LE « NDIGUËL » DES MORTS

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Les morts que la République honore, Macky les choisit en fonction de ses intentions politiques – Ceux qui s’attendaient à entendre deux mots de lui après le rappel à Dieu de Mamadou Diop, ancien maire de Dakar, se sont rendus à l’évidence

L’actualité politique de ces deux dernières semaines aurait dû essentiellement tourner autour de l’officialisation de l’évincement de Khalifa Sall. De l’illégitimité du décret qui a relevé ce dernier de ses fonctions électives, à la désignation de son remplaçant, ce samedi, en passant par l’empressement à convoquer le conseil municipal de Dakar, la presse avait suffisamment matière à disserter. Mais, c’était sans compter sur le leader de l’APR qui s’est encore servi d’un mort pour, avec la bénédiction des média, asséner un coup politique.

Bruno Diatta a eu droit à un hommage étatique. La République s’est arrêtée, les institutions se sont inclinées, l’armée nationale s’est déployée, la fanfare a raisonné, l’hymne national a retenti et Macky Sall a lu l’oraison funèbre sous le regard bienveillant des journalistes. Pourtant, à part que c’est avec lui que s’est éteint celui qui a directement servi quatre présidents de la République, le chef de l’Etat n’a rien indiqué qui puisse justifier un tel engouement, autant d’égards. Car, à part cette caractéristique, certes rare, mais dont  pouvait se targuer feu Djibo Leyti Kâ, il n’y a rien qui atteste que l’illustre disparu mérite plus les honneurs de la Nation que les Khalifes généraux rappelés récemment à Dieu. Et la question de qui mérite un Hommage national se pose forcément. Dire que c’est parce qu’il a rendu l’âme en plein exercice de ses fonctions ouvrirait la boite de pandore et, de nombreuses familles dont les fils sont morts en portant le drapeau national pourraient se faire entendre. Il n’est pas question de dénier à Bruno Diatta le professionnalisme que, à part Abdou Diouf qui a pourtant fait plus de temps avec lui que Me Wade et Macky Sall réunis, tous les hommes politiques ont chanté. Le défunt chef du Protocole de la présidence mérite sans doute que l’hymne national retentisse pour lui rendre hommage mais l’envergure que la cérémonie a prise, Macky Sall l’a décidée pour également se soustraire des cris de « au vol et au viol » que ses derniers actes ont suscités. Car, au-delà des considérations protocolaires (sic) qui montrent aussi qu’il n’a rien fait pour que cela soit un hommage national, les opposants et les guides religieux qui n’ont pas été snobés, ont reçu leur carton d’invitation pendant que la cérémonie se déroulait, sa relation avec les morts témoigne qu’il est souvent dans la manœuvre. Les morts que la République honore, il les choisit en fonction de ses intentions politiques.

Ceux qui s’attendaient à entendre deux mots de Macky Sall après le rappel à Dieu de Mamadou Diop, ancien maire de Dakar, se sont rendus à l’évidence. Le témoignage au tribunal en faveur de Khalifa Sall, a totalement sorti l’illustre disparu des registres de l’Etat qui n’a pas senti la disparition d’un de ses serviteurs pendant plus d’une vingtaine d’années. S’il n’a pas pu manquer les levées du corps de feu Djibo Leyti Kâ, décédé en étant à la tête de la Commission du dialogue des territoires (CNDT) et de Cheikh Mbengue rappelé à Dieu alors qu’il était directeur général de l’Agence de la couverture maladie universelle  (CMU), personne n’a entendu Macky Sall s’épancher sur leur mémoire. Tout comme il n’a pas jugé utile de se rendre à Mbour après le drame du stade Demba Diop encore moins à Ziguinchor après la tuerie de Boffa. Mais quand Me Ousmane Ngom a perdu son frère ; Samuel Sarr, sa mère ; Oumou Salamata Tall, son fils, le président Sall, lui-même, s’est déplacé pour, disait-il, présenter les condoléances de la Nation. Et, à chaque fois, il ne quittait la cérémonie funéraire qu’après avoir tendu la main à un futur transhumant.

En décrétant qu’un hommage national allait être rendu à Bruno Diatta, le président Sall donne du grain à moudre aux journalistes moins préoccupés à relayer les complaintes des partisans de Khalifa Sall qui ne sont pas suffisamment insurgés contre le décret présidentiel relevant leur mentor de ses fonctions de maire de Dakar et de l’empressement à lui trouver un remplaçant. Comme anesthésiés, aussi impuissants que Khalifa Sall derrière les barreaux, les partisans de celui que Macky Sall a donné le nom d’ex maire de Dakar se sont pliés et ont avalisé la décision dès lors qu’ils se sont préparés à élire un autre maire.  Ce que l’ancien Premier ministre, Aminata Touré, envoyé au casse-pipe pour évincer Khalifa Sall, n’a pu réussir, une simple signature de Macky Sall l’a fait. La volonté des Dakarois, c’est comme l’espoir de ceux qui attendaient que le leader de l’APR gouverne dans la sobriété et la virtuosité. Le leader de l’APR n’en a rien à faire. Les manœuvres qui ont abouti à l’éclatement de la coalition Taxawu Dakar dont trois candidats issus de ses flancs se sont présentés pour remplacer Khalifa Sall, la presse n’en a presque pas fait état. Sans tambour ni trompette, Macky a torpillé un choix populaire issu des urnes.

Pour ces deux semaines, tout a été pour Bruno Diatta. Sauf que, dans l’engouement général, personne ne se demande pourquoi à son âge, 69 ans, au lieu d’aller se reposer comme tout bon fonctionnaire après une carrière bien remplie, il continuait à suivre Macky SALL dont l’avion est plus mobile qu’un pigeon voyageur ?

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