Les dernières cartes d’une élection en un seul tour (Par Madiambal Diagne)

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Il est heureux que le Président Macky Sall et son gouvernement aient fini par prendre la mesure de menaces proférées par Abdoulaye Wade contre la paix publique et la stabilité de nos institutions. Une grosse erreur avait été de prendre de telles menaces à la légère, considérant par exemple que Abdoulaye Wade était en train de bluffer. Bien au contraire, Abdoulaye Wade est on ne peut plus décidé et déterminé à commettre les forfaits qu’il a annoncés et notamment, il cherche à provoquer le désordre ou le chaos le jour du scrutin du 24 février 2019. Il faut y prendre garde et lui faire face. Il ne serait nullement question d’emprisonner Abdoulaye Wade. Il est arrivé à un âge où (plus de 95 ans) la situation carcérale devrait être spécialement aménagée. Mais l’État devra se montrer implacable à l’endroit de toute personne qui songerait à accompagner Abdoulaye Wade dans ses funestes projets.

Abdoulaye Wade est capable de tout
Le personnage est capable de descendre à son bureau de vote pour prétendre accomplir son devoir citoyen et chercher à casser l’urne lui-même. Il s’ensuivrait un tohu-bohu et ce serait l’instant pour lancer le signal à ses inconditionnels pré-positionnés dans des zones ciblées. Ce scénario peut faire sourire, mais il est à envisager le plus sérieusement du monde. En effet, on peut révéler qu’un schéma similaire avait été préconisé par Abdoulaye Wade quand il envisageait de débarquer à Dakar en compagnie de son fils Karim Wade. L’idée était effectivement d’arriver à l’aéroport et au cas où les Forces de l’ordre mettraient la main sur Karim Wade, que Abdoulaye Wade s’interposât luimême, pour se faire violenter et simuler sa mort. Ainsi, le temps que l’opinion publique sache ce qui venait de se passer, la rumeur de l’assassinat de Abdoulaye Wade aura déjà circulé et ses inconditionnels auraient tenté de mettre le feu dans Dakar. Dans cette perspective, Abdoulaye Wade avait préparé les esprits en annonçant avoir déjà fait aménager sa tombe à Touba. Il n’a finalement pas pu mettre à exécution ce plan de déstabilisation, car il a été informé que le gouvernement du Sénégal avait été mis au parfum et en conséquence avait fini de prendre toutes les dispositions nécessaires. Il faut aussi dire que le Président Macky Sall, lui-même, n’avait pas manqué d’ébruiter ce plan ourdi par les Wade. N’empêche, pour éviter toute mauvaise surprise, les autorités sénégalaises avaient mis en place un dispositif sécuritaire qui a permis d’encadrer l’arrivée de Abdoulaye Wade le 7 février 2019 à Dakar. D’aucuns avaient même pu être heurtés par toute l’attention accordée à Abdoulaye Wade qui a bénéficié d’un dispositif sécuritaire digne d’un chef d’État en exercice. On peut considérer que le dispositif était moins mis en place pour les beaux yeux de Abdoulaye Wade que pour la paix et l’ordre publics.

Abdoulaye Wade n’est pas un enfant de chœur. Des enregistrements éloquents le montrent. Son parcours politique a été jalonné de violences. Il clamait qu’il arriverait au Palais sans jamais marcher sur des cadavres et c’était pour tromper son monde. Abdoulaye Wade clignote à gauche pour tourner à droite, comme le disait Pape Samba Mboup. En direction de la prochaine élection, il a appelé publiquement à brûler les procès-verbaux des bureaux de vote. On peut être certain qu’il n’agira pas ainsi. C’est un leurre. En effet, il lui sera impossible de brûler les procès-verbaux établis au moins à 7 exemplaires, dont un remis au représentant de chaque candidat, un autre affiché devant le bureau de vote et un autre destiné à la Commission départementale de recensement des votes. L’exemplaire qui est destiné à la Commission de recensement des votes est toujours placé sous bonne garde des forces de sécurité. Un tel dispositif ne laisse pas de risque, donc ne permet pas qu’on puisse se saisir de l’ensemble desdits Pv pour les détruire. On peut augurer que Abdoulaye Wade n’agira pas à la fin du vote, le moment qu’il a choisi d’annoncer. Il le ferait avant, au cours des opérations de vote, au beau milieu de la journée. Le cas échéant, Abdoulaye Wade pourra toujours dire qu’il n’avait pas appelé à casser les urnes, mais à brûler des Pv. La nuance pourra s’avérer importante à ses yeux. Aux dernières élections législatives, ses partisans avaient saccagé des bureaux de vote dans la ville de Touba, dans des fiefs qu’ils savaient ne pas contrôler. Résultats des courses ? Les dizaines de milliers de votes dans ces bureaux n’avaient pas été comptabilisés dans les décomptes finaux du scrutin législatif de 2017.

Rétrospective sur les crimes de Wade
Abdoulaye Wade a eu à commettre plus d’un forfait en matière de violences politiques. Combien de morts ont jalonné son parcours politique, notamment en 1988 à Thiès, avec la bastonnade assassine de policiers à la Place de France ? Qui ne se rappelle pas l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel, Me Babacar Sèye, le 14 mai 1993 ? Qui ne se souvient pas de la démission du juge Kéba Mbaye pour préserver la vie d’un de ses fils qui était dans le collimateur de la bande à Amadou Clédor Sène, des tueurs à la solde de Abdoulaye Wade ? Ce sont ces mêmes personnes qui avaient été les auteurs de l’assassinat de Me Babacar Sèye et qui avaient tiré nuitamment à balles réelles sur le domicile du juge Youssoupha Ndiaye qui avait remplacé Kéba Mbaye à la tête du Conseil constitutionnel. Qui ne se souvient pas de la tuerie sauvage de six policiers le 16 février 1994, suite à un meeting de la coalition dirigée par Abdoulaye Wade et avec la forte implication des membres de la Dahiratoul moustarchidine wal moustarchidaty (Dmwm) ? Ce sont ces mêmes fidèles de la Dmwm qui constituent la base sociale du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), dont des éléments sont accusés, par la clameur publique, d’avoir tué, durant la présente campagne électorale, des militants de la coalition du candidat Macky Sall à Tambacounda. Abdoulaye Wade avait aussi gouverné le Sénégal avec une violence inouïe. Il a emprisonné des journalistes et des opposants, il a couvert les saccages de locaux des journaux L’As et 24 Heures, Walfadjri. Ses hordes de « calots bleus » avaient bastonné des journalistes et des opposants et comble, à la veille du scrutin de 2012 qui verra sa défaite, le régime de Abdoulaye Wade avait déjà comptabilisé quelque 14 morts dans les rangs de l’opposition qui manifestait juste contre sa candidature.

Alpha Condé rendrait un service au Sénégal en retenant Abdoulaye Wade à Conakry
Abdoulaye Wade s’est envolé pour Conakry, dit-on, à l’invitation du chef de l’État guinéen Alpha Condé. La démarche a pu surprendre, car tout le monde sait le mépris dans lequel Abdoulaye Wade a toujours tenu Alpha Condé. Seulement, pourrait-elle constituer une bonne opportunité pour Abdoulaye Wade de sauver la face en se gardant de chercher à mettre à exécution son plan ; et cela, à la demande d’un « ami ». Tout le monde a pu constater que les appels subversifs de Abdoulaye Wade ne sont guère suivis par les populations. Bien au contraire, Abdoulaye Wade a pu, par ses déclarations provocatrices, fâcher bien des gens. Ils sont aussi nombreux à en vouloir à Karim Wade au nom et pour le compte exclusif de qui son père Abdoulaye Wade se dévoue pour mener un combat désespéré.

On ne peut envisager l’idée que Alpha Condé ait fait déplacer Abdoulaye Wade à Conakry pour chercher des ennuis au régime du Président Macky Sall. On présume donc que Alpha Condé est bien intentionné. Ainsi, au cas où Alpha Condé n’aurait pas fait calmer les ardeurs guerrières de Abdoulaye Wade, il serait utile de trouver un moyen de garder son hôte à Conakry, le temps de laisser passer l’élection présidentielle. Il reste que la démarche de Alpha Condé apparaît très opportuniste. C’est un secret de polichinelle que Alpha Condé n’est pas un fan de Macky Sall pour l’aider à se sortir d’une situation délicate. C’est peut-être un pyromane qui joue au pompier. Mais en recevant Abdoulaye Wade pour jouer aux bons offices, il peut accréditer l’idée que le Sénégal est un pays en crise, comme la Guinée du reste, et qu’il aurait aidé à décrisper la situation. Alpha Condé se donnerait ainsi le beau rôle. Le camp du Président Macky Sall a néanmoins tenu à faire savoir qu’il n’est demandeur d’aucune médiation et assure que la sécurité le jour du scrutin sera assurée par les forces publiques. Ironie du sort ? Au moment où Alpha Condé se met à s’immiscer dans les problèmes politiques intérieurs du Sénégal, l’actualité de son propre pays le rattrape. En effet, l’opposant Cellou Dalein Diallo a débarqué samedi dernier à Conakry et la foule de ses militants venus à son accueil a eu à en découdre avec les Forces de police guinéennes. Bilan des affrontements, plus de trente blessés graves. Une telle situation jure d’avec les conditions dans lesquelles Abdoulaye Wade a débarqué à Dakar. Pourtant, Cellou Dalein Diallo n’avait pas lancé des appels à la sédition avant de débarquer dans son pays, comme l’avait fait Abdoulaye Wade. C’est dire que Alpha Condé, « faiseur de paix », devra balayer devant sa propre porte…

Macky Sall vers un plébiscite
Macky Sall est parti pour être réélu dans un fauteuil. L’attitude de Abdoulaye Wade qui refuse de voter pour un quelconque candidat et qui préconise le boycott ouvre la voie large à Macky Sall pour une réélection au premier tour. Par la même occasion, Macky Sall semble être en passe de vaincre le signe indien dans la zone de Touba, grâce à l’absence d’un candidat adoubé par Me Wade, mais aussi grâce aux réalisations comme l’autoroute Ila Touba, le nouvel hôpital et les chantiers d’infrastructures dans l’agglomération de Touba. Aussi, le déroulement de la campagne électorale révèle bien ce qui s’annonce comme une fatalité. Les concurrents du Président Sall éprouvent toutes les difficultés sur le terrain pour rassembler des militants et sympathisants en nombre importants qui pourraient autoriser à croire que tel ou tel candidat pourrait tenir la dragée haute au Président sortant. Il s’y ajoute que les challengers du Président Sall n’arrivent pas à élaborer un discours persuasif. En effet, le bilan du Président sortant est difficilement battu en brèche. Il est difficile pour un candidat d’emprunter les infrastructures réalisées dans le cadre de la première phase du Plan Sénégal émergent (Pse), de trouver sur le terrain des réalisations du Pudc, ou d’emprunter le pont sur le fleuve Gambie ou le pont de Foundiougne, ou la Voie de dégagement nord de Dakar, ou l’autoroute Aibd-Mbour, ou de visiter la nouvelle ville de Diamniadio qui sort de terre, et pouvoir dire aux populations que le bilan du candidat sortant est nul. Il est difficile d’occulter que le régime de Macky Sall a vaincu les délestages dans la distribution de l’électricité. Il est autant difficile pour ces candidats de l’opposition de décliner des projets nouveaux qui ne soient pas déjà exécutés ou en cours de réalisation dans la phase 2 du Pse. Le candidat Macky Sall se prévaut d’un bilan assez élogieux et a l’avantage d’avoir un programme déjà ficelé pour les cinq prochaines années et dont les financements nécessaires sont déjà acquis. Ainsi, il ne reste aux adversaires du Président Sall que de se livrer à des invectives et des attaques personnelles. Sur le terrain de la bonne gouvernance et de la probité, Macky Sall ne saurait recevoir de leçons de la part de ses contempteurs. Bien au contraire !

Sur un autre registre, le candidat Macky Sall a quelque part une certaine longueur d’avance pour bénéficier d’un large soutien de sa coalition Benno book yaakaar qui n’a pris aucune ride et à laquelle se sont ajoutés de nombreux nouveaux soutiens venus du Parti démocratique sénégalais (Pds) ou d’autres formations politiques qui étaient jusqu’ici opposés au régime de Macky Sall. Les défections sont nombreuses des camps de l’opposition pour rallier la candidature de Macky Sall. Les soutiens et ralliements des Modou Diagne Fada, Aïssata Tall Sall, Abdoulaye Baldé, Banda Diop, Moussa Sy, Ibrahima Braya Fall, entre autres, se joignent à la base originelle de Benno book yaakaar. Aussi, les consignes de vote en faveur de Idrissa Seck données par exemple par des candidats qui n’avaient pas réussi à franchir le filtre du parrainage ne semblent pas devoir opérer automatiquement. En outre, on peut considérer que Macky Sall, qui n’a de cesse de mobiliser ses électeurs durant ses pérégrinations, fera un carton plein avec les votes qui lui sont acquis. Il considère que l’élection n’est pas gagnée d’avance et exige que chaque électeur qui lui est favorable exprime son vote dans les urnes. Pendant ce temps, des militants et sympathisants de candidats recalés pourraient ne pas être assez enthousiastes pour aller voter pour un autre candidat. L’exemple du maire de la Médina à Dakar, Bamba Fall, est assez éloquent, lui qui se garde de donner une consigne de vote après la disqualification de son candidat Khalifa Sall. En d’autres termes, les cas d’abstention qui pourraient être nombreux profiteront à conforter une victoire de Macky Sall. On remarquera que même dans leurs discours, les candidats de l’opposition semblent crédibiliser la perspective d’une élection pliée en un seul tour. Idrissa Seck déclare lui-même que l’élection se jouera désormais en sa faveur dès le premier tour. Il semble vouloir installer une dualité et en conséquence, ce ne devrait plus être une surprise si, au soir du 24 février 2019, un Macky Sall se trouvait donc élu dès le premier tour de scrutin.

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