Cristina Calderon était la dernière locutrice de la langue non-écrite du peuple Yagan, habitant les régions glacées de l’extrême sud du Chili. L’Unesco avait choisi en 2009 de l’ajouter à la liste des « trésors humains vivants ». Sa disparition, à l’âge de 93 ans, a suscité de nombreuses réactions au Chili et à l’étranger. L’annonce du décès a été faite, mercredi 16 février, par un de ses neuf enfants sur Twitter : « Ma mère, Cristina Calderon, est décédée. Je suis profondément attristée de ne pas avoir été avec elle au moment de son départ. C’est une triste nouvelle pour les Yagans« , a écrit sa fille, Lidia Gonzalez Calderon, vice-présidente adjointe de l’Assemblée chargée de la rédaction d’une nouvelle Constitution pour le Chili.
[DECLARACIÓN PÚBLICA]
Sobre el fallecimiento de mi madre, Cristina CalderónHoy, jueves 16 de febrero de 2022, falleció mi madre, depositaria de nuestras tradiciones, última hablante activa del Yagán. Con ella se va parte importante de la memoria cultural de nuestro pueblo
[+] pic.twitter.com/P3SXHhavZM
— Lidia González Calderón (@lidiayagan) February 16, 2022
« Tout le travail que j’accomplis actuellement [au sein de l’Assemblée constituante, NDLR], je le fais en son nom », a-t-elle ajouté.
Les Yagans sont considérés comme les habitants les plus australs du globe après avoir peuplé, il y a plus de 6 000 ans, le cap Horn et la Grande île de la Terre de feu, à la pointe sud du continent américain. Ce peuple de navigateurs aguerris a longtemps été nomade.
Leur population atteignait 3 500 personnes avant l’arrivée des Européens dans cette zone, au XIXe siècle. Elle a ensuite chuté brutalement en quelques décennies, notamment à cause des maladies véhiculées par les colons.
Celle que ses proches appelaient « grand-mère Cristina » était devenue un symbole de la résistance culturelle des peuples indigènes du Chili.
« Je suis la dernière oratrice yagan. D’autres comprennent encore, mais ils ne parlent pas et ne savent pas comme moi », avait déclaré Cristina Calderon en 2017 à un groupe de journalistes qui lui rendaient visite dans le village d’Ukika.
C’est là que vivent la plupart des quelque 100 descendants des Yagans qui survivent encore, à un kilomètre de Puerto Williams, la ville la plus au sud de la planète, au sud d’Ushuaïa (Argentine).
« Une perte irréparable »
Le président élu du Chili, Gabriel Boric, originaire de Punta Arenas, dans le sud du Chili, a dit sur Twitter déplorer la mort de Cristina Calderon, mais a souligné que « son amour, ses enseignements et ses luttes depuis le sud du monde, là où tout commence, vivront à jamais ».
Hoy a los 93 años ha fallecido Cristina Calderón del pueblo Yagán. Pero su cariño, enseñanzas y luchas desde el sur del mundo, donde todo comienza, seguirán vivos por siempre. Un abrazo gigante a toda su familia y Villa Ukika. No están sol@s.
— Gabriel Boric Font (@gabrielboric) February 16, 2022
Après la mort de sa sœur Ursula, Cristina Calderon avait été reconnue en 2009 par l’Unesco comme un « trésor humain vivant », notamment pour son rôle de diffusion de la langue et des traditions de son peuple.
Jusqu’aux dernières années de sa vie, elle s’est consacrée à l’artisanat et a réussi à transmettre à l’une de ses petites-filles et à une nièce une partie de son savoir sur cette langue non-écrite et mélodique en voie d’extinction.
« D’autres générations connaissent également la langue yagan mais pas au niveau de Cristina, il y aura donc une perte irréparable », avait averti il y a cinq ans l’anthropologue Maurice van de Maele.
Avec AFP