Ce n’est pas encore Noël. Mais, beaucoup d’entreprises occidentales ont déjà reçu leurs ‘‘cadeaux » du gaz sénégalais. Des Usa à Singapour en passant par la Norvège, Bp et Kosmos ont distribué des contrats à des entreprises étrangères pour mettre en place ce qui servira de plateforme gazière. Le contrat des ombilicaux et du système de production sous-marin a atterri aux Usa. D’environ 750 millions de dollars (415 milliards de Cfa), le gros marché a été remporté McDermott qui a sous-traité l’ingénierie et le test des ombilicaux au français Nexans.
Le Flng, bateau qui servira de plate-forme d’extraction et de liquéfaction, sera construit par Gimi Ms Corporation. Le coût: 1,3 milliard de dollar (environ 715 milliards de Cfa). Le Système d’air Comprimé, qui y sera logé, viendra du Norvège. Le contrat de fourniture a été confié à Tmc Compressors. Pour liquéfier le gaz, l’américain Baker Hughes va fournir la technologie et les turbomachines. Eiffage Génie civil et Saipem, eux, s’occuperont de la construction du Terminal/Hub pour 230 milliards de Cfa.
Entre le marteau et l’enclume
Dans cette distribution de gros marchés, point d’entreprises sénégalaises. Même si le patron de Bp au Sénégal a dit que 50 entreprises du pays ont déjà bénéficié de marchés liés au Gaz, pour l’instant, aucune preuve. L’aventure est-elle mal partie pour le privé local ? « Le risque, c’est que nous ne soyons pas présents sur les gros marchés parce que nous n’en avons pas les capacités, et qu’ensuite ces multinationales s’organisent entre elles pour que la sous-traitance de la sous-traitance aille à des filières qui leur appartient. Si on ne fait pas attention, le dispositif juridique pourrait nous empêcher de ne pas accéder à ces marchés », alerte Abdourahmane Diouf du Club des investisseurs sénégalais.
« Si on ne positionne pas vite le privé national, on risque d’avoir une exploitation offshore où le Sénégal ne touchera pas beaucoup de retombées du Gaz », avertit un économiste consulté par Seneweb. En effet, pour pouvoir grappiller des marchés dans cette aventure pétro-gazière, le privé national fonde tout son espoir sur la loi sur le contenu local.
Le privé local pourra-t-il assumer ?
Le texte a été voté en janvier 2019. Objectif: promouvoir l’utilisation de la main-d’œuvre, des biens et services nationaux et du capital national dans l’industrie pétro-gazière. Théoriquement, un bon instrument. Cependant, le pays est composé, à 99.8% de frêles Pme. Des entreprises déjà confrontées à un très fort taux de mortalité. Pourront-elles s’aligner avec le niveau d’exigence de l’industrie pétrolière ? Ont-elles les certifications requises pour pouvoir fournir aux compagnies les équipements aux normes, les plus terre à terre ?
Le risque, c’est aussi d’appliquer ce texte alors que le privé national n’a pas les capacités, ni les qualifications de pouvoir répondre aux attentes de l’industrie pétrolière. Par exemple, au Nigéria, il avait été fait obligation de sous-traiter en priorité aux entreprises locales. Malheureusement, n’ayant pas les capacités requises, 70% des marchés gagnés par les nationaux ont été transmis à des entreprises occidentales. Faussant ainsi l’objectif de la loi sur le contenu local qui visait à développer le tissu industriel local.
Les syndromes nigérian et le ghanéen
En 2013, le Ghana avait, lui aussi, rendu public son cadre juridique sur le contenu local. Mais, l’application a révélé que les capacités humaines et les compétences technologiques locales sont inadéquates pour une participation significative des entreprises locales. De plus, le manque de capacité financière est un autre facteur limitant.
Le texte sénégalais semble vouloir conjurer ces effets pervers. Il dispose que les contractants, sous-traitants, prestataires de services et fournisseurs devront établir un plan de contenu local. Dans ce plan, ils devront inscrire en priorité la promotion du capital et des entreprises sénégalaises, de l’emploi et de la formation, du transfert de technologie, entre autres. La mise en place d’un Comité national de Suivi du Contenu local est aussi prévue. Mais, le défi sera dans la mise en œuvre.
Aujourd’hui, l’économie sénégalaise est dans une étape déterminante de son évolution. A quelques années de la production des premiers barils de pétrole et de gaz, l’espoir trône. Les gouvernants, s’empressent de mettre en place un cadre juridique avantageux. Mais, la mayonnaise prendra-t-elle ? Pourrions-nous éviter les travers dans lesquelles sont tombées certains de nos voisins africains ?