l’absence d’autorisation, l’accusation de survol supposé d’une zone militaire, a, elle aussi, fait pschitt. Puisque les pilotes ont déclaré avoir rigoureusement suivi les instructions de la tour de contrôle de Ziguinchor qui, joint par les enquêteurs de l’Anacim et de la Gendarmerie, a confirmé leurs déclarations.

Par conséquent, les pilotes d’Etafat affirment n’avoir pas connaissance du survol d’une zone à caractère militaire du fait qu’aucune information concernant cette zone n’a été publiée, conformément aux procédures applicables dans le domaine de l’aéronautique. Après vérification, les enquêteurs se sont rendu compte que « la zone en question dans cette affaire n’est effectivement pas déclarée comme zone à statut particulier, conformément à la procédure de l’aviation civile établie en la matière ».

En effet, lorsqu’elles sont établies, ces zones doivent nécessairement être portées officiellement à l’attention de l’autorité de l’aviation civile qui les enregistre et publie les caractéristiques de ces zones dans les revues d’informations aéronautique de l’Asecna. Ce qui n’a jamais été le cas pour la zone en question.

Aucune photo prise sur le territoire sénégalais

Dans son rapport, la brigade de Recherche de Ziguinchor qui a procédé, avec les enquêteurs de l’Anacim, à la vérification des 752 photos (434 Go) prises par l’équipe d’Etafat, indique qu’aucune prise de vue n’est effectuée sur le territoire sénégalais. L’intégralité de ces photos a été prise sur le territoire Bissau Guinéen dans la région de Bafata.

Toutes les photos ont été copiées dans un disque dur qui a été joint au rapport dans le cadre de l’enquête et remis aux autorités.

La société Etafat a réalisé le tracé du Ter et les travaux du programme Promovilles

Créée en 1983, la société marocaine propriétaire de l’aéronef, Etafat est spécialisée dans la topographie et propose des solutions géomatiques dans le domaine du foncier. Et le Sénégal est un de ses clients. C’est dire que les appareils d’Etafat notamment celui en question ne sont pas inconnus au Sénégal. La société marocaine a été cooptée par le Sénégal pour réaliser en 2017 la cartographie géospatiale du tracé du train express régional (Ter) d’après une source proche de l’enquête.

Mieux encore, selon le rapport d’enquête, Etafat a récemment effectué des prestations pour le compte de l’agence nationale de l’aménagement du territoire (Anat) du Sénégal du 20 février au 1er mars 2021 dans le cadre du programme Promovilles. Les localités de Diourbel, Keur Massar, Matam, Tambacounda, Kolda et Ziguinchor ont été survolées dans le cadre de la réalisation de la cartographie dudit programme.

Son contrat avec le Sénégal est d’ailleurs toujours en cours puisque l’aéronef qui a finalement été autorisé à quitter le territoire sénégalais à la suite de l’enquête qui a accouché d’une souris, reviendra au mois de décembre pour des prestations similaires, cette fois-ci pour le compte de l’Etat du Sénégal.

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