Le droit de tâtonner comme tout le monde (Par Madiambal Diagne)

0 39
Tous les laboratoires et centres de recherches du monde sont à la recherche d’un traitement efficace pour contenir la pandémie du Covid-19. Un médicament n’est pas encore disponible et chaque médecin, pour rester en adéquation avec son serment d’Hippocrate, ne saurait baisser les bras et refuser de soigner des malades, faute d’un remède déjà homologué par les autorités sanitaires.
Ainsi, chacun s’y essaie pour chercher à soulager ses patients, à l’aune de sa propre initiative, son flair, son jugement, son intuition, son analyse de la maladie et de ses expériences personnelles ou des idées ou tuyaux partagés çà et là. Aucun traitement n’est donc garanti, mais à force de combinaisons de divers médicaments, déjà connus et utilisés pour traiter d’autres pathologies, des milliers de patients arrivent à être tirés d’affaire. Il n’est pas question de faire n’importe quoi, les spécialistes engagent leur crédibilité, leur réputation scientifique et leur responsabilité personnelle. Les autorités sanitaires des différents pays s’évertuent de leur côté à encadrer les méthodes et modes de traitement. Il reste qu’en l’espèce, les protocoles traditionnels pour l’acceptation d’un traitement ne sauraient être de rigueur, car la maladie n’attend pas, elle continue de causer des centaines de milliers de morts et frapper plusieurs millions de personnes à travers le monde. C’est une urgence sanitaire à laquelle le monde doit faire face.
La mise au point définitive d’un vaccin est annoncée pour quelques mois encore. Pour l’heure, il n’existe pas de vaccin contre le Covid-19, mais plusieurs entreprises travaillent à la conception d’un vaccin contre ce nouveau coronavirus. Ces équipes de chercheurs travaillent pour le compte de laboratoires français, britanniques, japonais, allemands, chinois et autres. En l’absence d’un traitement efficace, le vaccin est l’unique solution pour un retour à la « normalité », selon l’Organisation mondiale de la Santé (Oms). On retiendra donc, qu’en attendant le vaccin, les remèdes préconisés sont divers et variés et aucun n’emporte l’adhésion totale et entière de la communauté scientifique et des médecins. Pour chaque traitement préconisé, des voix et non des moindres se lèvent pour exprimer des réserves.
Quelles pistes de médicament contre le coronavirus ?
La littérature médicale de ces derniers jours présente un panorama des traitements disponibles et utilisés. Dans la recherche d’un traitement contre le Covid-19, la chloroquine fait office de favorite. Le Pr Didier Raoult, conforté par des succès médicaux à Marseille, a tenu, contre vents et marées, à défendre son traitement à base d’hydroxy-chloroquine, couplée à l’antibiotique azithromycine, contre le Covid-19. La molécule est sujette à débat, mais le taux de guérison dans les services du Pr Raoult, et surtout le très faible taux de létalité constaté chez ses patients ont fini par faire accepter ce traitement utilisé contre le paludisme, avec certaines réserves et précautions formulées, notamment par l’Agence européenne des médicaments, du fait de possibles effets secondaires. Ces médicaments sont susceptibles, entre autres, de causer des problèmes de foie et de reins et d’endommager des cellules nerveuses. La Federal drugs administration (Fda) des États-Unis a mis en garde contre d’éventuelles complications d’ordre cardiologique. Il reste que ce traitement a permis indubitablement de sauver des vies. L’utilisation de ce traitement au Sénégal et dans de nombreux autres pays africains a donné des résultats qui ont conforté le Pr Raoult, qu’il n’y a pas encore contre le Covid-19 un traitement plus probant que celui qu’il a mis au point.
D’autres patients ont été traités, certes avec succès, à l’aide de produits anti inflammatoires et/ou des antiviraux utilisés dans le traitement du Sras, du Vih/Sida ou de Ebola. Un autre traitement, très rapidement abandonné, a été conçu sur la base de sang de ver marin. Des essais cliniques consistant en la transfusion de plasma de patients guéris du Covid-19, contenant des anticorps dirigés contre le virus et qui pourrait transférer cette immunité à un patient souffrant du Covid-19, ont été testés avec un succès très relatif. Des médecins japonais et australiens ont testé des anti-parasitaires pour traiter des patients atteints du Covid-19. Des neuro-biologistes ont préconisé de faire usage de la nicotine dans les traitements. Aussi, le Bcg, un vaccin antituberculeux, est une piste potentielle dans la lutte contre le Covid-19. En effet, des « études épidémiologiques ont montré de façon intéressante une corrélation entre taux de vaccination au Bcg et taux de morbidité et de mortalité face au Covid-19 ». Tout en restant prudent, l’institut Inserm en France a évoqué que le sérum « pourrait permettre de diminuer l’importance de l’infection au virus Sars-CoV-2 en stimulant la mémoire de l’immunité innée ». Tous ces traitements pour venir à bout du virus sont accompagnés de soins palliatifs.
Un nouvel espoir pointe de Madagascar
C’est dans un tel contexte que des scientifiques malgaches ont proposé un traitement du Covid-19, à base d’une plante médicinale, l’Artémisia, sous forme d’infusion. L’annonce publique a été faite le 20 avril 2020. On ne peut pas ne pas relever le mépris affiché d’emblée par les milieux scientifiques, à l’annonce de ce traitement préconisé par l’Institut Malagasy de recherches appliquées. Les contempteurs n’ont même pas cherché à le tester. Le jour même de l’annonce de ce traitement, l’Académie de médecine de Madagascar a rejeté en bloc le remède proposé. La démarche est apparue assez curieuse, pour des scientifiques qui se sont ainsi permis de contester les résultats des travaux de chercheurs sans avoir pris le temps ou la précaution élémentaire de les étudier. Les membres de l’Académie de médecine de Madagascar vont finir par relativiser leur jugement après une rencontre, le 24 avril 2020, avec le président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina. Cette rapide volte-face indique bien que les motivations du rejet du traitement, à l’aide de breuvages à base d’Artémisia, n’étaient pas fondées sur des bases scientifiques absolues.
Le propos n’est pas ici de chercher à défendre le traitement malgache, mais il semble présenter un certain espoir. En effet, la décoction du Covid-Organics, préparée avec des tisanes, est censée prévenir et guérir le Covid-19. Serait-il interdit de lui accorder un quelconque crédit quand on juge les statistiques de Madagascar face à la maladie ? Ce pays a enregistré son premier cas le 20 mars 2020 et on n’y dénombre, à la date d’hier, que 123 cas confirmés de Covid-19, avec 62 malades guéris. On notera qu’aucun décès n’est déploré sur la Grande Ile pour cause de la pandémie. Cela a poussé un citoyen malgache, sans doute révolté par les quolibets des médias occidentaux contre le Covid-Organics, de leur balancer avec dépit : « Comptez vos malades et vos morts, nous comptons les nôtres à Madagascar ! »
Il est difficile de ne pas se révolter contre cette forme de condescendance qui voudrait que d’autres chercheurs du monde peuvent essayer des traitements, dont le succès n’est pas garanti, mais que la même chose n’est point acceptable pour des Africains, encore moins des chercheurs malgaches. Pour lutter contre le Covid-19, tous les médecins et chercheurs du monde tâtonnent encore, pourquoi alors ne reconnaîtrait-on pas aux Africains le droit de tâtonner eux aussi ? Des laboratoires et centres de recherches, de partout à travers le monde, ont utilisé des raccourcis, des remèdes sans protocole dûment validé pour traiter des malades du Covid-19. Il avait fallu des polémiques autour du traitement proposé par le Pr Didier Raoult avant que les autorités sanitaires françaises ne finissent pas l’accepter avec les mêmes réserves que s’agissant des autres thérapies utilisées en Europe, en Amérique, en Asie ou en Australie.
Pourtant, le Covid-Organics n’est pas un breuvage sorti d’on ne sait où. L’Artémisia est une plante déjà bien connue et dont les propriétés pour guérir le paludisme sont scientifiquement reconnues. Cette plante qui serait venue de Chine est développée à Madagascar depuis plusieurs décennies. Des chercheurs l’ont préconisée efficacement contre le paludisme. Cette plante s’est développée en Afrique où de vastes plants d’Artémisia sont cultivés, au Sénégal et dans de nombreux autres pays. D’ailleurs, le médecin-chercheur congolais, le Dr Jérôme Munyangi, s’est illustré avec ses recherches sur cette plante. Seulement, de tels résultats ne sont toujours pas encore acceptés par les autorités médicales du monde, sans qu’une objection à caractère strictement scientifique ne soit formulée contre ce traitement antipaludéen. Divers reportages ont pu être réalisés par des médias pour s’étonner que ce mode de traitement antipaludéen continue toujours d’être snobé, en dépit des preuves tangibles de son efficacité. Cet état de fait est-il lié aux énormes enjeux commerciaux qui entourent l’industrie pharmaceutique ?
En attendant, on ne voit pas pour quelle raison l’Artémisia ne devrait pas être utilisée pour participer à soigner les patients atteints du Covid-19, d’autant que nul ne peut indiquer une toxicité du produit. Si on accepte la chloroquine, on devrait véritablement accepter l’Artémisia jusqu’à meilleure découverte médicale. Dans l’absolu, aucun remède pour guérir des pathologies n’est définitif, car il est courant de voir de grands laboratoires ou des autorités sanitaires décider de retirer tel ou tel produit médicamenteux pour cause de méfaits découverts auprès de patients traités.
Malgré tout, il restera toujours desfarfelus pour inventer des remèdes
La psychose que continue de susciter le Covid-19 a poussé de nombreux farfelus à préconiser des remèdes les plus surréalistes. Cela constitue un véritable danger. Devant l’impuissance à juguler la propagation de la pandémie et les ravages qu’elle provoque, des chefs d’État se sont permis des libertés condamnables. Ainsi a-t-on vu le Président guinéen, Alpha Condé, préconiser son remède de « mentholatum », avec de la boisson chaude, ou le Président Ougandais Yoweri Museveni s’adonner à des exercices de pompes pour venir à bout de la maladie. De telles frasques auraient pu simplement faire rire si la pandémie du Covid-19 ne constituait pas le plus grave péril sanitaire que l’humanité a connu ces derniers siècles. Ces sorties ubuesques ont pu porter tort au Covid-Organics du fait que la promotion de ce remède a été assurée par le chef de l’État malgache lui-même.
Un autre chef d’État africain qui joue au sorcier, aurait-on pu se dire ? On se rappelle encore combien était remplie la cour d’un certain Yahya Jammeh qui, du temps où il dirigeait la Gambie, jouait au guérisseur du Sida, entre autres pathologies. Mais le Président américain Donald Trump fera oublier la désinvolture coupable de Boris Johnson (Grande Bretagne) ou de Jair Bolsonaro (Brésil) face au Covid-19. Le Président Trump préconise d’inoculer des produits antiseptiques aux malades et de les exposer à de puissants rayons Uv. Quand tout le monde lui tombe dessus, le Président Trump revient pour dire que son propos procédait d’une blague. Une bien mauvaise blague sur le sort de milliers de morts !
Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.