Économie du Sénégal: Comment profiter d’une croissance à deux chiffres ? (Par Mohamed Dia)

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Le FMI a annoncé qu’en 2022, le Sénégal fera partie des pays qui espèrent afficher une croissance à deux chiffres. Logiquement, cette croissance devrait réduire la pauvreté et créer des emplois, même si dans le passé, cette croissance n’a pas vraiment eu les effets escomptés. Il est temps que cette croissance commence à nourrir les sénégalais. Dans cette contribution, nous ferons d’abord l’état des lieux avant de proposer ensuite dans une autre contribution des solutions pour tirer profit de cette croissance à deux chiffres.

Durant les années 80, l’Afrique a traversé une crise économique sans précédent due à plusieurs facteurs. Les deux chocs pétroliers de 73 et 79 ont impacté les exportations et on assiste aussi à une chute des prix des produits de base. Un malheur ne venant jamais seul, on assiste aussi à la hausse des taux d’intérêt qui a rendu le service de la dette insoutenable pour les pays africains qui ont vu leur dette extérieure exploser.

C’est ainsi que le premier Plan de stabilisation a été mis en place en 1979 qui a pour but d’augmenter les recettes de l’Etat tout en suspendant les taxes à l’exportation sauf l’arachide et les phosphates. À partir de 1980, le Plan de développement économique et social est conçu par la Banque mondiale et le FMI qui avait pour but d’assainir les finances publiques.

Les institutions de Bretton Woods nous avaient demandé de fermer une vingtaine d’ambassades, de réduire le parc automobile et le carburant de l’Etat et la réduction des subventions des denrées de première nécessité entre autres. Ayant considéré ce plan comme un échec, notamment dans sa dimension structurelle, un autre plan a été mis en place, il s’agit du Plan d’ajustement économique et financier à moyen et long terme. Pour réaliser les objectifs de ce Plan, des mesures ont été prises, la création de la Nouvelle politique agricole (NPA) pour responsabiliser les paysans, et la Nouvelle politique industrielle (NPI) pour redynamiser le secteur secondaire.

La vision politique du Sénégal au lendemain des indépendances est caractérisée par la voie africaine du socialisme. Cette voie accorde une importance au monde rural et à l’agriculture. Le taux de croissance tournait autour de 2 % sur la période de 1960 à 1970. Ce faible taux de croissance économique est dû aux déséquilibres financiers dans le secteur public, au faible taux de rentabilité des investissements, à l’impossibilité de mobiliser une épargne publique et un service de la dette insoutenable entre autres.

La monoculture arachidière semble mieux se porter, avec la production qui était tombée en dessous de 300 000 tonnes en 1980, était passée à 800 000 tonnes grâce au bon hivernage de 1980 et 1981. Malheureusement, ce ne sera pas assez, car en 1983, la situation économique était très mauvaise et les institutions de Bretton Woods exigent la diminution de l’effectif de la fonction publique, l’augmentation des prix des denrées de première nécessité, l’arrêt des subventions dans le secteur arachidier et la libéralisation du secteur secondaire.

Les premières mesures tombent le 19 août 1983, les prix des denrées de première nécessité augmentant de plus de 10 %. Un nouveau Plan d’ajustement économique et financier à moyen terme est négocié avec les bailleurs de fonds. Il faut aussi noter que durant les années 80, la France avait sa mainmise dans notre économie ; l’aide française était évaluée à presque 136 milliards FCFA, représentant presque le tiers des aides reçues par le Sénégal. Elle était aussi notre partenaire économique privilégié avec presque 75 % du secteur privé sénégalais provenant des capitaux français.

Les politiques de développement menées par le président Diouf n’ont pas été des succès. Le secteur privé n’a pas répondu présent à l’appel. La dette était de 800 milliards de FCFA et représentait presque 70 % du PIB, et le service de la dette représentait 50 % des recettes budgétaires. La dette extérieure augmente de 20 % par an depuis l’ascension du président Diouf.

Comme alternative à la dévaluation, le président Diouf conçoit le plan Sakho-Loum, un plan d’urgence économique pour assainir les finances de l’Etat. Les mesures étaient entre autres de réduire les salaires des fonctionnaires de 15 %, de prélever une journée de salaire par mois dans le privé, de généraliser la TVA et de supprimer les exonérations douanières. Les syndicats ne l’entendent pas de cette oreille et on assiste à un dialogue de sourds. Le 12 janvier 1994, le franc CFA perd 50 % de sa valeur. Du jour au lendemain, les prix augmentent de presque 25 %, l’inflation est aux alentours de 30 % et les prix des denrées de première nécessité ont aussi connu une hausse comprise entre 40 et 70 %.

La libéralisation économique a été nécessaire pour le développement de tous les pays ; avec cette libéralisation, nous avons assisté à une entrée massive des multinationales en Afrique. C’est ainsi que nous notons une importante présence des multinationales dans les pays d’Afrique. Elles sont présentes dans tous les secteurs, on les voit dans les secteurs des infrastructures, des télécommunications, de l’industrie et de l’agro-industrie, des services, du transport et de la grande distribution.

Malgré les réformes financières, les économies de l’Afrique subsaharienne n’ont pas réussi à mobiliser une épargne intérieure importante, à cause du financement provenant du marché monétaire de l’extérieur. Ces politiques néo-libérales n’ont pas marché en Afrique subsaharienne et on peut imputer cet échec à l’imperfection de nos marchés, aux asymétries, un environnement instable et un manque d’infrastructures non propice au secteur privé national qui était déjà faible. On note une interdépendance entre l’Etat et le marché, car l’Etat est omniprésent dans tous les domaines de l’économie, de la facilitation de création d’emplois, à la création d’emplois sans oublier la stabilité politique et sociale. Son omniprésence est un frein majeur au développement.

Après plusieurs échecs, l’initiative PPTE a été mise en place en 1996, avant d’être renforcée en 1999. Il s’agit d’alléger la dette des pays très pauvres et très endettés. Il fallait pour chaque pays demandeur de cet allègement de mener pendant 3 ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale sous forme de programmes d’ajustement structurel.

Tous les pays concernés ont adopté un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). À la fin des 3 années, si le ratio du stock de la dette extérieure/exportations est supérieur à 150 %, le pays est déclaré éligible. En juin 2005, le G8, grands pays industrialisés avec le FMI, l’AID, de la Banque mondiale et du Fonds africain de développement ont annulé leurs créances sur les pays éligibles.

Finalement, en mars 2009, dans un document intitulé « Réponse du FMI à la crise financière et économique » le FMI a affirmé avoir commis des erreurs et avoir appris de ces erreurs et a même assuré que depuis la crise financière, aucun des prêts accordés n’était adossé aux conditions draconiennes utilisées dans le passé.

Selon une étude de la Banque mondiale, la dette extérieure totale des pays à revenu faible et intermédiaire a augmenté de 10 % en 2017 pour atteindre 7,1 billions de dollars, un rythme d’accumulation de dette plus rapide que l’augmentation de 4 % en 2016. Cette augmentation est due à des entrées nettes de dette de 607 milliards de dollars. Parmi les pays à revenu faible et intermédiaire, 31 % avaient un ratio dette extérieure/RNB supérieur à 60 % fin 2017, soit le double du nombre de pays ayant un ratio comparable à fin 2008, dont 11 pays où le ratio était supérieur à 100 %.

Lorsque la dette dépasse un niveau critique, elle devient un fardeau et exerce une pression négative sur l’investissement et la croissance. Plutôt que de s’endetter pour croître, les pays surendettés comme la plupart des pays africains peuvent renoncer à la croissance pour rembourser leurs dettes. Un pari risqué.

Comme de nombreux pays en développement, le Sénégal a été confronté à une grave crise de la dette extérieure, qui a conduit les autorités à signer 13 accords de réaménagement de la dette avec les créanciers du Club de Paris entre 1981 et 2000.

Au lendemain de cette crise, les initiatives prises par la communauté internationale au cours des années 2000, notamment l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM), ont permis au Sénégal de bénéficier de plusieurs centaines de milliards de francs CFA de remise de dette.

Mohamed Dia

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