Des organisations de producteurs et productrices de lait local de six pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre-Ouest, engagées dans la campagne «Mon lait est local», ont profité de la Journée mondiale du lait, célébrée le 1er juin, pour sonner l’alerte sur les menaces qui pèsent sur le lait ouest africain.
«Des producteurs laitiers au Burkina Faso, au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal et au Tchad enregistrent des pertes financières importantes et de cheptel en raison de la pandémie du Covid-19. Pour le mois de mars 2020 par exemple, la laiterie Kossam de l’Ouest au Burkina Faso a enregistré une perte de 6 millions de francs Cfa, soit plus de 9 000 euros», selon des organisations de producteurs et productrices de lait local de six pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre-Ouest. Profitant de la célébration de la Journée mondiale du lait (1er juin 2020), ces acteurs de la filière, membres de la campagne «Mon lait est local», ont associé leurs voix pour réitérer leur appel à l’endroit des dirigeants africains nationaux et régionaux de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
L’appel, explique Hindatou Amadou, coordinatrice de la campagne, «vise à amener les chefs d’Etat des pays concernés et les dirigeants des institutions d’intégration des deux régions à agir pour le développement de cette filière qui était déjà en difficulté et dont la survie est menacée par les impacts de la pandémie du Covid-19 et le dumping des produits laitiers européens».
Les membres de la campagne «Mon lait est local» indiquent ainsi que «la fermeture des frontières, les restrictions de mouvements et les mesures de limitation de la mobilité interne et entre les pays entraînent d’énormes difficultés d’accès aux marchés urbains et transfrontaliers pour l’écoulement des produits, aux pâturages et aux points d’eau pour l’alimentation du bétail. A quoi s’ajoute l’émergence de maladies zoo-sanitaires dans les zones transfrontalières». Cette situation, mentionnent-ils dans un communiqué, «vient accentuer les effets négatifs des problèmes structurels de la filière : les sécheresses et inondations liées au changement climatique ou la menace quasi permanente que constitue depuis plusieurs années l’envahissement du marché africain par des exportations massives de certains pays du Nord de mélanges de poudre de lait écrémé avec la matière grasse végétale, notamment l’huile de palme».
Ce lait européen, dénoncent-ils, «bénéficie de tarifs douaniers avantageux (5%), permettant de le vendre 30 à 50% moins cher que le lait local. Un phénomène qui fait perdre des emplois aux productrices et producteurs de lait local, tout en privant les consommateurs des éléments nutritifs que l’on retrouve dans le vrai lait».
«La Commission européenne investit des centaines de millions d’euros pour soutenir les pays du Sahel et lutter contre les inégalités, mais elle ne doit pas reprendre d’une main ce qu’elle donne de l’autre», dit Adama Coulibaly, directeur régional d’Oxfam en Afrique de l’Ouest, cité dans le document.
Et aux yeux des producteurs africains de lait, «tout cela entraîne une paupérisation continue des éleveurs, des producteurs et de leur famille, et contribue par ricochet aux situations de crise alimentaire et à la malnutrition au sein des communautés, alors que le pastoralisme et l’agropastoralisme font vivre plus de 48 millions d’individus».
Pis, annonce la coordinatrice de la campagne régionale «Mon lait est local», «la crise du Covid-19 va exacerber la concurrence des poudres de lait importées sur le marché laitier d’Afrique de l’Ouest et du Centre en ce sens que la politique de l’Ue visant à subventionner le stockage de la surproduction de lait en Europe engendrera forcément un déstockage vers l’Afrique, ce qui pourrait anéantir les efforts publics visant la construction de la filière dans ces deux régions, comme l’offensive régionale lait engagée par la Cedeao dans le cadre de la politique régionale d’appui au secteur agro-sylvo-pastoral et halieutique. Il urge alors de prendre des mesures politiques adéquates pour freiner cette invasion des produits laitiers européens».
Plaidoyer pour une hausse des taxes à l’importation des
produits laitiers
L’ampleur de la crise du Covid-19 au sein des communautés d’éleveurs et de producteurs est telle que l’on craint à terme une fragilisation du tissu socio-économique dans son ensemble, avec des risques d’effritement de la cohésion sociale dans des pays déjà très éprouvés par de multiples crises socio-politique, environnementale, climatique, intercommunautaire…
Les 55 organisations engagées dans la campagne «Mon lait est local» demandent à la Cedeao de relever les taxes à l’importation des produits laitiers, de prendre des mesures ciblées d’exonération de Tva sur le lait local, de renforcer la transparence de marché, y compris sur les mélanges de poudres rengraissées avec des huiles végétales et par l’étiquetage sur l’origine et la teneur en lait, de conditionner les investissements étrangers dans des industries laitières à des obligations de collecte de lait local et enfin d’utiliser les nouvelles recettes fiscales pour soutenir le développement de la filière lait local.