Déthié Diouf, guéri de Covid-19 : « Sur leur lit d’hôpital, les malades pensent à la stigmatisation »

0 20

La contamination de Déthié Diouf est une vraie ironie du sort. Il a séjourné en Corée du Sud entre le 1er janvier 2020 et le mois de février pour participer au Sommet Mondial de la Paix en tant que président des ambassadeurs de la Paix. Il a eu la chance d’être le témoin du changement de comportements des Coréens pour freiner la propagation du virus. De retour au Sénégal, il s’est investi dans la sensibilisation, la promotion des gestes barrières à travers des vidéos, WhatsApp. C’est en rentrant d’une activité de sensibilisation qu’il chopera le virus dans un garage.

Pouvez-vous nous dire comment avez-vous contracté le coronavirus ?

J’étais aux Parcelles assainies pour mener des visites de sensibilisation. Après l’activité, ma voiture avait des problèmes pour démarrer. Je me suis rendu dans un garage pour le dépannage. Une fois sur les lieux, comme j’étais fatigué, je me suis allongé dans la voiture. J’avais ôté le masque pour respirer correctement. Je me suis endormi. Un jeune est venu me réveiller pour me demander de quoi acheter à manger. Je me suis rendormi. Il est revenu encore me réveiller. Lorsque je suis rentré chez moi, j’ai eu des courbatures et j’avais froid.

Mon épouse qui est médecin a eu le flair de me demander où est-ce que j’étais passé. Je me suis rappelé que ces jeunes avec qui j’étais au garage n’avaient pas de masque ; en plus, l’un toussait un peu. Mon épouse a aménagé notre chambre où elle m’a confiné. Le lendemain, on a essayé en vain de joindre le numéro vert. Le surlendemain, elle m’a conduit à l’hôpital. Les tests réalisés ont confirmé que j’étais contaminé.

Lorsqu’on vous a annoncé la confirmation de la maladie, quelle a été votre réaction ?

J’étais serein. Une fois dans le centre, seul entre quatre murs, j’ai commencé à me dire qu’est-ce que je fais là ? Je croyais qu’il devait y avoir une erreur. Je ne pouvais ni me coucher, ni me tenir debout, ni dormir. Je ne savais plus à quel saint me vouer.

Le milieu hospitalier n’était pas stressant pour vous ?

Le stress était mon premier ennemi. Je me posais les questions : Qu’est-ce qui m’attend ? À quoi je serais confronté ?Ces multiples questionnements et angoisses se sont vite dissipés avec la prise de contact très réussi par l’équipe médicale. Celle-ci m’a rassuré ; elle m’a proposé un protocole que j’ai approuvé en signant le document. Il y avait une solidarité qui a remonté le moral des malades dont certains pensaient à la stigmatisation de leur famille. Ils redoutaient leur retour dans leur quartier. Je n’aurais jamais imaginé un cadre où le malade est considéré comme un prince et surtout un management qui préserve totalement la dignité du malade qui n’est pas un objet entre les mains du personnel médical. Je peux dire que c’est une première, au vu de mon expérience d’ancien conseiller technique du ministre de la Santé, feu le Dr Issa Mbaye Samb. L’essentiel du temps, nous recevions des complaintes et le ministre s’était fait le devoir de faire des visites inopinées comme un malade pour constater et apporter des corrections.

Vous étiez engagé dans la sensibilisation contre le coronavirus. À vous écouter, on pressent que vous allez poursuivre cette dynamique…

Absolument ! C’est une exigence morale que de porter la cause des sans voix (les stigmatisés) qui souffrent dans leur chair. C’est un drame social qu’il faudrait bannir à jamais. C’est le contre coup de la communication. C’est aussi les manquements de l’approche qui a mis de côté ceux qui pouvaient jouer un rôle déterminant. Je veux parler des guides religieux, des chefs coutumiers et des tradipraticiens car leur voix porte.

La lutte doit continuer avec une approche qui ne crée pas une psychose. Les stratégies doivent être constamment réajustées comme nous devons apprendre à vivre avec la Covid19 qui est une maladie parmi tant d’autres. Lorsqu’on est sur la bonne voie, le relâchement est interdit. L’exemple de la Corée du Sud qui a, la première, réussi à endiguer la propagation du virus est à suivre. La vie et les activités doivent continuer. Mais l’accent doit être mis sur la responsabilité individuelle très forte. Chacun doit comprendre qu’il doit refuser d’être le maillon faible de la chaîne.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.