Sous le règne du Roi Yorouba Macky Sall, le pays fonctionne selon ses humeurs matinales et son bon vouloir crypto-personnel. Il se comporte comme le Maître incontesté du monde. La Justice, c’est lui ! Il donne des ordres aux juges. A l’Assemblée nationale aussi, c’est encore lui l’inspirateur des lois. Le Gouvernement, c’est naturellement lui, puisqu’il définit toute cette politique publique orientée dans la défense des intérêts étrangers.
Macky, le Roi Yorouba, ne se préoccupe point des engagements internationaux irrévocables pris par l’État du Sénégal. Il ne fait référence au Droit international, aux Traités, aux et aux Accords que lorsque ceux-là recoupent ses intérêts politiques du moment. Le Roi Yorouba régente ce pays comme s’il était bâti sur un titre foncier de ses aïeuls. Il a démoli l’État de Droit au Sénégal, et cela ne semble émouvoir personne. Les tenants du pouvoir se plastronnent avec fierté dans les médias, remettant en cause, toute honte bue, tous les engagements internationaux pris par le Sénégal.
En politique, il faut une petite dose d’élégance, surtout lorsque les acteurs se comportent en gentlemen. Mais le Roi Yorouba et ses affidés, hommes comme femmes, ne respectent jamais les règles du jeu, surtout lorsque l’adversaire tient le ballon dans ses pieds. Autrement, il rejette sans scrupule toutes les règles.
Suite à la décision de la Cour de Justice de la Cedeao dans l’affaire Khalifa Sall, Macky Sall a publiquement déclaré : «Nous n’accepterons pas des pressions de l’extérieur». Cette déclaration était suffisante pour orienter la décision finale de la Cour d’Appel de Dakar que dirige Demba Kandji qui a jugé dans le sens voulu par le Roi Yorouba. C’est ainsi que le Roi et sa cour de Justice ont rejeté, sans scrupules, la décision rendue par cette juridiction sous-régionale, profitable au maire de Dakar, qu’il révoquera par la suite. Il avait eu ce même comportement de défiance à l’égard des juridictions internationales, lorsque le Groupe de Travail des Nations-Unies avait qualifié d’«arbitraire» la détention de Karim Wade. Toute l’artillerie lourde de la coalition Benno Bokk Yaakaar avait été déployée pour pilonner le Groupe de Travail et discréditer ses membres.
Nous avons parcouru tous les documents envoyés par l’État du Sénégal au Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies. Il faut préciser que le Sénégal est membre de cette structure depuis le lundi 16 octobre 2017. Ainsi, le Roi Yorouba a tout fait pour bloquer ou retarder la décision dudit Conseil concernant cette plainte de Karim Wade. Le Gouvernement a fait des manœuvres de tous genres pour éviter l’annonce de cette décision du Conseil favorable à Karim Wade, une décision qui, au demeurant, déchire l’arrêt de la CREI. Le Roi et sa Cour voulaient que la décision fusse rendue après le dépôt des candidatures à la Présidentielle, auprès du Conseil Constitutionnel, pour définitivement écarter le candidat du Pds. Mais ils ne l’ont pas réussi et la décision est finalement rendue publique en pleine opération de collecte de signatures pour le parrainage. Le Roi était grandement surpris par ce retournement de situation.
Devant le Conseil des Droits de l’Homme, l’équipe du Roi a plaidé pour l’irrecevabilité de la plainte de Karim Wade. Mais, sur ce point, les conseillers de l’État du Sénégal étaient incapables de prouver et de matérialiser l’irrecevabilité de cette plainte, face au mur de l’Article 14 alinéa 5 du Pacte des Droits civils et politiques du Comité des Droits de l’Homme. Cette disposition dit : «Toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner, par une juridiction supérieure, la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi». Le Comité, malgré les allégations de l’État du Sénégal, qui a tenté de se défendre en soutenant que Karim Wade a bel et bien fait appel après sa condamnation par la CREI, a rejeté ces arguments fournis par le Sénégal. Car, dans le fait, le candidat du Pds n’a pas bénéficié d’un recours auprès d’une juridiction supérieure, comme l’a si bien dit l’Article 14 à son alinéa 5. L’examen, contrairement aux écrits des Conseils du Roi, suppose véritablement la tenue d’un procès en procédure d’appel.
Un autre fait difficile à récuser par les Conseillers du Roi devant le Conseil des Droits de l’Homme était le caractère politique de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI). Il était, quand même impossible, pour le Sénégal, de prouver que la CREI n’est pas une juridiction politique réchauffée pour écarter un adversaire politique. Et pour récuser cet avis partagé et flagrant, les Conseillers du Roi ont cité les exemples de Tahibou Ndiaye, Abdoulaye Baldé et Aida Ndiongue. Bien qu’il soit basé à Genève, loin de Dakar, le Haut-Commissariat des Droits de l’Homme n’ignore rien de ce qui se passe en matière des Droits humains au Sénégal. Alors, c’est manquer d’inspiration que de dire que Tahibou Ndiaye, Abdoulaye Baldé et Aida Ndiongue ont été condamnés par la CREI. Un gros fake-news, largué par l’État du Sénégal, pour se défendre devant l’offensive des avocats de Karim Wade.
Pour rappel, Tahibou Ndiaye a été jugé et condamné à une peine d’emprisonnement ferme de 06 ans, mais il n’a pas purgé cette peine. Il est tout bonnement rentré chez lui. Au moment de son procès, il bénéficiait d’une liberté provisoire et, après le verdict, il a tranquillement regagné son domicile, aux côtés des siens. Abdoulaye Baldé, Tahibou Ndiaye et Aida Ndiongue n’étaient que des cas exhibés pour habiller le crime orchestré par le Roi, contre Karim Wade. La preuve, au début de la traque, 25 personnes ont été citées par le Parquet de la CREI mais, parmi eux, seul Karim Wade a été arrêté. Et la plupart de ces présumés coupables, ciblés par la CREI, ont rejoint le camp de Macky Sall. Ces faits prouvent la politisation de la CREI, qui n’était qu’un Cabinet politique de casting et de recrutement pour Macky.
Le délit d’enrichissement illicite étant inconnu et inexistant dans les États civilisés, les Conseillers du Roi ont utilisé sur le mot «corruption» dans leurs plaidoyers pour mieux toucher la sensibilité des membres du Comité des Droits de l’Homme. Or, Karim Wade n’a jamais été poursuivi pour corruption, ni pour détournement de deniers publics. C’est parce que la Justice française ignore le délit d’enrichissement illicite que le Parquet de Paris avait refusé d’ordonner la saisie des biens de Karim Wade, comme l’avait demandé l’État du Sénégal. Tout comme pour ses prétendus comptes, avec le tribunal de Monaco…
Dans ses arguments exposés, l’État a parlé de la grâce qui efface, de manière totale et irrévocable, la peine d’emprisonnement. Et dans leurs médias, Macky Sall et ses muezzins politiques brandissent la contrainte par corps, en cas de retour de Karim Wade au Sénégal. Et pourtant, dans ses réponses auprès du Comité, l’État du Sénégal a écarté toute possibilité d’envoyer Karim Wade à nouveau en prison. Selon les Conseillers du Roi, la contrainte par corps ne signifie guère un emprisonnement ferme, mais plutôt l’utilisation par tout moyen juridique pour recouvrer la somme due. C’est-à-dire l’application des décisions de justice dans toute sa rigueur. Mais, devant le journaliste de «France24», le Roi Yorouba a plutôt proféré des menaces contre le candidat du Pds. Seulement, ce jour-là, il ne savait pas que la décision du Comité allait tomber dans les heures qui suivaient.
Chacun est libre d’avoir ses idées et ses appréhensions sur Karim Wade. Nous sommes en face d’un fait précis, qu’il faut analyser avec lucidité, sans être emporté par un sentiment subjectif qui déteint sur les positions des uns et des autres. Karim Wade est finalement victime d’injustice de la part du Roi, aveuglé par la conservation de son trône. Il ne donne plus aucun sens aux Lois, ni aux Droits, encore moins à l’État de Droit. Tout ce qui le mobilise, pour l’heure, c’est un second mandat. Et il est prêt à «Tout» pour rester au pouvoir. Et ce second mandat, il passera par la mise à l’écart de Karim Wade de cette course pour la Présidentielle. Il est évident que le Roi ne souhaitait pas être dans cette situation inconfortable, à quelques mois du scrutin. Il rappelle le Président Yahya Jammeh qui, après avoir reconnu sa défaite, a voulu se rétracter pour plonger la Gambie dans le chaos. Heureusement, la Cedeao était là… la CPI aussi…
Mamadou Mouth BANE