Les ravages du Syndrome respiratoire aigu sévère à coronavirus 2019 (SRAS COV 19 ou COVID 19) ont conduit plusieurs Pays développés, où il a sévi en premier, à développer quelques tentatives de réponse.
Destinées à arrêter sa propagation, celles-ci consistent en des mesures d’allégement des processus et d’organisation qui peuvent inspirer les PED dans (i) les priorités de développement, (ii) l’organisation de l’occupation des espaces de vie et du temps de travail et aussi (iii) leurs modalités de gouvernance.
1. Investir dans le savoir et le bienêtre
Faire focus sur les secteurs sociaux, socles des politiques de développement durable
L’avènement de la pandémie a mis à nu la vanité du tout libéral qui se traduit, pour le secteur éducatif, par la segmentation des citoyens face à l’offre éducative (France, Luxembourg, USA, etc.) et pour le secteur sanitaire, par la remise en cause de la protection sociale (exemple de la CMU combattu par les Républicains et le Président Trump aux USA) et parla faillite du système de santé publique en France (hôpitaux fermés, personnels négligés).
Au niveau des PED, les décideurs, soumis, durant des années, au Consensus de Washington et à ses politiques de privatisation et de restriction budgétaires, ont choisi de négliger les secteurs sociaux, exposant ainsi leurs populations à diverses menaces.
L’apparition du COVID 19 constitue incontestablement un déclic pour les élites des PED (africains, en général) confinées chez elles en raison de la fermeture des frontières et de la surcharge exponentielle des structures des pays occidentaux alors qu’elles œuvré au délitement de leur système de santé.
On peut en dire autant du secteur de l’Education fortement ébranlé parla pandémie qui a révélé l’ignorance d’importants segments de la population incapables de s’autonomiser en savoir et en pensée. Certains citoyens ont nié l’existence du coronavirus et n’ont pas pris au sérieux les mesures de prévention préconisées par les spécialistes alors que d’autres préfèrent ne recourir qu’aux prières.
Ces attitudes ont parfois conduit les populations à défier l’autorité publique en contrevenant aux mesures de confinement et/ou en s’insurgeant contre les forces de l’ordre en période d’Etat d’urgence (Sénégal, Rwanda, Italie…).
Le COVID 19 a donc contribué, s’il en était besoin, à mettre en exergue l’importance de lutter contre l’ignorance en promouvant la rationalité, la science. En effet, si nombre pouvoirs publics de PED ont été quasi paralysés dans les réactions qu’ils auraient dû déployer, en début d’épidémie, c’est surtout parce que le déni de virus, partagé par une armée de profanes prompts à se prononcer sur des matières sur lesquelles ils n’ont aucune compétence, a pris le dessus sur l’éclairage des sachants.
On ne peut parler de la Santé et l’Education sans évoquer le Service social fortement secoué par le COVID19 dans les Pays développés (France, USA, Italie, Espagne) et si peu valorisé dans les PED. Pourtant, les intervenants sociaux sont les mieux armés pour gérer les individus et les groupes en situation de crise et pour opérer des interventions de renforcement psychologique. Ils sont également aptes à accompagner les animateurs et opérateurs de développement à autonomiser les populations.
Ramener la Planification au-devant de la scène
Investir sur le savoir et le bien-être commence par avoir une lisibilité de l’environnement lointain et proche. C’est l’une des fonctions de la planification dont les défaillances dans les PED ont été mises en évidence avec la pandémie.
Pour pouvoir compter sur de systèmes de santé de qualité, déposer sa confiance dans des ressources humaines bien formées et faire face, de manière optimale, à une pandémie, il faut, d’abord, avoir envisagé son apparition et avoir anticipé sur les précautions au regard des leçons apprises de faits similaires ou d’une réalité approchante.
La planification, et, à travers elle, ses fonctions prospective et évaluative, devrait être réhabilitée en vue de faire office de boussole pour les politiques et stratégies de développement à travers des systèmes résilients.
2. Agir sur nos modes d’organisation du l’espace et du temps
L’aménagement des horaires de travail
Réfléchir sur les modalités de mobilisation d’une masse critique de travailleurs pendant que d’autres sont libérés ou allégés de leurs devoirs contribuerait au mieux-être des actifs ainsi déchargés et donc à la vie économique du pays. En effet, à chaque période de repos, ces agents se déploieraient dans des occupations domestiques (aménagement d’intérieur, jardinage, encadrement enfants…), les loisirs, le shopping.
Pérenniser de telles mesures, largement adoptées avec la pandémie, favoriserait le plein épanouissement des actifs et, si l’on s’en rapporte aux célèbres expériences de Mayo, la productivité liée à l’amélioration du climat de travail. D’autres avantages pourraient se faire jour en termes de réduction de l’empreinte carbone, d’amélioration de la santé des citoyens et d’économies de ressources et de temps dans les affaires publiques, privées et/ou sociales.
En plus de cela, il convient d’apporter des innovations supplémentaires dans la GRH. Parmi celles-ci, soulignons la possibilité d’opérer des réorganisations en vue de faire débuter la journée de travail pour certains actifs à une heure h et pour d’autres à h+1, h+2…h+n.
Adopter l’administration électronique et le télétravail
Les inefficacités de l’administration (publique ou privée)s’expliquent, en partie, par l’engorgement des lieux de travail par les citoyens (usagers ou clients) qui squattent les bureaux à cause de processus de travail sciemment allongés, ce qui est une source de tensions et de retards.
Pour pallier ces insuffisances, il convient de simplifier et de dématérialiser les procédures dont on oublie, à force de recourir à elles ou de se réfugier derrière leur froideur, qu’elles sont établies pour sécuriser les processus de travail et non pour les alourdir.
A l’image du chemin critique en planification qui accorde une importance toute particulière aux activités essentielles d’un projet, il faudra identifier les processus clé à conserver et passer à une étape supérieure qui serait de les mettre en ligne. Bénéficier d’un service à distance sans qu’il y ait besoin pour le citoyen (usager ou client) d’être en contact direct avec l’administration in situ renferme plusieurs avantages dont le moindre n’est pas la suppression de certains contacts corruptogènes entre agents publics et usagers.
Faciliter la vie au citoyen, c’est s’inspirer d’exemples probants de pays (Cap Vert, Maroc, …) où les bases de données sont très fonctionnelles (information demandée une seule fois et aussitôt répertoriée et partagée) dans le cadre d’une administration électronique et de processus intelligents (Estonie).
Ces défis appellent aussi de recourir au télétravail, adopté par les pays développés, dans le cadre d’alternatives complémentaires au travail sur site. Ce procédé a plusieurs avantages dont le moindre n’est pas de réduire les charges locatives pour les employeurs ou de contribuer à la réorientation de leurs investissements immobiliers vers d’autres destinations. Il est, d’ailleurs, très adapté au privé, en particulier dans le cadre de l’e-commerce, un secteur prometteur pour les PED.
L’aménagement des systèmes et modalités de paiement
Les villes frémissent comme des ruches lors des fins du mois qui constituent des périodes d’engorgement dans les PED. Au-delà des phénomènes de surcharge notés sur des infrastructures de transport, durant cette période, viennent se greffer une sollicitation intense des services et une fréquentation déraisonnable des sites du tertiaire marchand (banques, commerces, transports) ou non marchand (administration et secteurs sociaux).
Il importe donc faire bouger les lignes en élargissant les systèmes de paiement existant déjà (cartes bancaire, mobile money…) et, surtout, en agissant sur les moments de paiements, en particulier en s’inspirant de l’exemple de pays où il est d’usage de rémunérer périodiquement la force de travail (au jour le jour, pour une période de x jours, à la semaine ou au mois).
Une telle mesure favoriserait la circulation de l’argent puisque les ressources que détiendraient les salariés payés avant d’autres serviraient à tous lorsqu’ils sont réinjectés, par le moyen de la consommation, dans le cycle de l’économie.
3. Donner du sens à la bonne gouvernance
Donner du crédit à la transparence de l’information
Le COVID 19 est apparu sur terre comme Attila donnant matière à certains esprits à se convaincre de ce qu’ils faisaient face à un insurmontable fléau de Dieu. Sa propagation aurait pourtant pu être très tôt contenue si son environnement de départ n’était pas un pays où la circulation de l’information subit plusieurs filtres.
Ces filtres sont, en réalité, des instances ou niveaux de censure obérant l’efficacité de la décision ainsi que le Maire de Wuhan, dont on a voulu faire un bouc émissaire, a eu à le révéler. Les effets pervers de cette forme de capture de l’information ont conduit à la punition de journalistes, lanceurs d’alerte, et même de scientifiques obligés de faire fuiter le génome du coronavirus pour donner au reste du monde les moyens de contenir la propagation de la maladie qui n’avait pas encore atteint le stade de pandémie.
Les PED devraient en faire de la transparence de l’information une pierre angulaire de leur action car elle apporte ce surcroît de légitimité nécessaire aux décideurs politiques et leur permet de raffermir l’autorité de l’Etat à travers une meilleure assise de la citoyenneté et de l’exemplarité (l’exemple des Pays nordiques est édifiant à ce sujet).
Il n’y a pas de droits sans devoirs et l’autorité devrait pouvoir le faire comprendre à ceux qui l’ont élue même si pour cela il faut des renoncements. Il y a lieu, en effet, de bannir l’esprit partisan et de strictement respecter les prérogatives des arbitres institutionnels (comme ce fut le cas, en Afrique du Sud ou à Maurice avec une Justice exerçant son pouvoir fut-ce à l’encontre de la plus haute autorité).
Assainir le processus décisionnel
Le conseil est un élément important auquel s’adosse la décision car il permet d’avoir une diversité d’opinions de spécialistes et ainsi de minimiser l’erreur. Il aide à réduire les errements liés à l’asymétrie d’information ou à la rationalité limitée si chère à la science économique et pourtant si présente dans les processus managériaux.
Les expériences de gestion de crise en contexte de COVID 19 ont fini de révéler dans beaucoup de pays (France, USA, Sénégal…) combien il est important, dans le cadre de la délivrance de l’information, de calibrer les annonces en recourant aux principes de subsidiarité ou de délégation, de sorte que le niveau de décision le plus approprié puisse se prononcer en temps opportun.
Investir hâtivement sa parole dans certains sujets engage à l’erreur. L’information peut être partielle et ses réajustements amènent le message à évoluer. Ne pas prendre de tels éléments en considération peut contribuer à éroder la crédibilité du décideur qui donnerait ainsi l’impression de rien maitriser. En effet, la voix de l’autorité, si elle se fait rare, peut être mieux reçue.
C’est pourquoi, il convient de consolider l’Etat de droit propice à l’interaction sereine entre les différents protagonistes autour de consensus forts favorables à la sécurisation du processus décisionnel dans les cas d’urgence manifeste. Comme en atteste la gestion de la pandémie, rien n’est plus effrayant, en situation de péril, que l’image renvoyée par un décideur politique hésitant à prendre ses responsabilités parce qu’il craint d’être attaqué, dans ses propres rangs.
Pour conclure, on peut estimer qu’un des enseignements majeurs de la pandémie est l’urgence de remettre le savoir et l’orthodoxie à leur véritable place et de susciter l’humilité et le désir de l’excellence chez de nombreux ignorants qui constituent un danger pour tous.
L’expérience du confinement a poussé l’humanité à jeter un regard étonné sur sa fragilité (infection de Prince, Ministres, décès de décideurs et de célébrités…) et fort heureusement aussi sur la réversibilité des dommages causés par ses modes de production et de consommation.
Les PED pourront tirer parti des leçons apprises du passage de COVID 19 s’ils reconsidèrent leurs modes d’action en vue d’améliorer l’organisation de leur espace de vie (social et professionnel) et leur temps de travail.