Ils étaient présidents d’un club de Ligue 1 pendant que Pape Diouf était le boss de l’OM (2005-2009). Les Martel, Cayzac, de Saint-Sernin, Cohen, De Bontin, Fortin ou Plessis racontent les souvenirs de leurs échanges.
Alain Cayzac (Psg entre 2006 et 2008): «Il vous donnait des leçons de français à chaque phrase»
«J’appréciais beaucoup Pape Diouf. Je crois d’ailleurs qu’on s’appréciait. Sa disparition m’a fait beaucoup de peine. J’appréciais le fait que ce soit un type humaniste, cultivé, respirant le foot. C’est surtout son humanisme qui me touchait. J’appréciais son langage châtié, il parlait admirablement. Il vous donnait des leçons de français à chaque phrase. On entretenait vraiment des rapports de respect et d’amitié malgré la compétition sportivement assez dure entre l’OM et le PSG. On essayait d’aller au-delà de ça. Avant chaque OM-PSG ou PSG-OM, on faisait des articles ensemble dans La Provence et dans Le Parisien pour appeler à la rivalité, bien sûr, mais pour éviter qu’il y ait trop de débordéments et de violences. Ça prouvait qu’on avait chacun une passion pour un club différent, on était tous les deux passionnés et déterminés, mais c’était vraiment emprunt d’une grande sincérité.
«Les gens ne croyaient qu’un président parisien et un président marseillais puissent partager la même voiture et avoir l’air de parler amicalement.»
J’ai négocié le transfert de Peguy Luyindula en 2007 qui appartenait à l’OM mais qui avait été prêté à Levante. J’ai obtenu son transfert en dix minutes au téléphone avec Pape au téléphone. Il n’y avait vraiment pas eu de discussions de marchand de tapis. A l’époque, Christophe Chenut était patron de L’Equipe. A la fin d’une réunion de la Ligue, Christophe était là, il nous voit dans la rue, il nous accompagne tous les deux dans la même voiture pour le Stade de France. Au feu rouge, les gens étaient absolument stupéfaits. Ils ne croyaient qu’un président parisien et un président marseillais puissent partager la même voiture et avoir l’air de parler amicalement. Les gens faisaient une gueule pas possible. Ça m’avait marqué. Je suis extrêmement triste.»
Jean-Claude Plessis (FC Sochaux, entre 1999 et 2008) : «C’était un seigneur»
«Un homme qui avait la classe. Quand il était agent, c’était le big agent, c’était lui qui avait la plus belle écurie. J’étais même étonné de le voir aller à Marseille. Bon, je crois qu’il en avait envie. C’était un seigneur, il faut le reconnaître. Moi qui vis une partie de l’année au Sénégal, c’était aussi un seigneur au Sénégal. Il était dur en négociation, mais ce n’était pas un chien ! C’était un bon négociateur. Quand on a fait des affaires ensemble, on ne se la racontait pas parce qu’il connaissait le métier, le marché. Il n’y avait pas encore l’influence des agents qui venaient de je ne sais où. C’était une époque très chaleureuse au niveau des présidents de clubs. On s’accrochait sur les droits télés, mais c’était toujours convivial. J’ai toujours été très bien accueilli à Marseille même si, après la Coupe de France, le public ne m’aimait pas beaucoup. Ça fait partie du jeu. Un homme de talent, qui avait de la qualité.»
Gervais Martel (Racing club de Lens entre 1988 et 2012 et entre 2013 et 2017): «Un gentleman»
«Dans le foot, pendant trente ans, on connaît des gens. Il y en a avec qui on a plus de rapports que d’autres : il en faisait évidemment partie. Il y a une unanimité sur Pape Diouf. Un gars de grande classe, d’une grande gentillesse. Il n’avait jamais un ton de voix plus haut que l’autre. Même si, de temps en temps, on a eu des discussions importantes, ça s’est toujours passé avec un mec qui était un gentleman. Je l’ai connu en 1992 quand on est montés en première division (avec Lens). Grâce à lui, j’ai pu faire venir Bernard Lama pendant une année, en prêt. Il sortait de Brest, qui avait déposé le bilan. Je voulais avoir un grand gardien, et on a eu Bernard. Ensuite, quand il était président de l’OM, il siégait aussi à l’UCPF (NDLR : Syndicat des clubs). Cela s’est toujours passé de manière remarquable. Il y a eu des moments compliqués, mais aussi conviviaux, car c’était quelqu’un qui n’était pas triste.
«Il avait des idées politiques arrêtées, mais il respectait aussi les gens qui n’avaient pas les mêmes que lui. »
‘’Il n’a peut-être pas gagné de titres avec l’OM, mais il s’est quand même bien débrouillé par rapport à la situation. Il respectait tout le monde. Il avait des idées politiques arrêtées, mais il respectait aussi les gens qui n’avaient pas les mêmes que lui. Un mec extrêmement humain. C’était un Monsieur. J’ai vraiment eu la chance de le côtoyer. Je suis en train de monter quelque chose au Sénégal, avec des centres de formation. Je suis revenu il y a quinze jours et j’avais prévu de manger un bout avec lui. J’étais tellement pris que je n’ai pas réussi à le faire. Je regrette. C’est comme ça, c’est la vie. Il est mort jeune, c’est ça qui me fout les boules.’’
Frédéric de Saint-Sernin (Stade Rennais entre 2006 et 2010): «Quelqu’un de droit»
«Il aimait bien Chirac, il voulait savoir comment ça se passait à l’Elysée. Il était toujours très engagé dans les sujets publics. Et lui comme moi, on avait considéré qu’en dehors d’un club de football qu’on présidait, c’était important d’installer notre club dans la vie de la cité, se battre pour le lien social. On considérait que le foot représentait autre chose que du sport. J’avais, en général, de bonnes relations avec les présidents. Mais, en particulier avec lui, on avait ces échanges que je n’ai jamais eus avec un autre. On est souvent dans des transferts les uns avec les autres. Ça se passe plus ou moins bien. Avec des discussions dures et parfois ce sentiment de manipulation, que je n’avais pas du tout à l’esprit pour tel ou tel transfert. Je me souviens de celui qu’on a fait pour Mickaël Pagis. Les choses étaient très simples, très honnêtes, très droites. Pape était quelqu’un de parole. Les choses étaient simples. C’était quelqu’un de droit.»
Maurice Cohen (Nice entre 2002 et 2009): «L’être humain en tête avant tout»
«Lors des différentes réunions de la Ligue, on était souvent les Méditérannéens, on était ensemble, il y avait une certaine solidarité entre nous, avec Montpellier, et parfois Monaco, ça dépendait de la présidence. Entre Pape et moi, il y a eu un feeling. On avait le même ressenti du football. On a eu de bonnes histoires. Il venait manger en semaine à Saint-Laurent-du Var. On a entretenu des relations amicales. Le plus important transfert qu’on a eu affaire. C’était celui de Baky Koné à Marseille. Il a été transféré et ça avait fait l’objet de négociations assez dures, sur les montants, les conditions… Mais amicalement, parce qu’après on s’est tapés dans la main et on a dit »ok, on le fait ». Dur en affaire ? Non, il avait l’être humain en tête avant tout. Il défendait les intérêts de l’OM, auquel il était très attaché. C’était un amoureux de l’OM, ça c’est sûr. C’était un homme extraordinaire. Son ton de voix était toujours très solennel quand il parlait. Je me plaisais à l’écouter.»
Jean-François Fortin (Stade Malherbe Caen entre 2002 et 2018): «Un type d’une grande culture»
«Avant qu’il soit président, j’avais eu quelques contacts avec lui lorsqu’il était agent de joueurs. Dans cette position, j’avais des relations qui étaient déjà bien meilleures que celles que je pouvais avoir avec certains autres agents (Il sourit.). En dehors de la notion d’argent, j’avais un agent qui me soulevait plus que d’autres le problème humain. Cela m’avait marqué. Tel que je suis, ça me plaisait bien. Quand il est devenu président de l’OM, j’ai eu des relations beaucoup plus fréquentes avec lui. Assez rapidement, par rapport à mes autres collègues, mes relations avec lui étaient bien plus positives. Dans bien des domaines, on avait des accroches similaires. J’ai eu à faire à un type d’une grande intelligence, d’une grande culture, qui adorait la langue française. A la fin de la carrière de joueur de Pape Fall (NDLR : Ancien international sénégalais ayant évolué en France à l’OM, Quimper, Caen ou Brest), Pape a essayé de lui trouver un emploi. Malgré ses recherches, il n’avait pas réussi à trouver une sortie correcte. Il m’a appelé en me disant qu’il fallait qu’on fasse quelque chose pour Pape Fall, un mec bien. On a réfléchi comment on pouvait rendre service à Pape Fall. Il a terminé par signer un contrat au Stade Malherbe, où il a été éducateur au centre de formation, et a même fait une période d’adjoint de Franck Dumas. Il a dû faire six ou sept ans au club.»
Jérôme De Bontin (AS Monaco entre 2008 et 2009): «Direct, intègre, sérieux»
«J’ai eu à faire à lui régulièrement. C’était une époque où d’autres présidents, de Lyon, Lens et un peu Paris, tentaient de créer un groupe de grands clubs de manière à récupérer une partie plus importante des recettes de la Ligue. Pape faisait un contre-poids important à ce sujet. Tel que je l’avais compris, il ne voulait pas s’associer à ça. J’avais apprécié. C’était un gentleman, un garçon très bien élevé, très respectueux du rang des autres. Il était aussi très direct, intègre, sérieux. Il avait à coeur de faire de l’OM un club qui correspond aux attentes de ses actionnaires. C’est une perte pour chacun d’entre nous.»