Général Mansour Seck «Une intervention militaire de la Cedeao au Mali serait catastrophique…»

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Général Mamadou Mansour Seck, ancien Chef d’Etat-major des Armées du Sénégal (Cemga), décode les menaces qui pèsent sur le Mali, avec la prise de pouvoir par les militaires. Dans cet entretien repris par Igfm, il explique pourquoi une intervention militaire de la Cedeao serait fatale pour le Mali et la sous-région. Le Général Seck donne également des pistes sur ce que doit faire le Sénégal pour ne pas subir les effets de la crise malienne.

En tant qu’ancien militaire, comment appréciez-vous la situation actuelle au Mali, avec la prise de pouvoir par des militaires qui viennent de forcer à la démission le Président Ibrahim Boubacar Keita (Ibk) démocratiquement élu en 2018 ?

Tout le monde se pose des questions sur ce qui se passe au Mali. Mais à mon avis, il ne faut pas accepter des pouvoirs militaires. Ce qui se passe au Mali ne s’explique pas. Ce n’est pas le rôle des militaires de s’occuper de politique. Ce qu’on apprend à l’école au militaire, c’est d’être un militaire républicain qui respecte la séparation des pouvoirs. Dans tous les pays, à plus forte raison, le Mali qui est menacé de toutes parts, la mission principale des militaires est d’assurer la sécurité et l’intégrité territoriale. Un coup d’Etat militaire est impardonnable dans une démocratie. Il est vrai que le Mali a énormément de problèmes, une bonne partie des civiles a montré son mécontentement en parlant du gouvernement de Ibk. Mais, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita a été élu démocratiquement. Donc, les institutions, en particulier la Constitution, doivent être respectées par tout le monde, y compris les opposants. C’est bien ça la démocratie. La majorité a décidé que c’est Ibk le président de la République du Mali. Maintenant, tout le reste peut être modulé, changé en fonction des circonstances. Les Présidents de la Cedeao sont venus aider le Mali en disant que la seule chose qui ne peut pas changer, c’est le Président qui a été élu démocratiquement.

Les militaires n’avaient-ils pas raisons d’intervenir, vu la situation que traverse le Mali ?

Comme je le dis, les militaires sont aussi des Maliens et qui savent aussi ce qui ne va pas. Mais, ce n’est pas une raison pour prendre le pouvoir. Ils (les putschistes) ont trouvé un argument en parlant de transition pour aller vers la démocratie. Je crois que ce sont des paroles. Quand ils (les militaires) sont au pouvoir et qu’ils ont la force, personne ne sait ce qu’ils ont dans la tête et ce qu’ils vont faire. La Cedeao a eu une bonne réaction en essayant d’aider les Maliens. Mais, il y a des choses que seuls les Maliens entre eux doivent pouvoir faire. Il faut surtout absolument que ce soient les militaires ou les civils maliens, ne prennent pas des mesures qui continuent à affaiblir encore le dispositif de sécurité, c’est-à-dire, l’Armée qui est déjà une Armée très pauvre et mal équipée. Une Armée qui a un territoire de plus de 1,2 million de kilomètres carrés, 5 fois la surface du Sénégal. Cette Armée a besoin d’être dans de bonnes conditions matérielles et d’être bien équipée. Cela devait être la priorité des militaires et non de faire de la politique.

Est-ce qu’une intervention militaire de la Cedeao au Mali pour rétablir l’ordre constitutionnel peut être envisagée?  

Non. Je ne pense pas que ce soit la meilleure solution. Je pense que cette intervention de la Cedeao ne peut être que politique et diplomatique. Et amener les Maliens à être responsable. Rien ne doit arriver au président de la République (Ibk) et son staff. Les Maliens ne doivent voir que l’intérêt supérieur de la Nation. C’est la meilleure voie de sortie de la crise. La Cedeao ne vient pas comme interventionniste. Elle vient pour aider le Mali. Seuls les Maliens peuvent prendre des décisions et savoir comment s’en sortir.

Une force d’intervention militaire de la Cedeao n’est donc pas nécessaire au Mali, pour l’instant ?

Je ne suis pas pour. Ça serait encore compliquer la situation, si la Cedeao intervient militairement au Mali. Je pense que l’Armée malienne classique, pas celle qui a pris le pouvoir, a besoin de renforcement en hommes, en équipements et en formation. Je ne pense pas que l’intervention de la Cedeao au Mali puisse être militaire.

Ce qu’a fait la Cedeao en Gambie pour précipiter le départ de Yaya Jammeh du pouvoir ne peut-il pas se faire au Mali ?

Il y a une petite similitude, mais c’est différent. En Gambie, il s’agissait d’un chef d’Etat dont personne ne voulait, qui a tué des gens, etc, et qui a perdu des élections. Alors que Ibk a gagné des élections. Donc, c’est différent. Mais, tout le monde a constaté qu’il (Ibk) n’était pas à sa place et que le pays qui est déjà pauvre, il a abusé de son argent. Je ne vois pas une intervention militaire pour le Mali, mais plutôt une intervention diplomatique et politique.

Si la Cedeao venait à intervenir militairement au Mali, quelles seraient les conséquences pour la sous-région, surtout pour des pays voisins comme le Sénégal ?

Ça serait la catastrophe non seulement pour le Mali, mais pour la sous-région. Ça veut dire qu’on aura des Maliens contre des Sénégalais, des Nigériens, etc. On n’a pas besoin de cela. Le Mali a besoin de paix, de sécurité. Je suis contre toute intervention militaire au Mali. Mais, ça aussi demande une responsabilité des deux côtés (Cedeao et des Maliens). Les Maliens doivent écouter leurs frères qui viennent pour les aider et pas pour intervenir.

Quel rôle le Sénégal doit jouer aujourd’hui dans cette crise malienne ?

Le Sénégal a sur place à la Munisma, le contingent le plus important. Ce qui veut dire que c’est par amitié et co-fraternité. Envoyer des soldats au Mali, ça veut dire que nos enfants risquent leur vie pour aider les Maliens. Pour cette crise malienne, il ne faut pas que le Sénégal fasse une action solitaire au Mali. Il faut que ça soit une affaire commune, raisonnée où il y a l’unanimité de ce qu’ils (les responsables de la Cedeao) ont à faire pour pouvoir intervenir et être efficace au Mali. Mais en tant qu’Etat, le Sénégal doit renforcer sa propre sécurité sur la frontière Est avec le Mali et la Mauritanie.

Diaraf DIOUF Infos Rewmi avec Igfm

 

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