Le guide suprême d’Iran Ali Khamenei a maintenu vendredi une attitude ferme contre les Occidentaux et laissé entendre que les manifestations antipouvoir survenues après une catastrophe aérienne étaient loin d’être représentatives de l’ensemble du peuple.
Ultime décideur dans les principaux dossiers de la République islamique, l’ayatollah Khamenei s’en est particulièrement pris aux Européens accusés d’être les «valets» des Etats-Unis, au regard du dossier nucléaire, lors de son prêche à la mosquée Mosalla de Téhéran.
C’était la première fois en huit ans que le numéro un iranien dirigeait la grande prière hebdomadaire musulmane à Téhéran.
Son prêche a été entrecoupé à plusieurs reprises par les slogans «Mort à l’Amérique» et «Mort à Israël» de la foule qui débordait largement de la mosquée sur l’esplanade alentour, selon des images de la télévision d’Etat.
Début janvier, les Etats-Unis et l’Iran, des ennemis jurés, ont paru à deux doigts de l’affrontement militaire direct.
Le 3 janvier, les Etats-Unis ont tué dans une attaque de drone à Bagdad le général iranien Qassem Soleimani, un commandant des Gardiens de la Révolution (armée idéologique d’Iran) et l’architecte de la stratégie d’influence régionale iranienne.
Cinq jours plus tard, le 8 janvier, l’Iran a tiré des missiles sur deux bases abritant des Américains en Irak, blessant 11 soldats américains. Le même jour, l’Iran a abattu «par erreur» un Boeing d’Ukraine International Airlines (UIA), juste après son décollage de Téhéran. La catastrophe a fait 176 morts, en majorité des Iraniens et des Canadiens.
Ce drame est un «accident amer» qui «a brûlé notre coeur», a déclaré Ali Khamenei. «Mais certains ont essayé de (l’utiliser pour faire) oublier le grand martyre et sacrifice» de Soleimani.
– «Un jour de Dieu» –
M. Khamenei faisait allusion aux manifestations éparses de colère qui ont eu lieu ces derniers jours en Iran pour protester contre le retard pris -3 jours- par les forces armées pour reconnaître leur responsabilité dans le crash de l’avion.
Louant l’action de Soleimani, présenté comme «le commandant le plus puissant de la lutte contre le terrorisme», l’ayatollah Khamenei a affirmé que le peuple iranien était en faveur de la «fermeté» et de la «résistance» face aux «ennemis».
«Le jour où des dizaines de millions de personnes en Iran, et des centaines de milliers en Irak et dans d’autres pays sont descendues dans les rues pour rendre hommage à Soleimani, ce jour est un jour de Dieu», a-t-il indiqué.
«Le jour où les missiles du Corps (des Gardiens de la Révolution) ont détruit la base de l’armée américaine en Irak est aussi l’un de ces jours de Dieu.»
Si la tension irano-américaine semble être retombée après la catastrophe aérienne, celle-ci a suscité l’indignation en Iran.
Dans les rues de Téhéran, la police anti-émeute a été déployée en force après l’organisation quotidienne de manifestations antipouvoir depuis que l’Iran a reconnu le 11 janvier son «erreur» dans le crash.
Concentrées surtout à Téhéran, les manifestations sont néanmoins apparues d’une ampleur nettement inférieure à la vague de contestation nationale de novembre contre la hausse du prix de l’essence, matée au prix d’une répression ayant fait au moins 300 morts d’après Amnesty International.
Selon des images diffusées sur les réseaux sociaux, une cérémonie jeudi à la mémoire des victimes du crash à Ispahan (centre) a tourné à la manifestation hostile aux autorités.
C’est un général des Gardiens de la Révolution qui a endossé la responsabilité du drame, affirmant qu’il avait été causé par l’opérateur d’une batterie de missile qui avait pris le Boeing pour un «missile de croisière», en pleine alerte «guerre» des forces iraniennes face à une éventuelle riposte américaine.
Après le prêche de M. Khamenei, la télévision d’Etat a diffusé des images de rassemblements de soutien au pouvoir et aux forces armées dans des villes de province.
Sur le dossier nucléaire qui empoisonne les relations de l’Iran avec la communauté internationale, Ali Khamenei a dénoncé la «lâcheté» des gouvernements britannique, français et allemand face aux Etats-Unis.
«Il est prouvé maintenant (…) que ces trois gouvernements européens sont les valets de l’Amérique, et ces gouvernement lâches attendent que l’Iran se soumette», a dit l’ayatollah Khamenei qui dit régulièrement que les Occidentaux ne sont pas dignes de confiance.
Washington s’est retiré en 2018 de l’accord sur le nucléaire iranien et a rétabli des sanctions asphyxiantes contre l’Iran. En riposte, Téhéran s’est affranchi d’engagements pris dans le cadre de ce pacte. Paris, Berlin et Londres, parties à l’accord, ont de leur côté déclenché un mécanisme pour tenter de contraindre Téhéran à revenir au respect total du texte.
Pour la Russie, la catastrophe aérienne montre qu’il est temps pour l’Iran et les Etats-Unis d’amorcer une «désescalade».