Le PDS d’Abdoulaye Wade, naufragé des locales
Adepte d’une stratégie solitaire, le Parti démocratique sénégalais de l’ancien président a accusé un net recul lors des élections du 23 janvier, où il a été quasiment incapable de s’imposer dans un grand bastion.
Sa prestation a été si discrète qu’on en oublierait presque que le Parti démocratique sénégalais (PDS) était demeuré le principal parti de l’opposition sénégalaise par le poids électoral. Le 23 janvier au soir, tandis que les médias égrenaient les premières estimations des résultats du scrutin destiné à élire maires et conseillers départementaux, nulle mention du PDS, ce parti fondé en 1974 par l’ancien président Abdoulaye Wade.
En 2017, lors des législatives, la coalition Manko Wattu Sénégal (conduite par le PDS) avait pourtant su tenir son rang, même si le parti libéral avait concédé un net recul en dix ans. Avec 16,68 % au niveau national et seulement 19 députés sur 165 (ils étaient 131 sur 150 en 2007), le PDS confirmait sa perte de vitesse, laquelle s’ajoutait à une migration massive de ses principaux cadres, entamée dès la défaite d’Abdoulaye Wade à la présidentielle de 2012.
« Depuis la première alternance, en 2000, on constate une tendance forte au Sénégal, analyse Alassane Bèye, doctorant en sociologie électorale et enseignant-chercheur à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis. Le parti au pouvoir a du mal à exister après être retourné dans l’opposition. On l’a constaté avec le Parti socialiste après 2000 et avec le PDS après 2012. »
Grand perdant face à BBY et YAW
Les locales de janvier 2022 viennent confirmer cette tendance de manière spectaculaire. Impossible, en effet, de dénicher un bastion électoral important ayant basculé en faveur de la coalition Wallu Sénégal, fondée par le PDS avec une poignée d’alliés. En dehors de Diourbel, au cœur du pays mouride, où le parti garde de l’influence et où son candidat Malick Fall a sauvé l’honneur, nulle victoire marquante du PDS, alors que la coalition Yewwi Askan Wi (YAW) accumule les succès symboliques à travers le pays, de la région de Dakar à la Casamance.
Emmenée par Ousmane Sonko (Pastef-Les Patriotes) et Khalifa Sall (Taxawu Sénégal), YAW devait à l’origine inclure le PDS, ce qui aurait constitué une grande alliance d’opposition. Mais cet espoir a fait long feu. À peine la coalition était-elle créée, au début de septembre 2021, que le PDS en claquait la porte, préférant voler de ses propres ailes. Au risque de récolter les fruits amers d’une Bérézina inédite pour cette formation historique.
Après avoir péniblement sauvé les meubles en 2017, puis avoir déserté la présidentielle de 2019 – le parti s’était obstiné à présenter la candidature de Karim Wade, déclaré inéligible par le Conseil constitutionnel, plutôt que d’envisager un plan B –, le PDS apparaît donc comme le grand perdant de ces locales face à ses deux principaux concurrents, de la majorité (Benno Bokk Yakaar) et de l’opposition (YAW).
Selon Alassane Bèye, trois facteurs importants peuvent expliquer ce reflux : « D’abord, une crise interne découlant de certains arbitrages posés par Abdoulaye Wade, qui ont été contestés au sein du parti. Ensuite, une politique de cooptation de ses anciens adversaires déployée par Macky Sall, laquelle a conduit des cadres importants du PDS à rejoindre les rangs de la majorité présidentielle. Enfin, l’incapacité du PDS à nouer des alliances qui auraient pu lui assurer une certaine représentativité lors des grandes élections. »
« Diriger une coalition ou la quitter », c’est ainsi que le chercheur résume l’alternative adoptée depuis 2017 par l’état-major du PDS… à son propre détriment. Une approche qui a montré ses limites à Dakar lors de ces locales, où le parti d’Abdoulaye Wade a refusé, en septembre, de monter à bord du train de la victoire. « Le candidat de Wallu Sénégal à Dakar, Doudou Wade [neveu de l’ancien président], était dépourvu de charisme, de soutiens et d’ancrage local », assène, cinglant, Alassane Bèye.
Idrissa Seck moins influent
Du côté de YAW, la percée réussie dans la capitale et dans plusieurs communes de sa banlieue, ainsi qu’à Ziguinchor (Casamance) et Kaolack (Centre-Ouest), apparaît prometteuse en vue des prochaines échéances électorales, en raison du poids démographique de ces bastions. Autre grande victoire pour YAW, l’OPA apparemment réalisée à Thiès, où Idrissa Seck (rallié à la mouvance présidentielle), de longue date baron de la « cité du rail », a manifestement perdu en influence.
Lors des trois derniers scrutins, la stratégie solitaire – voire suicidaire – du PDS aura donc montré ses limites. « Ce parti est dans une dynamique dégressive depuis 2012, résume Alassane Bèye. Son poids politique et électoral ne cesse de s’amenuiser. » Après avoir décliné in extremis la possibilité d’une liste commune avec Ousmane Sonko et Khalifa Sall aux législatives de 2017, le doyen Abdoulaye Wade a en effet réédité cette approche cinq ans plus tard. Mais cette fois, le parti qu’il continue de diriger est le grand perdant du divorce.