Avec la crise, cette calamité… Et si le virus du COVID 19 était en train de s’attaquer gravement aux poumons financiers de l’économie africaine : les transferts de la diaspora, au point de menacer sérieusement les équilibres macro et les besoins vitaux des familles. C’est à craindre ! Les premières indications révélées en off par les professionnels du transfert d’argent font état d’une tendance baissière de l’ordre de 20 à 40% selon les sources et les pays. Ces premières métastases inquiètent légitimement jusqu’au sommet des gouvernements africains à l’instar du Président sénégalais Macky Sall qui dans son message COVID 19 adressé au continent africain (08 avril dernier), n’a pas manqué d’appeler ses pairs à anticiper la « chute brutale des transferts des diasporas africaines ». Un lanceur d’alerte VIP qui illustre si besoin est, le néo-standing en Afrique des transferts diasporiques qui ont doublé depuis 10 ans, surpassant désormais les investissements étrangers et les aides publiques au développement…et jouant parfaitement leur rôle contracylique d’assurance pour les familles.
L’épicentre de l’épidémie aux plus mauvais points pour le Sénégal et l’Afrique…
Prions pour le Sénégal et l’Afrique ! Déjà la crise économique mondiale de 2008-2009 avait réduit de 15 à 20% les flux de transferts diasporiques vers l’Afrique (source Banque Mondiale). La proto-dépression engendrée par le COVID-19 sera deux à trois fois plus dévastatrice aux dires des économistes sans compter qu’elle affecte cette fois directement les pays africains qui avaient été dans l’ensemble épargnés en 2008. Surtout, la crise des transferts promet de s’installer durablement avec des épicentres de l’épidémie fixés en Europe (France, Italie, Espagne, UK….) et USA qui se trouvent être les principaux corridors financiers diasporiques vers l’Afrique. Pour rappel, l’UE avec France et Italie en tête, compte pour les 2/3 des 43 milliards d’euros adressés annuellement vers la zone UEMOA ! Et le Sénégal est très exposé avec plus de 70% des 2 milliards d’euros envoyés annuellement (soit 10% du PIB ) par les Sénégalais de France, Italie, Espagne et USA…
Dans des pays émetteurs en arrêt, la diminution brutale des revenus des migrants et la lutte pour leur propre survie (des centaines de victimes du Covid parmi la diaspora !) conjuguées aux contraintes de confinement ont commencé par tarir la source des « remittances ». Les diasporas africaines majoritairement constituées d’ouvriers, employés et travailleurs journaliers sont ainsi directement impactées par la crise d’autant plus qu’ils exercent dans des secteurs lourdement affectés : industrie, bâtiment/travaux publics, services et petits commerces…Et même quand ils disposent de moyens, ils se heurtent aux portes fermées des agences de transferts d’argent pour cause de confinement. En ces circonstances, ils sont de plus en plus à se tourner vers le digital (en plein boom ces derniers jours !) et l’informel…mais tout le monde n’a pas la même facilité pour le premier ni les réseaux de confiance pour le second.
Toute l’économie africaine sera affectée mais…
Il est indéniable que toute l’économie africaine sera affectée directement ou indirectement par la chute des transferts qui pointe (transferts formels 2019 estimés à 70 milliards de dollars). Aux premiers rangs, se comptent les dix-neuf pays pour qui les transferts diasporiques dépassent la barre des 3% du PIB. Dans l’ordre décroissant des enjeux et motifs de craintes : Comores, Gambie, Lesotho, Cap-Vert, Liberia, Zimbabwe, Sénégal, Togo, Ghana, Mali, Nigeria, Egypte, Maroc, Tunisie, Algérie… Les pays francophones (zone CEDEAO, Maghreb, Océan Indien…) dépendant largement des économies européennes réputées moins résilientes (Espagne, Italie, France….) seront plus affectés dans la durée : Sénégal, Mali, Guinée, Côte d’Ivoire, Togo, Comores, Madagascar, Maroc, Tunisie, Algérie … A contrario du Nigéria, Ethiopie, Ghana, Kenya, Cap-Vert…diasporiquement liés avec les USA et l’UK, devraient pâtir moins durablement des effets de la crise. Autres amortisseurs en faveur de ces derniers, ces pays ont davantage intégré la fintech dans leur relation avec la diaspora (transferts via mobile…) et diversifié davantage l’engagement de leur diaspora au-delà des transferts d’aide aux familles !
La crise doit enfanter un changement de paradigme avec la diaspora
Comme en 2008, les Etats riches semblent disposés à éteindre le tsunami à coups de milliards injectés pour les entreprises et les ménages (traitement social du chômage…) ce qui contribuera à soulager cette crise financière par procuration en Afrique. Pour autant, les pays d’origine ne doivent pas rester les bras croisés ! C’est le moment de soutenir socialement leur diaspora par humanité d’abord et pour accélérer le retour à la normale. En ces circonstances, Il devient nécessaire de libérer toute entrave à la fintech (transferts internationaux via mobile, souscriptions à distance…). Surtout, les Etats africains doivent dès maintenant réfléchir à un changement de paradigme, un new deal avec une diaspora plus engagée (épargne, investissement, soft-power…) et mieux intégrée qui dépasse les transferts d’argent…pour plus de résilience ! Dans cette voie, le Sénégal doit faire preuve de leadership et montrer la voie à l’Afrique…
Terminons par cette note d’espoir ! Si les prochains mois seront compliqués…A long terme, les flux financiers finiront par se réajuster car ils sont corrélés aux dynamiques des flux migratoires qui ne devraient pas ralentir…et aux stratégies publiques de mobilisation des diasporas qui devraient se ragaillardir !