Innocence Ntap Ndiaye a grandi sous l’ombre de l’immense écrivain et homme politique, Seydou Badian Kouyaté. La Présidente du Haut conseil du dialogue social (Hcds) était dans la maison de l’écrivain à Bamako, lundi dernier. Trois jours plus tard, l’annonce de sa mort est comme un coup de massue qu’elle reçoit. Innocence Ntap raconte la vie de sa tante Henriette Carvalho D’Alvarenga aux côtés de l’auteur de Sous l’orage rappelé à Dieu samedi dernier.
«Les jours de Papa Seydou Badian à Ouakam»
Qu’est-ce qui vous lie à l’immense écrivain Seydou Badian qui vient de nous quitter à 89 ans ?
Je voudrais tout d’abord présenter mes condoléances à l’Afrique, aux Africaines et Africains. Oui parlant de la disparition de Seydou Badian Kouyaté on ne peut pas ne pas évoquer l’AFRIQUE et ses pères des indépendances. Alors quand par les circonstances de la vie vous croisez un tel homme, vous restez avec lui …à vie
On parle beaucoup de l’écrivain mais tonton Seydou était d’abord l’homme politique par excellence. On ne parle pas aussi de son épouse que nous appelions tata Henriette ( Carvalho d’Alvarenga) qui est une casamançaise, de Ziguinchor plus précisément, mais qui a accompagné son époux dans tous ses combats. Les Maliennes se rappelleront toujours de cette femme dont les compétences étaient connues et reconnues de tous. J’ai vu des femmes quitter leur pays et venir à Dakar pour qu’elle les assistent, lors de leur accouchement. Parce qu’à la chute du régime de Modibo Keita, après avoir connu les geôles de celui que les Maliens avaient surnommé G.M.T pour parler du Général Moussa Traoré, papa Seydou est venu vivre au Sénégal et a habité successivement à l’Avenue Courbet puis à Ouakam avant de retourner au Mali. A l’époque, beaucoup d’hommes politiques de tous bords, de tous les pays, venaient lui rendre visite à la maison
Il m’a donné le goût de la lecture (Jeune Afrique, Afrique Asie…) des débats politiques. Une ambiance très politique à la maison avec des discussions animées par les étudiants maliens à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il était aussi le tuteur de feu Mamadou Diarra dit Toto dont parle souvent Talla Sylla. Vous comprendrez aisément que, dés lors, évoluant dans un tel environnement ma voie était toute tracée.
«Ce que m’a dit Papa Seydou Lundi dernier…»
Quand avez-vous vu eu de ses nouvelles pour la dernière fois ?
Je n’ai pas seulement eu de ses nouvelles. J’étais avec tonton Seydou le 24 Décembre jusqu’à 21H peut être. Je suis arrivée à la maison vers 16H. Et son fils Yacine, à mon arrivée, m’a interpellée en ces termes : « tu avais dit à Papa que tu venais le matin. Depuis ce matin, il t’attend … » Je suis entrée dans la chambre et bien sûr j’ai tenté tant bien que mal de trouver des explications puis je me suis assise.
Nous avons beaucoup échangé. Surtout politique africaine, situation politique du Sénégal, du Mali etc
Par moments, je sortais pour laisser d’autres personnes qui étaient venues le voir rentrer pour quelques minutes. Mais quand on reprenait la discussion on la reprenait là où on s’était arrêté. Sa mémoire était intacte. C’était extraordinaire. Il voulait que je prolonge mon séjour de deux jours pour prendre part à la journée commémorant le deuxième anniversaire de la disparition de ma tante. C’était justement le 28 décembre. Mais en ma qualité de membre du jury national, je devais prendre part à la cérémonie de remise du Prix du Chef de l’Etat pour l’enseignant. Il a finalement compris et m’a fait prendre un autre engagement …celui de venir à la deuxième quinzaine du mois de Janvier!!!!Il est parti le même jour.
«J’aimais écouter Papa Seydou»
Qu’est- ce qui vous a marqué dans la vie de cet homme ?
Qu’est ce qui m’a marqué ? L’homme avait plusieurs facettes : l’homme de culture, l’homme politique, le pater familias tout simplement. J’aimais l’écouter.
Il était Papa Seydou pour tous. La maison ne désemplissait pas. Il recevait beaucoup. Je crois qu’au Mali, il a joué un rôle très important pour la consolidation de la paix et la cohésion sociale. Il était resté un acteur incontournable de la vie politique ces dernières années.
Le Mali s’apprête à faire des funérailles nationales pour lui, est-ce qu’il aurait aimé ce côté faste ?
Les funérailles nationales. Je pense que c’est le moins qu’on puisse faire. Ce ne sera pas pour lui. C’est pour le présent du Mali et la postérité de l’Afrique. Repose en paix Papa Seydou !
Mor Talla GAYE