Covid-19 au Sénégal, les réticences face au vaccin font le bonheur des plus pressés

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Alors que des candidats à la vaccination prennent leur mal en patience dans le monde, l’affaire peut être expédiée en quelques minutes, gratuitement et sans rendez-vous, au poste de santé de Mbao et, semble-t-il, ailleurs au Sénégal. Pourtant, la population ne se bouscule pas dans les centres où se sont rendus les journalistes de l’AFP. Aux doutes nourris depuis le début par nombre de Sénégalais quant à la gravité de la maladie, au scepticisme répandu vis-à-vis de la vaccination, s’est agglomérée la crainte des effets secondaires du vaccin AstraZeneca, un des deux disponibles dans le pays.

Au poste de Mbao, la salle de vaccination est vide et les infirmières devisent pour tromper leur désœuvrement. « Les gens ne se pressent pas pour se faire vacciner. Une femme m’a dit qu’elle n’a pas confiance parce que c’est gratuit. Elle attend que ce soit vendu en pharmacie pour l’acheter », glisse une membre du personnel de santé, sous couvert d’anonymat parce qu’elle n’est pas autorisée à parler à la presse.

Des responsables de la vaccination dans la ville religieuse de Touba (centre) disaient cette semaine dans la presse qu’après un bon démarrage, le vaccin chinois Sinopharm et surtout l’anglo-suédois AstraZeneca peinaient à trouver preneurs. Ils mettaient en garde contre le risque de perdre une partie des 7 000 doses restantes d’AstraZeneca sur les 8 000 livrées.

Plus de 362 000 personnes vaccinées

Le coordinateur national de la vaccination, Ousseynou Badiane, se veut mesuré quant à l’avancement de la campagne. Le gouvernement avait prévu de vacciner en priorité le personnel de santé et les personnes âgées et atteintes de comorbidités, soit 3 % de la population. « On a déjà administré plus de 70 % des doses qu’on devait administrer », dit-il. Mais rapidement, le champ a été « élargi à 20 % de la population » parce que « des gens prioritaires ne se présentaient pas », explique-t-il.

Les autorités avaient initialement instauré une prise de rendez-vous en ligne. Quand les services de vaccination appelaient les inscrits, certains « ont demandé si c’était AstraZeneca » et ont préféré attendre, rapporte le praticien. Sans communication officielle, le mot a alors commencé à se répandre sur les réseaux sociaux qu’on pouvait se faire vacciner sans rendez-vous. Une aubaine pour certains.

« Je suis venue me faire vacciner pour me protéger. Mon époux, qui ne veut pas s’immuniser, a essayé de me dissuader », assure Rokhaya Samb, qui est passée outre et sort du centre de Ngor-Almadies, à Dakar. Ils sont une quinzaine ce jour-là à avoir fait de même, dont une bonne part d’expatriés, nombreux à vivre ou travailler dans le quartier. De quelques heures au début, l’attente est passée à quelques dizaines de minutes au maximum.

Le Sénégal a acheté 200 000 doses du Sinopharm, dont 10 % cédées aux voisins gambien et bissau-guinéen, et reçu plus de 300 000 doses d’AstraZeneca dans le cadre du programme international Covax, destiné à assurer aux pays pauvres l’accès à la vaccination. Plus de 362 000 personnes ont été vaccinées, pour une population d’environ 17 millions d’habitants. « Il y a des réticences mais c’est difficile à mesurer », admet le docteur Badiane.

Nano-cellules, procréation et « coronabusiness »

Le nombre de contaminations et de décès diminue au Sénégal depuis des semaines. En outre, la vie revient progressivement à une certaine normalité depuis que le pouvoir a levé le couvre-feu et les restrictions anti-Covid à la suite de graves troubles début mars. L’urgence est davantage à gagner son pain, a fortiori parmi des Sénégalais dont les trois quarts ont moins de 35 ans et sont moins exposés aux formes graves du coronavirus. Autant de raisons, avec la défiance envers AstraZeneca, qui tiennent les Sénégalais à distance d’une aiguille.

Le docteur Babacar Niang, chef de Suma Assistance, un service hospitalier national privé, raconte recevoir des appels de patients l’interrogeant sur la nécessité de se vacciner. Certains sont « sceptiques » vis-à-vis d’AstraZeneca, dit-il. Mais d’autres sont sensibles à « l’histoire des nano-cellules qu’on va nous mettre pour nous surveiller ou à l’histoire de la procréation selon laquelle l’Europe et l’Amérique veulent diminuer notre fécondité ». D’autres encore se demandent si la vaccination ne relève pas seulement d’un « coronabusiness » profitable aux autorités et entreprises pharmaceutiques, évoque-t-il.

Les stocks s’amenuisent malgré tout. Le Sénégal attend prochainement de nouvelles livraisons, selon le docteur Badiane. Mais il n’écarte pas le risque d’une rupture qui ralentirait encore la campagne.

Le Monde avec AFP

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