Le moins que l’on puisse dire c’est que les personnes en situation de handicap rencontrent une panoplie de difficultés voire de défis d’insertions psychosociales du fait de leur situation d’indigence, d’impotence et de vulnérabilité. Sur ce, sans prétendre à l’exhaustivité, il sied de répertorier quelques problèmes parmi les plus saillants que vivent en silence les personnes handicapées.
A l’analyse, le constat général, c’est que cette couche sociale est souvent stigmatisée, étiquetée, marginalisée et méprisée. Ce faisant, ces personnes finissent par perdre leur estime et confiance en soi et se résignent dans une situation de retrait voire de retraite sociale, de honte, de silence, de repli sur soi jusqu’à l’inhibition.
Une telle stigmatisation est le reflet des représentations sociales négatives, archaïques et obscurantistes que la communauté se fait en général du handicap. S’il rime avec malédiction, transgression, péché, sanction, sorcellerie, il va sans dire que la personne handicapée sera regardée de façon différentielle. Ce qui entraîne subséquemment l’exclusion sociale. Dans le domaine éducatif par exemple, force est de noter que certaines personnes handicapées sont considérées comme inaptes et inéducables alors que le droit à l’éducation est un droit fondamental et quel que soit le type et la lourdeur du handicap, l’enfant doit en bénéficier.
D’après l’article 19 de la loi n° 91-22 du 16 Février 1991 portant orientation de l’Education nationale, modifiée, l’éducation spéciale, partie intégrante du système éducatif, assure la prise en charge médicale, psychologique et pédagogique des enfants présentant un handicap de nature à entraver le déroulement normal de leur scolarité ou de leur formation. Son objet est de dispenser aux jeunes handicapés une éducation adaptée à leurs besoins et à leurs possibilités, en vue de leur assurer l’évolution la meilleure, soit par l’intégration dans les structures scolaires ou de formations communes, soit par une préparation spéciale, adaptée aux activités professionnelles qui leur sont accessibles.
C’est dans ce même sillage que s’inscrit la loi d’orientation sociale n°2010-15 du 6 juillet 2010 relative à la promotion et à la protection des droits des personnes handicapées. Aux termes de l’article 15 de ladite loi, l’Etat garantit le droit à l’éducation, l’enseignement, la formation et l’emploi pour les personnes handicapées. Les enfants et adolescents handicapés ont droit à une éducation gratuite en milieu ordinaire autant que possible dans les établissements proches de leur domicile. Lorsque la gravité du handicap empêche l’intéressé de fréquenter avantageusement un établissement d’enseignement ordinaire, celui-ci est orienté vers un établissement spécialisé par la Commission départementale d’éducation spéciale.
Toutefois, force est de constater que cet arsenal juridique est ineffectif à bien des égards. En effet, il existe peu d’écoles inclusives au Sénégal. De plus, s’agissant des enfants admis dans les écoles ordinaires, ils sont souvent confrontés à une absence de pédagogie différenciée et au regard stigmatisant des pairs. Toutes choses qui influent conséquemment sur les performances scolaires.
Quid de l’insertion professionnelle des personnes handicapées, ils sont aussi victimes de discrimination et peinent à trouver un emploi décent et convenable même si l’article 25 de la constitution sénégalaise interdit expressément toute discrimination liée à l’emploi. N’a-t-on pas refusé à un handicapé moteur un poste d’enseignant alors même qu’il était classé 2ème au concours des volontaires de l’éducation (voir C.E, 29 Juin 2000 association des handicapés moteurs du Sénégal contre Etat ).
Ceci n’est qu’un exemple patent parmi tant d’autres et ce dans tous les secteurs.
A la lumière de toutes ces considérations sus-évoquées, pour jeter les bases d’une société inclusive et équitable, il y’a lieu de mettre l’exergue sur la déconstruction des représentations sociales et stéréotypes sur le handicap. Pour ce faire, il faut un travail titanesque de sensibilisation, d’éducation et de persuasion. De plus, il serait judicieux de veiller à l’effectivité de l’arsenal juridique existant tout en mettant en place des politiques sociales plus inclusives dans tous les domaines. Tous ensembles pour une société inclusive c’est-à-dire une société sans privilèges, exclusivités et exclusions d’après Charles GARDOU.
Emmanuel DIOUF, conseiller en travail social et conseiller juridique