La Côte d’Ivoire et le Bénin ont retiré à leurs citoyens et ONG la possibilité de saisir la cour africaine des droits de l’Homme et des peuples. Les défenseurs des droits humains y voient un recul démocratique.
Il ne reste plus que quelques pays (le Burkina Faso, le Ghana, la Gambie, le Malawi, le Mali et la Tunisie) qui permettent à leurs citoyens et aux ONG de saisir directement la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP). Après le retrait du Bénin suivi de la Côte d’Ivoire ce mois d’avril, la Cour est menacée de paralysie, affirme Fatsah Ougergouz, un ancien vice-président de cette juridiction.
Une Cour africaine devenue indésirable
Le porte-parole du gouvernement ivoirien Sidi Tiemoko Touré dénonce les « graves et intolérables agissements que la Cour africaine s’est autorisée dans ses actions », après une décision de la juridiction africaine en faveur de l’ex-Premier ministre et candidat à l’élection présidentielle Guillaume Soro.
La Cour africaine des Droits de l’Homme (CADHP) est donc condamnable aux yeux du gouvernement béninois pour qui elle se heurte déjà à trop d’égarements qui perdent ses compétences et l’éloignent de son but. Ces allégations font suite à une injonction que l’instance de Droit a édicté à l’Etat du Bénin de suspendre les élections communales du 17 mai prochain et ce, sous la demande de l’opposant béninois, Sébastien Ajavon.
Sébastien Ajavon se plaint de “préjudices irréparables” en cas d’organisation des élections en son absence. Le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Me Alain Orounla, a immédiatement réagi, fustigeant “une décision dont l’application remet en cause la souveraineté de l’État béninois.” Et d’ajouter qu’il “n’est pas dans les prérogatives de la CADHP d’enjoindre à un Etat d’interrompre son processus électoral qui est un acte de souveraineté”, a-t-il déclaré.
Le ministre de la justice béninois, maître Sévérin Quenum constate que « les égarements de la Cour africaine sont devenus source d’une véritable insécurité juridique et judiciaire ». La CADHP aurait connu d’un dossier qui relève du droit commercial, critique-t-il. Le retrait du Bénin n’aurait rien à voir avec le dossier de l’opposant Sébastien Ajavon.
Ancien président de la Cour constitutionnelle au Bénin, l’avocat Robert Dossou regrette un recul, du fait du retrait des dirigeants africains.
Selon lui, « lorsqu’on fait un recul de ce genre, on n’est pas dans le progrès, on avoue être gêné par des condamnations prononcées contre soi. Certains Etats africains n’aiment déjà pas que leurs propres tribunaux nationaux les condamnent. Donc ce qu’ils reprochent à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est également reprochable à certaines juridictions nationales. Ceux qui se retirent, on ne peut qu’en prendre acte. Mais on comprend le message que le retrait véhicule ».