Ce que le coronavirus nous apprend de la mondialisation ( Par Mamadou Yéro BALDE )

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Le COVID -19, au-delà de ce qu’il nous apprend, en terme de virulence de l’infection, nous renseigne aussi sur les enjeux économiques et géopolitiques des épidémies/pandémies, dans un monde globalisé. En fait, les pathologies nous informent sur le caractère « réticulaire » de l’espace-monde ( Vilaça 2007).Ce n’est plus un secret de polichinelle. Quand la Chine éternue, le monde est grippé. Quand elle savoure ses exploits, le monde s’épanouit.  » Laissez donc la Chine dormir, car lorsque la Chine s’éveillera, le monde entier tremblera ». Cette phrase prophétique attribuée à Napoléon Ier – qui l’aurait prononcée en 1816 à Sainte- Hélène, après avoir lu « La relation de voyage en Chine et en Tartarie », rédigée par Lord Macartney, alors ambassadeur du roi d’Angleterre dans l’Empire du Milieu – pourrait s’appliquer à l’ampleur du  » virus de Wuhan ». .

Parti de Wuhan, capitale de la province du Hubei, en Chine centrale, en décembre 2019, le virus a atteint, avec une vitesse éclaire – sans distinction de genre, de sexe, de pays et de fonction – le monde entier. Plus de 124.000 cas de contamination dans le monde, à la date du 11 mars 2020. De New-York à Séoul, de Copenhague au Cap, la psychose est manifeste, renforçant dans certains endroits la peur de l’autre, sapant les principes de base de l’universalisme.

Une pandémie « (dé)mondialisante »?

L’histoire du monde est liée à celle des épidémies. Athènes et la peste en 430 av. J-C, Rome et la peste de Justinien en 589-590, Marseille et la peste en 1720, Londres et le choléra au XIXe siècle, Paris et la Tuberculose au même siècle (Vilaça 2007), Ebola et l’ouest africain au siècle suivant. L’histoire des pathologies est aussi liée à celle des transports. Or, les XXe et XXIe siècles sont ceux des révolutions logistiques inédites. Ces innovations contribuent certes à rapprocher les humains, à changer leur mode de vie, mais elles sont aussi vectrices de désolations, en tant qu’autoroutes susceptibles de mener dès fois directement vers les morgues.

Sous l’angle de l’interconnexion, le COVID-19 confirme que nous sommes dans un processus de mondialisation indéniable, irréversible et imposant, nous obligeant à réajuster nos postures au gré des circonstances et de l’évolution de la scène économique et géopolitique mondiale. Il n’y aurait donc pas d’épidémies sans échanges. Elles sont consubstantielles à la mondialisation, ce phénomène de mise en relation des différentes parties de la planète. Si ce virus a atteint des proportions démesurées, au point de devenir une pandémie, c’est parce que l’espace-monde est un corridor ouvert où toute tentative de musellement ou de confinement de personnes et de multinationales dans un espace géographique se traduirait par un basculement vers le bas de l’économie mondiale, aux conséquences facheuses pour les bourses et pour les pays, dans leur ensemble, quel que soit leur niveau de développement.

À l’allure « mondialisante » des épidémies s’ajoute, toutefois, celle « démondialisante », avec son lot de calculs géopolitiques et économiques. La décision du président américain de suspendre les vols européens en direction des USA, au-delà des raisons médicales qui peuvent être avancées, s’inscrit, à notre avis, dans une perspective commerciale et économique. Une telle décision qui remet en cause les principes basiques de la mondialisation – la mobilité – cherche à asphyxier économiquement l’Europe, dans une guerre commerciale que Trump, pour rester fidèle à son protectionnisme, a engagé dès le début de son magistère. En période de crises, les stratégies commerciales étatiques sont légions et s’inscrivent dans l’ordre normal de la vie des États qui n’ont pas d’amis, mais que des intérêts.

Leçon partielle.

Pour terminer, paraphrasons Olivier Vilaça (2007) en affirmant avec lui que:

– Il n’y a pas épidémies sans interactions sociales.
– Il n’y a pas épidémies mondiales sans interactions sociales à l’echelle mondiale.
– Les épidémies se diffusent grâce à la coprésence et la mobilité.
– Les épidémies se diffusent selon une logique principalement topographique.
– La diffusion des épidémies mondiales est principalement topologique.
– Les épidémies sont un enjeu de société de dimension mondiale.
– Les épidémies (dé)construisent des solidarités.

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