Course au vaccin contre le Covid-19 : En Sibérie, Les mystères du centre « Vektor

0 12
La Russie espère que son laboratoire ultrasécurisé, conçu pour la guerre bactériologique, livrera un vaccin.
La course au vaccin contre le Covid-19 est engagée et la Russie entend bien la remporter. Le pays comptait mercredi 672 cas et 63 morts. Les spécialistes russes redoublent actuellement d’efforts en espérant produire, dans quelques mois, un traitement efficace contre le nouveau coronavirus. Entre ces experts russes et leurs homologues américains et européens, eux aussi activement à la tâche, s’est instaurée une compétition faisant songer aux rivalités du temps de la guerre froide.
C’est d’ailleurs un laboratoire hérité de l’Urss et situé près de Novossibirsk, en Sibérie, qui est en pointe dans cette compétition. Un centre longtemps demeuré secret, appelé « Vektor », unique en son genre, créé à l’origine pour préparer une guerre bactériologique, et sur lequel peu d’informations sont disponibles.
Mardi, Rinat Maksyutov, le directeur général de ce laboratoire, officiellement le Centre de recherches d’État pour la virologie et la biotechnologie, a annoncé qu’une phase d’essais cliniques de trois vaccins potentiels allait commencer le 29 juin prochain sur 180 personnes volontaires. Ces essais seront précédés de tests accélérés sur des animaux de laboratoire, a précisé le patron de Vektor, après un entretien par visioconférence avec Vladimir Poutine.
Selon lui, ses chercheurs vont effectuer jusqu’à la fin du mois d’avril des « études précliniques » sur des « prototypes de vaccins prometteurs ». Ceux-ci doivent permettre d’élaborer des dosages prêts à l’emploi, qui seront donc testés sur des lapins, des souris et d’autres animaux, puis sur l’homme. Toujours d’après M. Maksyutov, les technologies et l’expérience dont dispose Vektor, qui a déjà produit une dizaine de vaccins, lui permettront de réduire au maximum les phases préliminaires avant les tests cliniques, laissant espérer une riposte fiable au virus à l’horizon de quelques mois.
Situé à 30 kilomètres de Novossibirsk, le centre ultrasécurisé de Vektor est entouré de hauts murs de béton surmontés de barbelés et protégés par des caméras de surveillance. De rares photos de l’intérieur du site montrent des scientifiques revêtus de tenues de haute protection semblables à celles des cosmonautes. Ancien centre de développement d’armes biologiques de l’époque soviétique, Vektor est l’une des deux seules structures scientifiques au monde renfermant le virus de la variole (l’autre est à Atlanta, aux États-Unis), et il conserve aussi les souches du redoutable virus Ebola.
En 1974, l’État soviétique décide la création de Microbioprom pour rassembler les laboratoires de biotechnologies les plus performants du pays, dont Vektor. Des prisonniers sont réquisitionnés pour les travaux entrepris en pleins champs, non loin de la ville scientifique « fermée » de Koltsovo. Selon les plans initiaux, une centaine de bâtiments devaient être construits. Seuls cinq verront le jour avant l’effondrement de l’URSS, en 1991. À l’époque, il s’agissait de se préparer, sur un mode défensif mais aussi vraisemblablement offensif, à une guerre bactériologique avec l’Ouest.
Au moins deux accidents mortels se seraient produits sur le site à la suite de contaminations. En 2004, une assistante de laboratoire, Antonina Presnyakova, a été infectée lors d’une manipulation. Elle sera enterrée dans un cercueil en zinc scellé pour éviter toute contamination. Le même sort tragique était arrivé à Nicolas Ustinov, quelques années plus tôt. Le jeune scientifique s’était accidentellement piqué le doigt avec une aiguille en prélevant du sang sur un cobaye infecté. Avant de mourir, Ustinov avait tenu un journal intime. À son décès, le carnet ne sera pas rendu à sa veuve, mais brûlé.
Théories du complot
En septembre dernier, une explosion et un incendie se sont produits sur le site de Vektor. L’accident, provoqué par un cylindre de gaz, n’aurait officiellement fait qu’un blessé. L’événement a néanmoins ravivé des craintes d’une contamination, aussitôt démentie par l’agence gouvernementale de surveillance sanitaire Rospotrebnadzor.
Précédé de sa réputation sulfureuse, entouré de mystères, le laboratoire Vektor n’en finit pas de distiller les rumeurs. Mardi dernier, le blogueur russe Alexander Thorn a indiqué sur son compte Twitter être l’objet d’une enquête officielle pour « fausse information », après avoir posté une vidéo satirique de deux minutes, dans laquelle il affirme que le coronavirus a été créé dans le fameux laboratoire sibérien. L’internaute a expliqué avoir voulu, au contraire, dénoncer dans sa vidéo parodique les théories du complot circulant en Russie depuis l’apparition du virus, dont celle qui affirme que l’épidémie de Covid-19 est partie de Vektor… Une question sensible. La Russie a adopté en mars une loi prévoyant des sanctions sévères, jusqu’à cinq ans de prison, pour la diffusion de fausses informations relatives au coronavirus.
Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.