Expo : Adama Paris raconte ses cheveux

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Adama Paris change de registre. Connu dans la mode, elle expose en tant qu’artiste. Pour un coup d’essai, c’est magistralement réussi. Puisque les musées et galeries s’arrachent ses tableaux, sous le thème de l’ « Afro Xpression ». Dévoilant sa technique, elle explique qu’elle allie « la photographie et la couture. » « Là, détaille-t-elle, sur les toiles, en fait, j’ai pris la photo que j’ai fait faire par un ami et après on a imprimé sur de la toile sur laquelle j’ai cousu à la main. Quand vous voyez la photo originale, je ne suis pas coiffée comme ça. J’ai trouvé ça intéressant. »

Afro Xpression

Pourquoi le thème des cheveux ? « Parce que tous les gens qui me connaissent savent que j’ai un rapport très intime avec mes cheveux, répond Adama Paris. Je fais toujours des coiffures très bizarres pour les gens et cela montre aussi ce côté de femme noire et africaine que j’assume parce que nous les femmes noires on a toujours une histoire très intime avec nos cheveux. Moi, quand j’étais petite, je détestais mes cheveux, je voulais avoir des cheveux de blanche, lisse. Adolescente, je voulais des tissages et maintenant, j’apprends à en jouer. Je les porte comme des parures, je change de coiffure tous les jours et cela fait de moi une femme différente à chaque fois et je crois que c’est un sujet qui est très intime aux femmes noires et pas qu’africaines parce que toutes les femmes noires du monde tu les prends, on a ce même truc, on sait comment se coiffer, ça dure 04 heures au salon. On sait que le tissage, ça enlève les cheveux de devant. C’était un thème qui était personnel. Comme l’expo, je voulais montrer quelque chose qui était liée à moi. C’est ce que j’aime faire mais j’avais un peu peur de le montrer. Le musée national de Berlin m’a appelée et m’a donné carte blanche pour faire ce que je veux. J’ai dit je veux parler des cheveux, ils m’ont dit oui. »

Le message aux femmes africaines

A travers son exposition, la styliste a un message à lancer aux femmes africaines : « Qu’elles peuvent assumer d’avoir leurs différences et pas seulement d’un point de vue de la peau mais c’est un plus qu’on a par rapport à toutes les femmes, les asiatiques ou les caucasiennes, par exemple. Donc, je pense que c’est quelque chose qu’on devrait magnifier plus. On devrait être fier de ça au lieu d’avoir honte. Il y a eu un moment les histoires de cheveux naturels. Finalement, peu importe ce qu’on porte tant qu’on est belle avec. C’est le message que je veux faire passer. »

Toutefois, pas moyen de lui faire lâcher le prix d’un de ses tableaux : « Il y a déjà des acheteurs. Je suis complètement contente. Tout est relatif, je pense que là, ce n’est jamais cher si on achète ce qu’on aime. Ce n’est pas une question d’argent. Pour moi, c’était me faire plaisir et aussi confronter mon travail au regard des gens et c’est très dur. J’étais angoissée, vraiment mal et je suis contente que ça plaise aux gens. C’est quelque chose de différent. »


La femme sur une rivière de cheveux

A côté des tableaux, l’exposition met en scène une femme africaine couchée sur une rivière de cheveux. Adama Paris explique : « Cela veut dire que nous les femmes noires qu’on est comme un arbre, nos racines sont toutes ensemble. Finalement, on vient de la même terre et on a, toutes, cette même vision de nos cheveux. Je pense qu’une américaine comprendrait une sénégalaise si celle-ci lui parlait de cheveux. Cela nous rassemble. » Toutefois, ajoute-t-elle, « la rivière de cheveux, ça a une signification personnelle, cela veut dire que moi en tant qu’Adama, j’ai grandi en n’aimant pas mes cheveux parce que comme j’étais très souvent en Europe, je voulais être comme mes copines blanches. Au réveil, ma mère me tressait et j’avais mal et c’est très dur quand tu es une petite fille. Maintenant, y a des produits mais avant il n’y en avait pas. Donc là, c’est une projection de luxuriance. Maintenant, j’aime mes cheveux jusqu’à ce que je me couche dessus. »

La suite se passera en Europe car souligne l’artiste, « l’autre expo se fera à Berlin et c’est la grande expo. Là (Dakar), c’est très peu de pièces pour l’expo de Berlin, de juillet à décembre 2019. Après, ce sera la Belgique. Je suis contente parce qu’il y a beaucoup de galeries et musées qui veulent ça. »
A noter la présence d’Abdoul Mbaye, Premier ministre dans le premier gouvernement du président Macky Sall, en 2012, à l’exposition, ce jeudi 28 juillet dans le hall de l’hôtel Pullman. « Je suis venu à cette exposition d’abord parce qu’Adama Paris est une vieille amie dans le sens vieille connaissance, a-t-il réagi. J’ai assisté déjà aux défilés qu’elle a organisés mais là, je viens assister à une idée originale, qui consacre une exposition à la coiffure africaine avec des cheveux africains parce qu’on a quand même suivi les critiques, la dépersonnalisation de la femme africaine par les cheveux. Il fallait les défriser pour avoir des cheveux lisses. Alors qu’avec les cheveux crépus on peut faire de très belles choses notamment les tresses. Je regarde les photos, elles sont splendides parce qu’il y a la noirceur qui est valorisée. Ce n’est pas toujours le cas dans nos pays mais également la coiffure authentiquement africaine et ça, c’est très important. Même dans la mode de part l’habillement, il est toujours très difficile de sortir des standards européens quoique la beauté est quelque chose d’universelle, il faut pouvoir allier tous les styles mais là, c’est vraiment africain et cela fait plaisir à voir. »

Venu des Etats-Unis, Moussa Versailles, le styliste qui habille Beyonce et Viviane Chedid, approuve également. « Une manifestation magnifique, exulte-t-il. Adama Paris est en train de mettre en valeur la beauté africaine et sénégalaise. Je ne vis pas ici mais il faut comprendre qu’il n’y a rien de plus beau que la beauté naturelle, la beauté noire. Il faut qu’on prenne conscience que nos femmes sont les plus belles au monde. La dépigmentation, c’est dépassé. Voilà, il faut en finir avec ces complexes. On est africains et fiers de l’être. On est magnifiques comme Dieu nous a faits. »

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