La justification de la loi
Les récentes découvertes de gaz et de pétrole aux larges du Sénégal suscitent beaucoup d’espoir auprès des populations et des entreprises nationales. Mais également beaucoup de questionnements quant aux retombées de cette nouvelle industrie. C’est ce qui explique la mise en place d’un nombre de dispositifs pour permettre au secteur privé et à la main-d’œuvre locale « de tirer le maximum de profit de l’exploitation du pétrole et du gaz ». C’est ainsi que, rappelle Gnagna Lam du Cos Petrogaz, intervenant lors de l’atelier de concertation sur la mise en œuvre de la loi sur le contenu local dans le secteur des hydrocarbures. « Nous avons eu depuis 2014 et 2015 des découvertes significatives en pétrole et gaz qui ont été accompagnées en 2016 par une révision de la Constitution pour rendre l’appartenance de ces ressources au peuple sénégalais. Cela a été également accompagné par une amélioration de notre cadre législatif par l’adoption d’une loi portant révision du Code pétrolier pour que l’exploitation des ressources pétrolières et gazières profite davantage au peuple sénégalais. Mais également qu’elle se fasse dans le respect des normes de l’industrie pétrolière et gazière. »
C’est dans ce sens, indique-t-elle, « qu’il faut noter l’adoption de la loi sur le contenu local en perspective de la production pétrolière et gazière, qui est attendu dès 2022. Il faut noter qu’avec tous ces éléments de contexte, l’Etat a besoin d’un cadre juridique institutionnel qui doit pouvoir favoriser non seulement l’utilisation de la main-d’œuvre locale mais également la participation des entreprises sénégalaises aux différentes activités de l’industrie pétrolière et gazière tout en permettant un développement de la technologie et du savoir-faire sénégalais. » Ladite loi sur le contenu local a été adopté par l’Assemblée nationale en sa séance du 24 janvier 2019.
Les ambitions du contenu sénégalais
Gnagna Lam de poursuivre : « Nous avons d’abord défini les différents acteurs de cette chaîne de l’industrie pétrolière et gazière qui seront concernés par ce contenu local. Ce sont les activités qui vont de l’exploration en passant par la production, la transformation, le transport mais également la distribution de l’ensemble des produits pétroliers et gaziers. Le contenu local sénégalais s’appuie sur une idée essentielle, nous avons, d’une part, la main-d’œuvre sénégalaise, et d’autres part, les entreprises sénégalaises. » Au titre de la main-d’œuvre, « la loi vise la création d’emplois mais également le renforcement de capacités de cette main-d’œuvre sénégalaise pour qu’elle puisse développer des compétences, qui seront utilisées par les entreprises sénégalaises. (Qui) pourront avoir une meilleure promotion mais également améliorer leur compétitivité aussi bien nationale et régionale. Il est également attendu de cette loi sur le contenu, la promotion de tous les services locaux que ce soit des prestations intellectuelles, des services financiers ou d’autres services qui seront nécessaires pour l’exploitation des ressources pétrolières et gazières. Enfin, les entreprises sénégalaises vont bénéficier d’un transfert de technologies et de savoir-faire qu’elles vont partager. »
« Ce que nous retenons dans cette loi, c’est qu’elle va permettre aux Sénégalais non seulement de participer mais également de tirer profit de l’exploitation des ressources. Et (celles-ci) seront classées en différentes activités pour permettre aux Sénégalais de pouvoir s’y investir. Les activités dans l’industrie pétrolière et gazière sont classées en trois (3) régimes : Exclusif (qui renvoie à des activités réservées de manière exclusive aux sociétés sénégalaises mais dans le respect des standards et normes de l’industrie pétrolière et gazière pour avoir la meilleure qualité). Un régime mixte, renvoyant à des activités qui sont menées en association avec une entreprise sénégalaise et une autre étrangère afin d’avoir un transfert de compétences des deux (2) entreprises. Un régime à faible potentiel de contenu local où les sociétés sénégalaises ne pourraient pas trop intervenir. »
Les dispositions prévues par la loi
La loi a prévu « des obligations qui s’appliquent à toutes les sociétés, d’abord d’attribuer des emplois à la main-d’œuvre sénégalaise mais aussi de faire la promotion des jeunes talents, de permettre le remplacement progressif des employés expatriés et étrangers par des employés nationaux qui auront bénéficié d’un renforcement de capacités à travers les différents Instituts qui existent dont l’INPG mais également d’autres modules de formation qui seront développés en partenariat avec les établissements. Les entreprises sont également tenues de respecter le principe de préférence nationale en accordant la priorité aux sous-traitants locaux en créant une société de droit sénégalais mais également en ouvrant le capital de cette société de droit sénégalais aux investisseurs sénégalais dont les modalités de participation seront fixées ultérieurement dans les décrets. » La dernière obligation concerne « l’élaboration d’un plan de contenu local ». Lequel, qui se fera annuellement, devra « dresser aussi bien le bilan sur 12 mois mais également les perspectives à venir notamment les différentes activités de l’entreprise mais également les biens et services dont elle a besoin. »
L’opérationnalisation de la loi
Pour sa mise en œuvre, le contenu local doit être soumis à un organe qui est le Comité national de suivi du contenu local. Une fois que toutes les entreprises auront élaboré leur plan, elles le soumettent à cet organe qui a pour mission de coordonner l’élaboration de la stratégie du gouvernement en matière de contenu local mais également de s’assurer de sa meilleure application. Pour accompagner les sociétés sénégalaises, il est prévu un fond d’appui au développement du contenu local. Ce fond va « permettre la mise à niveau et l’accompagnement des sociétés sénégalaises pour qu’elles puissent participer aux activités pétrolières et gazières ». Des sanctions sont prévues « en cas de non respect des obligations, et elles vont de la résiliation du contrat au paiement d’une amende tel que c’est prévu dans le Code pétrolier. »
Autre sanction prévue, « la non récupération du coût des activités concernées et qui n’auront pas respecté les obligations contenu local. Le contrevenant risque également une exclusion de la plateforme électronique des fournisseurs et des prestataires de services. »
Enfin, un comité interministériel, qui va regrouper l’ensemble des départements ministériels impliqués, sera prochainement mis en place. Le fruit de ces consultations interministérielles en plus des concertations sectorielles qui seront organisées avec les opérateurs pétroliers et gaziers, les universitaires, les entreprises locales mais également tous les membres de la société civile, vont permettre d’alimenter les décrets d’application.