C’est connu. Le Conseil constitutionnel a validé, ce vendredi, la candidature de Khalifa Ababacar Sall à la présidentielle du 24 février prochain. Mais, tout va se jouer pour le candidat, ce 3 janvier, date du délibéré de la chambre criminelle de la Cour suprême dans l’affaire de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar. Et si, le président Amadou Baal suit le réquisitoire du procureur général, l’espoir des soutiens du leader de la coalition Taxawu Senegaal risque de s’écrouler comme un château de cartes à la veille de l’entrée dans la période préélectorale.
En effet, lors de ce procès en cassation qui s’est déroulé, le 20 décembre dernier, l’avocat général a requis le rejet des pourvois des avocats de la défense. «Nous avons estimé que tous les moyens qui sous-tendent leurs requêtes sont mal fondées», a-t-il fait savoir.
Le dernier mot revient à la Cour suprême qui peut casser le verdict de la Cour d’appel ou rejeter les requêtes de Khalifa Sall et Cie.
Le second cas est synonyme d’une condamnation définitive de l’ancien maire de Dakar. A noter cependant qu’il restera au maire de Dakar la possibilité d’introduire un rabat d’arrêt avec ses pourvois pendants devant la justice. Sinon, il pourra bénéficier d’un nouveau procès devant la Cour d’appel. Mais, cette fois-ci, ce sera avec une toute nouvelle composition.
L’Etat du Sénégal : «Aucune loi n’a été violée»
Condamnés en première instance, certains prévenus ont encore perdu devant la Cour d’appel de Dakar. Le juge Demba Kandji a confirmé la décision rendue par le juge Malick Lamotte. Khalifa Ababacar Sall est ainsi condamné à 5 ans de prison pour faux et usage de faux en écritures de commerce, de faux et usage de faux dans des documents administratifs et d’escroquerie portant sur des deniers publics. La même peine est prononcée à l’encontre de Fatou Traoré, Yaya Bodian et Mbaye Touré pour complicité d’escroquerie portant sur des deniers publics. Amadou Mactar Diop et Ibrahima Yatma Diaw ont pris 2 ans de ferme pour faux dans des documents administratifs. L’ancien et l’actuel percepteur, respectivement Mamadou Oumar Bocoum et Ibrahima Touré, ont été relaxés comme devant le tribunal correctionnel de Dakar.
Placés sous mandat de dépôt le 7 mars 2017, Khalifa Sall et les autres condamnés se sont pourvus en cassation pour réclamer justice.
Cependant, pour les avocats de l’Etat du Sénégal, «aucune loi n’a été violée». Me Baboucar Cissé de dérouler face à Amadou Baal : «L’autre partie soutient qu’on veut prendre Khalifa Sall en otage pour l’empêcher d’être candidat. Ce discours n’a pas sa place au prétoire. Vous jugez sur des droits et non des faits. En droit, tout est inopérant.»
Son confrère Me Moussa Félix Sow d’avertir que la Cour suprême ne peut ordonner des mesures pour affaiblir la décision d’un juge (Demba Kandji). De plus, il a indiqué que la Cour d’appel a pris le soin de faire tout un développement là-dessus. Il s’en est rapporté aux écrits en demandant de dire que «le pourvoi est infondé». Pour Me Yérim Thiam, la défense cherche à tromper. «Car, ils ont fait un faux pour les factures», a-t-il balancé.
La défense : «Il y a 6 autres pourvois qui arrivent»
Les conseils de Khalifa Sall et Cie, eux, ont plaidé l’infirmation de l’arrêt. «Nous sommes à la recherche d’un juge qui connaît le droit et qui dit le droit. Nous l’avons trouvé, ce 20 décembre, a clamé Me Amadou Aly Kane. L’assistance de l’avocat dès les premières heures de l’interpellation du mis en cause a été violée. La Cour d’appel a fini par reconnaître que le règlement 5 de l’Uemoa n’a pas été respecté. Du coup, elle a annulé le procès-verbal d’enquête de police. Mais elle s’est limitée là-bas. Alors que toutes les procédures subséquentes à savoir devaient être annulées.»
Me Kane ajoute : «Les juges d’appel ont violé un certain nombre de dispositions surtout sur l’unicité de la Caisse de l’Etat et sur l’organisation de la comptabilité publique. Donc, il faut infirmer l’arrêt rendu le 30 août dernier et débouter l’Etat du Sénégal de sa demande.»
À la suite de son confrère de La Défense, Me Ndèye Fatou Touré a croisé les doigts : «Nous espérons que la vérité juridique va jaillir devant ce prétoire.» Sa consœur Me Borso Pouye de plaider également le renvoi de la procédure devant le Conseil constitutionnel en soulignant que «tous les éléments d’inconstitutionnalité sont réunis».
Un des avocats de la défense, lui, a tenu à prévenir le juge : «L’Etat candidat ne peut pas nous imposer son rythme. Ce n’est pas possible. Même si vous rendez cet arrêt, il y 6 autres pourvois qui arrivent. Donc, on ne peut pas utiliser la Cour suprême pour arrêter Khalifa Sall.»
Les conseils de la Ville de Dakar ont aussi demandé la casse et l’annulation de l’arrêt.
Ainsi, l’avenir du candidat à la présidentielle de 2019 Khalifa Sall est entre les mains du président Amadou Baal.
Auteur: Awa FAYE – Seneweb
Dr Yaya Niang : « La seule peine qui pourrait rendre Khalifa inéligible »
« Seule une décision miraculeuse de la Cour suprême aggravant la condamnation de Khalifa Sall en le privant, de manière expresse, ses droits civils et politiques en application laborieuse des sanctions complémentaires prévues à l’article 34 du Code pénal, pourrait le rendre d’office inéligible. »
C’est l’avis du constitutionnaliste Dr Yaya Niang. Qui précise par ailleurs que « l’application de l’article 34 est impossible pour le délit d’escroquerie sur les deniers publics d’une part et demeure, d’autre part, facultative pour le délit de faux en écritures publiques ».
Khalifa Sall doit être fixé sur son sort ce jeudi 3 janvier. La chambre criminelle de la Cour suprême rend sa décision à propos du pourvoi de l’ex-Maire de Dakar dont la condamnation en première instance, dans l’affaire de la Caisse d’avance de la ville de Dakar, a été confirmée en appel
Pour l’expert en droit électoral, la plus haute juridiction « ne pourrait pas reprocher au juge d’instance de n’avoir pas appliqué l’article 34 du Code pénal compte tenu de son caractère facultatif, cette peine complémentaire de déchéance de ses droits devant, en principe, être écartée par la Cour suprême comme l’avait fait le juge d’instance, rien ne s’oppose désormais à la candidature de Khalifa Sall ».
Par conséquent, explique Dr Yaya Niang, « si la Cour suprême se contente de confirmer la condamnation de Khalifa Sall à 5 ans d’emprisonnement ferme avec une amende de 5 millions de FCFA, sa décision ne pourrait remettre nullement sa candidature ».
À l’en croire, la qualité d’électeur de l’ex-maire de Dakar est définitivement acquise depuis le 17 juillet 2018 après la clôture de la révision exceptionnelle des listes électorales, conformément au décret n°2018-476 du 20 février 2018 susvisé. « Il reste éligible s’il remplit les autres conditions fixées par l’article L. 116 du Code électoral, modifié ».
« La liste électorale définitivement établie »
Le juriste rappelle à cet effet que lors de la refonte du fichier électoral organisée par la loi n°2016-27 du 19 août 2016 et son décret d’application n°2016-1535 du 29 septembre 2016, Khalifa Sall s’est déplacé devant la Commission d’inscription pour confirmer son inscription. Depuis cette opération de confirmation, il figure sur le fichier électoral.
Dr Niang développe : « Khalifa Sall ne pouvait pas être radié du fichier électoral lors de cette révision exceptionnelle du simple fait que sa condamnation n’était pas encore définitive. Cette révision exceptionnelle est clôturée le 30 avril 2018 et la liste provisoire qui en est issue a été publiée le 2 juillet 2018. La phase contentieuse a pris fin le 17 juillet 2018. La liste électorale issue de cette révision est établie définitivement à la même date par les services du ministère de l’Intérieur. »